Reconstruire les forces de défense et de sécurité en Côte d Ivoire
345 pages
Français

Reconstruire les forces de défense et de sécurité en Côte d'Ivoire , livre ebook

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345 pages
Français

Description

Les militaires, les miliciens et autres agents de sécurité ont traumatisé pendant une décennie les Ivoiriens. Toutefois la reconstruction du secteur de la sécurité (RSS) amène un peu d'espoir. Quelles en sont les enjeux ? Pour poser un diagnostic avisé, l'auteur a soumis le secteur de sécurité ivoirien à une autopsie.

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Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 25
EAN13 9782296478138
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

RECONSTRUIRE LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ EN CÔTE D’IVOIRE
Contribution citoyenne
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56706-1 EAN : 9782296567061
Philippe ASSALÉ
RECONSTRUIRE LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ EN CÔTE D’IVOIRE
Contribution citoyenne
L’Harmattan
Collection Défense, Stratégie & Relations Internationales (D.S.R.I) (Dirigée par François Manga-Akoa)
Depuis la chute du Mur de Berlin le 09 novembre 1989 qui a entraîné celle du Bloc socialiste est-européen dirigé et dominé par l’Union soviétique, puis celle de l’URSS le 08 décembre 1991, signant ainsi la fin de l’affrontement entre les pays du pacte de Varsovie et ceux de l’OTAN, la guerre a pris plusieurs formes inédites jusqu’alors. Le terrorisme international, les guerres asymétriques, la guerre économique se sont exacerbés grâce au développement exponentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Par ailleurs, la privatisation de l’usage de la force, jusqu’alors réservé à l’Etat, a rendu possible l’externalisation de plusieurs services de l’Etat. En effet, plus que jamais, se vérifie l’adage de Héraclite qui affirme que la guerre est la mère de toute chose. Tel un veilleur qui attend l’aurore, la collection D.S.R.I scrute l’horizon de ce nouveau siècle, décrypte et prospecte l’actualité internationale en ses aspects politiques, diplomatiques, stratégiques et militaires.
Dernières parutions
Bernard FONTAINE,Les armes à énergie dirigée. Mythe ou réalité ?, 2011. Gabrielle FOY,L’influence de la communauté sur la géopolitique argentine, de 1850 à nos jours, 2011. Alphonse TONYE,Barack Obama : un homme, un peuple, un destin, 2011. Seddik LARKECHE,Épistémologie du risque, 2011. Sidi Mohamed SIDATY,Mémento des relations diplomatiques, 2010. Alain DE NEVE,L'Agence européenne de défense et la coopération dans le domaine capacitaire, 2010. Jérôme BELINGA,Glossaire raisonné anglais-français du jargon diplomatique, 2010. Abakar TOLLIMI,La résolution des conflits frontaliers en Afrique, 2010. Léon KOUNGOU,Le régime de non-prolifération nucléaire. État des lieux, état du discours, 2010. Léon KOUNGOU,Défense et sécurité nationale en mouvement, 2010. Jean-François MOREL, Alastair CAMERON,L’Europe de la Défense, 2009. Jean-François MOREL, Alastair CAMERON,European Defence, 2009. Pierre-Paul DIKA,La politique d’immigration de la nouvelle Afrique du Sud post-apartheid, 2009. Commissaire colonel Simplice Euloge LEBI,Pour une histoire militaire du Congo-Brazzaville 1882-1992, 2009.
