Esthétique de l effacement
349 pages
Français

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Esthétique de l'effacement , livre ebook

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Description

Effacer, c'est écarter, éloigner, estomper, dissiper, exclure, annuler, bref, faire disparaître: mais pour faire apparaître du nouveau. Pour nous affirmer, nous procédons à des effacements. Telle est la démarche exemplaire de l'art qui, dans la cruauté nécessaire de son geste créateur, efface jusqu'à les détruire des apparences stériles, des figures hostiles et des mondes anciens: pour conquérir, pour signifier, pour transfigurer, bref, pour faire apparaître par delà ce qui est insignifiant, usé ou néfaste, des mondes neufs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2005
Nombre de lectures 353
EAN13 9782336284125
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747577861
EAN: 9782747577861
Esthétique de l'effacement
Essai sur l'art et l'effacement

Michel Ribon
Du même auteur
LE PASSAGE A NIVEAU. Récit-essai sur l’expérience concentrationnaire comme situation-limite. Ed. Alain Moreau, Paris, 1972.
L’ART ET LA NATURE. Essai et Textes. Editions Hatier, Collection Philosopher au Présent, Paris 1988. Ouvrage traduit en portugais par Tania Pellegrini. Ed. Papirus, Sào-Paulo, Brésil, 1991.
ARCHIPEL DE LA LAIDEUR. Essai sur l’Art et la Laideur. Ed. Kimé. Collection “Philosophie-Epistémologie”, Paris, 1995.
L’ART ET L’OR DU TEMPS. Essai sur l’Art et le Temps. Editions Kimé. Collection “Esthétiques”, Paris, 1997.
PARCOURS INITIATIQUES DE LA NATURE A L’ART. Editions Kimé. Collection “Esthétiques”, Paris, 1999.
ESTHETIQUE DE LA CATASTROPHE. Editions Kimé. Collection “Esthétiques”, Paris, 1999.
A LA RECHERCHE DU TEMPS VERTICAL DANS L’ART. Essai d’Esthétique.
Editions Kimé. Collection “Esthétiques”, Paris, 2002.
En préparation : Essais sur La Musique.
A Geneviève, Nicolas et Odile, Julien et Diane.
“En moi, la mort définitive a le sens d’une étrange victoire. Elle me baigne de sa lueur, elle ouvre en moi le rire infiniment joyeux : celui de la disparition !...”
Georges Bataille
“Tout doit s’effacer, tout s’effacera (...). La longue, l’interminable phrase du désastre, voilà ce qui cherche, formant énigme, à s’écrire”.
Maurice Blanchot ( L’Ecriture du Désastre )
“L’art, étant notre arme la plus sûre et même la seule pour vaincre la mort, vise au permanent (...) et à donner à cette terre où rien ne dure les aspects de la fixité et de l’éternité”.
Paul Valéry ( Préface à l’Exposition Manet de 1936 )
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Du même auteur OUVERTURES CHAPITRE PREMIER - VERTIGES DE L’EFFACEMENT : CRAINTES, PASSIONS ET FASCINATION. EFFACER QUELS MONDES ? POUR FAIRE QUOI ? DETRUIRE POUR MIEUX AFFIRMER DANS LA TRANSFIGURATION CHAPITRE DEUX - SILENCE, RETRAIT, SOLITUDE, INSPIRATION : CONDITIONS ET EFFETS D’UN EFFACEMENT CHAPITRE TROIS - EFFACER LA LAIDEUR AU NOM DE LA BEAUTE ? DE LA LAIDEUR EN GENERAL A LA LAIDEUR DU TEMPS MORTIFERE CHAPITRE QUATRE - L’EFFACEMENT DU SENS : DU SOLEIL NOIR A L’OR PUR DE LA MELANCOLIE CHAPITRE CINQ - DE L’EFFACEMENT DES BELLES FIGURES AUX FIGURES DE L’EFFACEMENT CHAPITRE SIX - QUELQUES DECLINAISONS SIGNIFICATIVES DE L’ESTHETIQUE DE L’EFFACEMENT A L’EPOQUE MODERNE ET CONTEMPORAINE CHAPITRE SEPT - LA QUESTION DU DECLIN DE L’ART ET DE L’EFFACEMENT DU GESTE CREATEUR EPILOGUES - L’ART : INEFFAÇABLES SONT SA LUMIERE ET SA PERENNITE BIBLIOGRAPHIE INDEX DES AUTEURS ET ARTISTES CITÉS TABLE DES THEMES ET DES MATIERES
OUVERTURES
“Ce qui compte dans les images, ce ne sont pas essentiellement les formes et leur contenu, c’est le mouvement iconoclaste qui les emporte magnifiquement”.
Bachelard
“Alors, pareil à un somnambule, Fogar se leva et entra dans la mer” .
Raymond Roussel

1 Vertiges et déclinaisons de l’effacement : pour des mondes nouveaux. Effacer ce qui efface.
Dans l’histoire de la culture, le thème de l’effacement circule, insistant, comme la houle d’une fascination. La langue courante est riche d’une multitude de synonymes du terme qui sont autant de formes ou de modalités de ce qui ressemble à l’appel d’un magnétisme : une palette féconde en nuances mais aussi en radicalités. Effacer, c’est éloigner, écarter, dissiper, évaporer, dissoudre, estomper, volatiliser, soustraire, escamoter, voiler, dissimuler, mutiler, éteindre, épuiser, abandonner, exclure et, à l’extrême du sens, faire disparaître, annuler, tuer, anéantir, etc...

