Esthétique du mur géopolitique
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Description

Des années après la chute du mur de Berlin, à l’heure de la mondialisation et du libre-échange, une cinquantaine de murs sont toujours érigés dans le monde, notamment autour du territoire d’Israël et à la frontière du Mexique et des États-Unis, où des barrières d’environ 500 km de long se dressent. Si les justifications énoncées par les États sont multiples – immigration clandestine, terrorisme, contrebande, etc. –, l’élévation d’une barrière de séparation semble reprendre une formule ancestrale de rejet de l’autre-étranger et transgresse le principe d’universalité. Sa matérialité archaïque entrant en conflit avec l’image d’un monde postmoderne et technologique, le mur cristallise un malaise qui se doit d’être élucidé par l’art. Sa visibilité et son sensationnalisme en font littéralement l’affiche d’un événement géopolitique, que les artistes investissent.
Qu’est-ce qui intéresse les artistes si le mur est conjoncturellement éphémère ? Est-ce ses métamorphoses ou bien son cadre spatiotemporel ? L’auteure de cet ouvrage compare trois murs – le mur de Berlin, la barrière de séparation entre Israël et l’auto­rité palestinienne et la frontière sécurisée entre le Mexique et les États-Unis – selon leur esthétique développée par trois artistes phares : Joseph Beuys, Banksy et Frida Kahlo. L’étude des contextes, enjeux et missions géopolitiques, appliquée à chaque barrière de séparation, rend compte des failles et des défaillances de systèmes a priori bien huilés. Car si le mur renvoie généralement à l’idée d’être chez soi et protégé, il peut aussi être synonyme d’isolement, que ce soit voulu ou non. Il est la structure physique et symbolique d’une dynamique carcérale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 novembre 2015
Nombre de lectures 12
EAN13 9782760543560
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Presses de l’Université du Québec 
 Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : 418 657-4399 Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : puq@puq.ca Internet : www.puq.ca
Diffusion / Distribution :
Canada Prologue inc ., 1650, boulevard Lionel-Bertrand, Boisbriand (Québec) J7H 1N7 Tél. : 450 434-0306 / 1 800 363-2864
France AFPU-D – Association française des Presses d’universitéSodis , 128, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 77403 Lagny, France – Tél. : 01 60 07 82 99
Belgique Patrimoine SPRL, avenue Milcamps 119, 1030 Bruxelles, Belgique – Tél. : 02 7366847
Suisse Servidis SA , Chemin des Chalets 7, 1279 Chavannes-de-Bogis, Suisse – Tél. : 022 960.95.32

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Ganivet, Elisa, 1982-
Esthétique du mur géopolitique
(Enjeux contemporains ; 12)
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7605-4360-7
1. Frontières dans l’art. 2. Murs dans l’art. 3. Murs de séparation (Politique).I. Titre. II. Collection : Enjeux contemporains (Presses de l’Universitédu Québec) ; 12.
N8217.B63G36 2015 709 C2015-941622-1


Conception graphique Michèle Blondeau
Photographie de couverture Kai Wiedenhöfer
Mise en pages Interscript
Conversion au format EPUB Samiha Hazgui
Dépôt légal : 4 e trimestre 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada
© 2015 – Presses de l’Université du Québec 
 Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés


Préface

À la chute du mur de Berlin, le monde paraissait avoir changé. La foule en liesse dansait porte de Brandebourg, l’Allemagne allait être ré unifiée, le monde sortait de la grande noirceur de la guerre froide. La décennie des années 1990 amenait avec elle l’idée d’une paix durable, d’un monde pacifié, d’un village planétaire. La communauté internationale portait des valeurs novatrices articulées autour du droit/devoir d’ingérence, de la sécurité humaine, de la responsabilité de protéger et des dividendes de la paix. L’heure était à un monde sans frontières, au dépassement des souverainetés, obsolètes, à un village planétaire porté par la mondialisation. Mais le xxi e siècle a déjoué le monde. Et le 11 septembre 2001 a sonné le glas de ces ambitions, encastelant les États dans des châsses de plus en plus étanches, et en sanctuarisant les territoires.
Désormais, les frontières ne sont ni souples ni poreuses, mais dures et agressives ; étanches, elles sont également pixellisées, s’étirant loin de la ligne de démarcation jusque dans les zones frontalières et aéroportuaires d’autres États souverains. Fortifiées, elles sont de plus en plus souvent ceintes de clôtures, de barbelés tranchants, de murs, de chemins de garde et de miradors, de capteurs et de senseurs, de caméras infrarouges et de dispositifs d’éclairage.
Dans ce nouvel agencement planétaire, les frontières n’ont plus vocation de canaliser les flux, mais de les bloquer. Ainsi, les murs qui, à une époque, servaient à établir une frontière de fait, à geler une ligne de front comme cela a été le cas entre les deux Corées, à Chypre ou entre l’Inde et le Pakistan, se font rares. À l’inverse, les murs « modernes » visent à prévenir des menaces, réelles ou sublimées : flux migratoires, incursion de groupes terroristes, trafic de drogue ou traite d’êtres humains. Devant leur propagation quasi pandémique, il faut se rendre à l’évidence. Le mur est devenu une manière pour les États d’agir et de réagir – pratiquement une nouvelle norme des relations internationales –, car comme l’explique fort bien Elisa Ganivet, il « cristallise un malaise », une relation dyadique dont le mal-être est palpable. Le mur va alors servir de multiples objectifs : en Arabie Saoudite, pour enrayer la progression de l’État islamique, en Turquie, pour limiter la contagion de la rébellion syrienne, dans les pays baltes et en Ukraine, pour freiner l’impérialisme russe, en Europe de l’Est, pour pallier les déficiences de la convention de Dublin.
Dès lors, ce qui relevait d’enjeux somme toute classiques, locaux, et de basse intensité appartient désormais au registre de la sécurité nationale et glisse ostensiblement vers le domaine du militaire. Cela est manifeste quand, en dehors de toute situation de conflit, les forces militaires patrouillent de plus en plus autour des frontières. Il n’est d’ailleurs pas anodin qu’aux États-Unis, les vétérans des guerres d’Irak et d’Afghanistan représentent près de 29 % de la Border Patrol , en raison de l’existence d’une procédure de recrutement privilégiée. En conséquence, ce qui ne devrait être « que » de la police frontalière est de plus en plus conçu en termes de défense du pays, porté par des acteurs (ex-)militaires « non reconvertis ». Ce glissement n’est pas seulement humain et touche également les infrastructures frontalières, qui se militarisent : la zone frontalière est de plus en plus blindée, de plus en plus bardée de haute technologie, elle devient un lieu d’expérimentation du contrôle, de la détention et de la surveillance. Ce faisant, parce qu’elles sont plus technologiques, les frontières coûtent de plus en plus cher, tant en construction qu’en entretien. C’est ce qui explique la présence de gros consortiums liés à l’armement et à la défense sur un marché frontalier mondial de plus de 20 milliards de dollars (14 milliards d’euros) en 2015. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que l’on retrouve cette dimension à travers la lecture qu’en font les médias, de Fox News qui évoque l’idée d’un « troisième front » (après l’Irak et l’Afghanistan) au National Geographic Channel qui évoque des « guerres frontalières » ( border wars ).
Or l’évolution vers cette vision de la frontière amène une violence croissante, « une violence que le mur en béton cristallise », comme l’écrit justement Elisa Ganivet, et qui se traduit d’abord par la normalisation de l’arbitraire douanier. Les témoignages à la frontière, par exemple sur le flanc méridional des États-Unis, ou encore aux frontières de l’Europe (au Maroc, autour de Ceuta et Melilla, en Grèce, en Hongrie ou en Bulgarie), rendent compte de cette violence qui s’inscrit dans la définition d’un espace placé dans une zone de droit dérogatoire, voire de non-droit qui déborde largement la ligne frontalière pour embrasser des bandes de terre plus ou moins larges de part et d’autre du mur. Ensuite, la violence de la frontière est visible à travers l’augmentation fulgurante du nombre de morts aux frontières, que ce soit parce que les migrants choisissent des trajectoires plus dangereuses (mer, désert) ou parce que les gardes frontaliers utilisent davantage la force contre eux. Il suffit de mentionner à ce titre que le Parlement hongrois vient d’autoriser les militaires à tirer sur les migrants.
Ce faisant, si le mur paraît redonner du sens à l’État, il fait perdre à la frontière son acception classique d’interface entre deux univers, deux ordres juridiques distincts, deux souverainetés, deux peuples. Et paradoxalement, la murer accroît l’insécurité de ceux qui la fréquentent – pour la traverser ou parce qu’ils vivent à proximité. En effet, d’un côté, les murs créent des goulots d’étranglement qui accroissent le temps de franchissement des postes frontaliers, réduisent la fluidité des échanges licites et deviennent souvent synonymes de désertion des villes frontalières, victimes d’un taux de chômage élevé, d’une économie moribonde et d’une criminalité accrue. Et de l’autre côté, faute d’empêcher véritablement les flux, les murs les détournent. Les migrants vont, au prix exorbitant de l’équivalent d’un billet en classe affaires sur la même trajectoire, recourir aux passeurs : l’effet contre-productif le plus évident des murs est de favoriser l’essor de l’économie souterraine et des groupes criminels organisés, rendant le franchissement de la frontière plus difficile à contrôler.
La banalisation de la « solution murée » est donc paradoxale, d’autant que les murs ne sont pas là pour durer : ils finissent toujours par tomber physiquement ou symboliquement. Et le blindage de la frontière ne consacre pas son étanchéité, tant s’en faut.
Dès lors, pourquoi construire des murs ? Face à des populations à l’épiderme sensible aux risques que sous-tend la mondialisation, il est aisé de brandir une solution prête à construire, qui, même si elle siphonne les finances publiques, montre que le gouvernement agit : à cour

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