INTRODUCTION «L’armée reste la véritable noblesse du pays» Napoléon III 1 Quis custodiet ipsos custodes ? Juvénal, poète satirique romain
La réforme du secteur de la sécurité est une expression très récente et relativement ambiguë. Sa définition ne fait pas l’unanimité parmi les théoriciens. Le problème du secteur de la sécurité est symptomatique des défis sociaux, politiques et économiques auxquels font face les pays en transition ou en situation de sortie de crise. D’où la nécessité d’une approche holistique du développement, incorporant les 2 problèmes du secteur de la sécurité comme articulation majeure. Pendant longtemps, le terme sécurité a été réduit à son aspect militaire. Il s’entendait comme sûreté nationale. Mais, depuis quelques années, on essaie de le revisiter et de l’approfondir. La sécurité prend désormais en compte les menaces politiques, sociales, environnementales et sanitaires. De cette veine a émergé le 3 terme « sécurité humaine » . Le PNUD, promoteur dudit concept, donne une définition plus large couvrant des sujets aussi variés que divers notamment les conséquences des mines antipersonnel, des armes légères, le respect du droit international humanitaire, la protection des enfants dans les conflits armés, le trafic humain, tous les aspects du développement humain comme la sécurité alimentaire, environnementale et la santé. En ce moment, ces questions occupent l’actualité non à cause de leur nouveauté, mais parce qu’elles sont catégorisées comme des 4 problèmes de sécurité. Être en sécurité, c’est vivre dans un environnement favorisant le bien-être et la satisfaction des besoins fondamentaux. La sécurité des individus et la sûreté de l’État se renforcent mutuellement. La réforme du secteur de la sécurité consiste à mettre en place un dispositif de 1 Qui nous protégera des gardiens ? 2  D. Hendrickson, A review of security sector reform, working paper 1, Centre for Defense studies, University of London, 1999, p.9.3  Pour le concept de sécurité communautaire ou sociétale voir Waever, O., Buzan, B., Kelstrup, M., Lemaître, P.,Identity, Migration and the New Security Agenda in Europe (Pinter : London, 1993). Concernant la sécurité humaine, voirS+F – Sicherheit und Frieden/Security and Peaceno. 1 (2005) and in Brzoska, M., Croll, P.J. (eds.),Promoting Security: But How and For Whom?(Bonn International Center for Conversion: Bonn, 2004). 4 Approaching Peacebuilding from a Security Governance Perspective.
sécurité efficace fonctionnant selon les règles de l’État de droit et qui sera soumis au contrôle démocratique des autorités civiles. L’Union Européenne définit la RSS comme «l’ensemble des transformations fondamentales relatives à la structure, la réglementation, la gestion, l’attribution des ressources et le contrôle du secteur de la sécurité au 5 sein de trois principaux organes : l’armée, la police et la justice». Cette approche ne couvre pas tout le secteur de la sécurité. La réforme fait appel à plusieurs types d’acteurs notamment les forces armées, la police, la gendarmerie, les forces paramilitaires, la garde présidentielle, les services de renseignement de sécurité (militaires et civils), les douaniers, les sociétés privées de sécurité, les groupes d’auto-défense, les milices et groupes armés irréguliers, les services pénitentiaires. À ces acteurs, s’ajoutent les autorités chargées de la surveillance et du contrôle du système de sécurité incluant le pouvoir judiciaire, le ministère de la Justice, les commissions de défense des droits de l’homme, les organisations de la société civile, les chefs traditionnels et coutumiers, etc. La réforme du secteur de la sécurité (RSS) est l’ensemble des mécanismes permettant à un pays de répondre aux besoins de sécurité et de justice de ses citoyens dans le respect des normes démocratiques, des principes de bonne gouvernance et de l’État de droit. «La RSS comprend, mais s’étend bien au-delà de l’assistance pour la 6 défense, le renseignement et le maintien de l’ordre. » Il y a une légère différence entre la réforme du secteur de la sécurité et la reconstruction du secteur de sécurité qui prend en compte tous les éléments de la première et l’héritage de la guerre. En d’autres termes, c’est la réforme du système de sécurité dans une situation de sortie de crise. Elle englobe le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration, les violences basées sur le genre, la prolifération des armes légères, l’insécurité, etc. Malgré son actualité, la réforme du secteur de sécurité demeure encore pauvre sur le plan analytique. Il existe un manque de consensus sur ce que l’on entend par secteur de sécurité, et ce, parce que le terme 5 L’Union européenne a adopté cette définition. En général, la réforme du secteur de la sécurité concerne la démobilisation des combattants, la restructuration des acteurs de la sécurité (l’armée, les paramilitaires et la police) et le contrôle démocratique exercé par les civils. La RSS fait partie intégrante de la promotion de la bonne gouvernance. 6 Nicole Ball,Maintien de l’ordre dans le contexte des théories et débats sur la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) en Afrique, intervention à la Conférence de l’IDASA sur « Police Reform and Democratisation in Post-Conflict African Countries (12-15 Mars 2007).
