Danseuses de cabaret
198 pages
Français

Danseuses de cabaret , livre ebook

-

198 pages
Français

Description

Si le cabaret parisien, depuis son avènement à la Belle époque, est un des lieux d'expression de l'identité féminine, il est également un lieu de consommation et de dégradation de cette même identité. Comment s'est lentement dessiné cet art populaire, quels en sont les composantes et les enjeux modernes ? Qui sont ces danseuses qui font le choix d'exercer dans le milieu du cabaret et du music-hall ? Quelles sont les images de "femme" qu'on leur fait incarner ? Comment expliquer cette dérive artistique ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 0
EAN13 9782296239302
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mes remerciements à :

À Rita, Anouk, et Yannick

Nicole-Claude MATHIEU, maître de conférences à l'E.H.E.S.S.
pour son soutien et son dévouement indéfectible.
Darwish El Hawaghi, l’initiateur de cette étude.
Olivier Bickart et Vincent Chenille, pour leurs conseils avisés.
À Julie pour son enthousiasme et ses bonnes idées, Monique et
Gaëlle pour leur précieux soutien technique et leur stimulante
contribution.
Ottilie Eucher pour son aide et son amitié… ainsi qu’à Virginie,
Ruthlyn et tant d’autres…
À toutes les interviewées pour leur sympathie et disponibilité.
Pour toutes les « sans-papiers » d’Italie, qui ont inspiré cette
recherche.
Enfin à ma mère sans qui ce livre n’aurait pu voir le jour.

PRÉAMBULE

Lorsque j’étais danseuse professionnelle, j’ai souvent dû
répondre à cette même question : « Mais, à part “ça”, que
faitesvous professionnellement ?» À l’évidence, cela témoignait de
l’impossibilité pour la plupart des gens à imaginer qu’être danseuse
– et en l’occurrence de music-hall –, ce pouvait être un métier...
C’est donc pour parler de ce milieu méconnu, ou plutôtmal connu,
que le projet de ce livre a vu le jour.
1
D’après le Quillet , le mot music-hall vient de l’anglais (music :
musique ;hall :salle), salle de concert ou de théâtre avec
orchestre, où l’on donne des spectacles variés : morceaux de
musique et de chant, sketches dramatiques, tableaux vivants,
revues à grand spectacle avec effets de lumière et large usage de
machinisme, de danses, d’acrobaties.
Si le terme music-hall évoque le “grand spectacle” et des lieux
parisiens mythiques, le cabaret – à quoi il est souvent associé –
renvoie quant à lui au caractère intimiste des petites salles... Des
lieux donc, mais aussi un “genre” de spectacles qui, comme l’a
2
décrit Legrand Chabrier , s’apparente àune coalition de tous les
spectacles qui ne sont pas le théâtre.Éminemment populaire en
France, c’est l’espace où les danseuses se dévoilent le plus et ce,
depuis sa création. Les fins de ce genre de représentations visent
l’esthétique – du spectacle mais surtout du corps féminin – et le
plaisir, si ce n’est des sens, du moins celui de se divertir.
La “scène” music-hall et cabaret d’aujourd’hui recouvre un
large spectre, qui va du plus prestigieux au plus obscur. En haut de
la pyramide, il y a la “revue”, c'est-à-dire des “tableaux” de danse
en costumes (assez dénudés) de plumes et de paillettes et où l'on
chante parfois, parmi lesquels notre “french cancan” s’inscrit... Ce
sont des spectacles que l'on peut voir dans tous les grands cabarets
de renom du monde, et que les médias télévisuels retransmettent
régulièrement. Mais ce type de représentations se pratique

1
Cité par Jacques Feschotte,Histoire du music-hall,Paris, P.U.F, 1965.
2
Legrand Chabrier (1841-1894) – compositeur, principalement d'opérettes –
fréquente la vie artistique parisienne, et la maison d'édition Lemerre, qui est le
rendez-vous des Parnassiens.

7

également, à plus petite échelle, dans les casinos, les discothèques,
les restaurants, les mariages, les soirées privées en France comme à
l'étranger. Viennent ensuite toutes sortes de spectacles dérivés de
ceux-ci, et qui n'ont en commun que la nudité des corps qui
s'exposent de plus en plus, mais où l'on danse de moins en moins...
Il existe réellement une gradation qui s'exerce par rapport aux
types de spectacles, mais aussi en fonction des lieux où l'on se
produit. Suivant les endroits, les spectacles changent beaucoup, et
il en va de même de l’image et de la position des interprètes
féminines.
Mais outre l’aspect brillant ou misérable des spectacles, il sera
aussi question dans cet ouvrage de considérer les différents statuts
sociaux et professionnels des danseuses de music-hall et des
images de “femme” qu’on leur fait incarner, que de l’évolution et
des aléas de leur carrière. Au-delà de la vitrine rutilante des grands
cabarets, je tenterai de lever un bout du rideau vers les coulisses
afin de voir ce qu’il en est de ces danseuses qui ont fait le choix
d’exercer dans les divers milieux du cabaret et du music-hall.