Dans l’imaginaire de cette gestuelle enivrée de sa diversité, tout peut être l’objet d’un effacement ou, tout au moins, d’une tentative d’effacement. Je puis vouloir effacer : tel ou tel aspect désagréable de ma perception du monde présent ; la mémoire d’un passé qui m’est à charge, comme le souvenir d’un échec, d’une faute ou d’une humiliation que je veux oublier ; la vision d’un avenir jalonné d’obstacles ou d’empêchements. De façon plus générale, je puis tenter, avec plus ou moins de bonheur, d’effacer en moi ce qui peut avoir pour effet de diminuer mon être : mes regrets, mes préjugés, mes illusions, la conscience dramatisée de ma finitude, la hantise de la mort. En outre, c’est aussi de l’extérieur que je me sens moi-même intimement menacé d’un effacement contre lequel il m’est difficile de lutter ; effacé dans la mémoire ou dans l’indifférence d’un ami, je puis l’être aussi par une société dont les préjugés, les mœurs ou les institutions m’ignorent ou me rejettent ; par les outrages du temps qui passe en fauchant des êtres chers et multiplie les stigmates du vieillissement pour m’annoncer le naufrage de la vieillesse ; enfin par la Mort elle-même, ce “dernier ennemi” dont les multiples figures et déclinaisons se déploient en moi et autour de moi, avant même le moment où elle adviendra comme l’événement de mon trépas.

Vertige de la condition humaine vouée aux effacements à produire, ou à affronter. Dans l’existence concrète, il y a des effacements voulus parce qu’estimés bénéfiques, et des effacements craints et repoussés en raison de leurs effets néfastes. Il y a des effacements réussis et des effacements impossibles, des effacements partiels ou complets, provisoires ou définitifs ; il en est enfin qui laissent des traces de ce qui est effacé et d’autres qui n’en laissent aucune.

Ambiguïté de l’effacement et de sa portée. Ainsi en est-il, en particulier, de l’effacement de ce que je sais. Il y a des savoirs qui, parce que je n’ai guère l’occasion de les actualiser, ou parce que je les ai mal acquis ou mal assimilés, semblent s’être effacés d’eux-mêmes ; au contraire, il en est d’autres que je souhaiterais pouvoir effacer du champ de ma conscience parce qu’ils me semblent freiner mon activité. “Que de choses il faut ignorer pour agir !” : si ce propos quelque peu désabusé de P. Valéry a sa pertinence - puisqu’une des fonctions de la mémoire est aussi d’oublier - il est également vrai, à l’inverse, que concevoir et réaliser tel ou tel projet exigent de prendre appui sur tel ou tel savoir (théorique et pratique) naguère acquis et qui peut être maintenant effacé.

Au total, mon existence se partage entre deux types d’effacements : l’un, qui est voulu et dont la positivité répond à l’appel d’une liberté définie comme l’affirmation et l’épanouissement de mon être ; l’autre, qui est subi et dont la contrainte et ses effets menacent le champ de ma liberté et ainsi diminuent mon être, comme par exemple dans la tristesse et, plus gravement, dans la mélancolie vécue comme effacement du sens même de l’existence. Ces deux types d’effacements sont appelés à entrer dans un conflit qui oppose la liberté, donneuse de sens, à ce qui la nie, l’affirmation de la vie à sa négation, la Vie à la Mort — cette grande effaceuse que, dans un combat à l’issue incertaine, il faut tenter d’effacer. Une telle dialectique est le ressort même de l’existence, son piment, son levain.

Bien plus, elle est le ressort de l’art qui se propose, quels qu’en soient le champ, la forme, le lieu et le moment, d’effacer ce qui efface. S’il arrive à l’art, ce lieu glorieux de tous les effacements, de montrer ceux dont nous sommes menacés — par la douleur, le chagrin, la mélancolie, l’injustice, la violence, la destruction, la mort et toutes ses figures - c’est pour mieux exercer sur ces effacements le pouvoir admirable de sa négativité. Un pouvoir analogue à celui, distanciateur, de ce “rire en solitude” évoqué par Montaigne et Nietzsche, par les personnages shakespeariens d’Hamlet et de Prospero, par tant de peintres comme Bosch et Breughel, un rire qui parcourt ou accompagne souvent, au XXe siècle, les courants expressionnistes et surréalistes. Ainsi, plus précisément chez R. Queneau, la volonté de rire ou de faire rire est rapportée à une sourde inquiétude existentielle : elle entend repousser notre assujettissement au temps,

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