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«sécurité »tend à se dissoudre dans une multiplicité de lui-même facettes et de configuration plombant sa performativité. Les dimensions des questions sécuritaires qui se posent à nous aujourd’hui dépassent la conception traditionnelle du concept. Non seulement les auteurs ne s’accordent pas sur la définition, mais aussi sur l’agenda, les défis, les effets et les articulations de la réforme du secteur de sécurité. Thomas C. Bruneau et Florina Cristiana Matei rapportent qu’ils ont existé à au moins quinze définitions de la réforme du secteur 7 de la sécurité . Le rajeunissement, la professionnalisation des effectifs, la modernisation des équipements, l’amélioration du cadre de vie du personnel miliaire, la démobilisation-réintégration socio-économique des ex-combattants et autres miliciens, la fusion des effectifs de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FRCI) et anciens FDS, la sécurité communautaire, la lutte contre les armes légères et l’éducation aux risques des engins non explosés devront constituer les axes majeurs du processus de RSS en Côte d'Ivoire. Selon le défunt PNDDR, La RSS a pour but de« redéfinir la stratégie de défense et de sécurité de la Côte d’Ivoire en modélisant des plans permettant à la nation d’atteindre ses objectifs en matière de défense et de sécurité à moindre coût, au niveau matériel, humain, et financier. Réorienter également les missions des forces qui sont toutes à la fois militaires et d’ambition sécuritaire générale à la fois de la population et de l’économie. Il s’agira également de façon pragmatique de définir un nouveau concept d’emploi des forces, et 8 son cadre d’action. » La RSS vise finalement à revitaliser les institutions de défense et sécurité d’une part, et d’autre part, à s’assurer que les Forces de Défense et de Sécurité accomplissent leur mission selon les normes démocratiques. La RSS peut s’articuler autour de plusieurs principes tels que l’appropriation locale du processus, les normes 9 démocratiques, les Droits de l’homme et le Droit humanitaire. Le 7  Bruneau, Thomas C. and Matei, Florina Cristiana (2008) '’Towards a New Concep-tualization of Democratization and Civil-Military Relations’', inDemocratization,15: 5, 909 -929. 8  Programme National de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion et Réhabilitation Communautaire en Côte d'Ivoire (PNDDR /RC), version du 22 avril 2005. 9 Hendrickson, Dylan (2004), “Introduction. Overview of Regional Survey Findings and Policy Implications for Donors,” in OECD, DAC, A Survey of Security System Reform and Donor Policy: Views from Non-OECD Countries, Paris: OECD; available at www.ipacdemy.org/ssr/PDFs/
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secteur de la sécurité devra endosser les mêmes principes de responsabilité et de transparence que ceux appliqués au secteur public. Autant que possible, le processus de réforme du secteur de la sécurité doit répondre à trois conditions : — La définition et la mise en œuvre d’une politique de sécurité permettant à l’État de répondre aux besoins de sécurité et de justice du pays et de sa population ; — Le renforcement des mécanismes de gouvernance des institutions de sécurité ; — La mise en place de mécanismes institutionnels de mise en œuvre du processus. L’armée ivoirienne est une institution vieille de cinquante ans. Elle a joué un rôle important dans le maintien de la paix sociale, de la stabilité et de l’intégrité territoriale du pays pendant une quarantaine d’années. L’armée ivoirienne, comme toutes les armées du monde, connaît des mutations dans le temps. Elle doit constamment s’adapter au contexte de l’époque et aux nouveaux défis. La Côte d’Ivoire a connu pendant une dizaine d’années une guerre civile qui avait conduit à une partition de fait du pays. Les nombreux accords de paix entre les parties au conflit n’ont été mis en œuvre que partiellement. Les insurgés appelés « Forces Nouvelles », les miliciens du camp Gbagbo n’ont pas déposé les armes avant les élections. Malgré, tous les risques que cette situation comportait, les acteurs politiques y compris le camp du président Gbagbo avaient accepté d’aller aux élections. Le premier tour malgré quelques incidents s’était déroulé dans des conditions acceptables et ses résultats ont été validés par tous les candidats. Le deuxième tour avait opposé les candidats Laurent Gbagbo (président sortant) et Alassane Dramane Ouattara. Ils avaient offert au monde entier une scène inédite en discutant en direct sur un plateau de télévision de leur programme de gouvernement. Ce dialogue avait fait rêver les Ivoiriens et le monde entier. Pour les plus pessimistes, c’était l’inauguration qu’une ère nouvelle : celle de la démocratie et du retour de Côte d’Ivoire sur la scène internationale. Mais, ce noble rêve s’était transformé en cauchemar à la suite de la contestation électorale qui s’était dénouée en fin mars, début avril 2011. Cette nouvelle donne constitue une opportunité réelle pour redresser la situation sécuritaire délétère du pays. Ce doit être une des tâches prioritaires des nouvelles autorités.