QUESTIONS

Au tout début de cette étude, je suis partie d’un questionnement
qui s’est très vite révélé erroné : j’avais supposé que les danseuses
qui travaillaient au cabaret le faisaientpar défaut, c’est-à-dire faute
de pouvoir aller ailleurs – une sorte depis-alleren quelque sorte…
étant entendu que faire du cabaret ou du music-hall, selon moi, ne
pouvait pas être “intéressant artistiquement”. Cette problématique
n’a pas résisté très longtemps à la confrontation du “terrain” et à
mes tout premiers entretiens : en réalité beaucoup de danseuses
aiment ce métier et, qui plus est, ne souhaiteraient pas, ni
n’auraient voulu faire autre chose… Ainsi, moi-même, qui avais
évolué dans ce milieu, j’étais envahie par les jugements de valeur
et la discrimination. Je suis donc partie de ce constat pour en
comprendre la nature.
Sans doute, le plus frappant dans cet univers est l’aspectbinaire
de la représentation de la danseuse : à la fois dotée d’un pouvoir de
fascination et en même temps d’une forme de rejet et de mépris.
De plus, mon expérience professionnelle a fait apparaître que
l’image et le statut des danseuses semblent, selon les lieux où l’on

8

se produit, suivre ce même processus de représentations binaires,
comme si l’une justifiait l’autre. Aussi, à l’instar d’Howard
3
Becker ,je me suis dit queleur image justifie leur statut.J’emploie
le mot “justifier” dans le sens de “expliciter”, mais aussi de
“légitimer”. Il sera donc question ici, à la fois de l’image
symbolique des danseuses de cabaret, que de leur statut social et
économique.
L’histoire du music-hall et du cabaret parisien est étroitement
associée aux femmes interprètes artistes. L'un et l'autre se sont
construits ensemble, il allait donc de soi que parler des danseuses
de cabaret impliquait de considérer l'histoire du music-hall. Mais
très vite, je me suis aperçue que l’histoire de ce genre est comme
une pieuvre aux multiples tentacules, les influences qu’il a subies
sont très nombreuses et compliquent énormément la maniabilité du
sujet. Aussi, afin de délimiter le champ de mon étude, je suis partie
de plusieurs questionnements préalables.
D'où viennent ces spectacles ? Comment ont-ils vu le jour?
Quelles en sont les caractéristiques ? (Comme, par exemple, le fait
que ce soit un univers foncièrement masculin, de licence, et
souvent dangereux…) Enfin et surtout, pourquoi a-t-on commencé
à exhiber des femmes nues, à un moment de l’histoire où la seule
vue d’une cheville faisait chavirer ? Peut-on parler en France de
patrimonialisationde cet art, au départ populaire? Ces
représentations, bien que revendiquant une origine française,
semblent au contraire particulièrement influencées par l’Amérique
et font référence à ses codes esthétiques. Peut-on dire que la
construction de l’image symbolique des interprètes féminines au
sein de ce même art est corrélée à cette patrimonialisation ?
En considérant ce que l’on voit sur les scènes parisiennes de
renom et dans d’autres sphères de production de spectacles, je me
suis souciée de savoir – sous l’angle de la symbolique – à quelles
fins étaient destinés ces spectacles ; et je les ai traités comme
autant de trames narratives différentes émanant du même thème.
Mais, les images féminines ainsi représentées sur scène ne
renverraient-elles pas davantage à des représentations collectives
de la femme venues de temps plus anciens ? De quelles figures du

3
Becker Howard S.,Outsiders - Études de sociologie de la déviance,Paris,
Métailié, 1985.

9

féminin est-il question ? Et la formation en danse participe-t-elle à
cette “construction” ? Avec ces figures féminines, la danse apparaît
comme un des lieux d’expression de l’identitéféminine, un des
lieux où la féminité est mise en scène et modelée. Si être danseuse
demande une extrême exigence et un choix de vie, décidé très tôt,
il semble aussi que les critères esthétiques jouent un rôle
prépondérant : quels sont les enjeux de ces codes esthétiques ?
J’analyse aussi bien sûr le processus dudeveni

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