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Une réforme des forces armées mal menée pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l'avenir politique du pays. Une réforme conduite correctement devra relever de nombreux défis que nous évoquerons plus tard. Le chapitre VII, alinéa 6 des accords de Marcoussis (France), avait donné mission au gouvernement de réconciliation nationale de mettre en place une armée nationale réunifiée et restructurée. Les accords de Pretoria, ont demandé aux chefs d’état-major des FANCI et des Forces Nouvelles de formuler des recommandations spécifiques pour la formation d’une nouvelle armée attachée aux valeurs d’intégrité et de moralité républicaine, et de procéder à la restructuration des Forces de Défense et de Sécurité comme stipulé au paragraphe 3(f) de l’Accord de Linas Marcoussis. Un centre de commandement intégré, composé des états-majors des Forces Nouvelles et des Forces de Défense et de Sécurité avait été mis en place pour piloter la RSS. Malgré les atermoiements, cette réforme a connu quelques succès qui semblent être annihilés par la reprise des combats lors du départ du président Gbagbo du pouvoir. Pour défendre son régime, le camp Gbagbo s’était appuyé sur des mercenaires et des miliciens. Des armes ont été distribuées à de « jeunes patriotes » et des comités d’autodéfense. Certaines résidences universitaires étaient transformées en poudrière. De son côté, Alassane Ouattara s’était appuyé sur les FRCI. Cette armée établie en mars 2011 en plein cœur de la crise recouvre : «à la fois des mercenaires burkinabè, ou Nigérians, des chasseurs traditionnels dozos, des militants du rassemblement des républicains (RDR) que l’on a armés pour mener l’offensive sur Abidjan, ou encore des prisonniers évadés de la Maison d’arrêt et de correction 10 d’Abidjan (Maca) et des prisonniers des villes de l’intérieur.» L’armée ivoirienne dans sa forme actuelle représente un danger pour les Ivoiriens et la sous-région. Nul n’est besoin d’être spécialiste en stratégie militaire pour se rendre compte que cette armée au sein de laquelle se côtoient des militaires de carrière, des pillards, des violeurs de femmes et d’enfants, des mécaniciens et des repris de justice, ne peut assurer la défense de la Côte d’ Ivoire en cas de danger à ses frontières. Cette armée qui a perdu toute crédibilité et légitimité du fait 10 Elodie Vermeil, ‘’Côte d’Ivoire et maintenant ?’’ InAfrique Magazine, no 309, juin 2011, p.40
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des violations graves des droits de l’homme que ses membres ont commis dessert la cause de la démocratie et de l’état de droit. Dans cet essai, nous tenterons d’apporter notre contribution à la réforme du secteur de la sécurité qui constitue une des priorités des nouvelles autorités. Nous nous sommes assignés le rôle de reprendre les principaux défis et risques auxquels se heurte aujourd’hui le système de sécurité du pays et d’y apporter des éléments de réponse aussi, modestes soient-ils. Cet ouvrage a quatre articulations. Dans la première partie, nous aborderons le thème de sécurité nationale et tous les problèmes connexes. La seconde partie sera consacrée aux mécanismes de contrôle démocratique du secteur de sécurité. Les principes évoqués dans cette partie sont valables pour toutes les armées, la gendarmerie, les forces de sécurité et les forces paramilitaires. La troisième partie couvre la réforme par arme. La dernière articulation montre l’importance d’une approche intégrée de la RSS. Elle aborde plusieurs questions importantes notamment le contrôle des armes légères, la justice transitoire, les mécanismes de prévention des conflits et de consolidation de la paix. Elle se penche finalement sur les problèmes des accords de défense avec la France.
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