Images du corps monstrueux
227 pages
Français

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Images du corps monstrueux , livre ebook

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Description

Qu'il soit double, bisexué ou hybride, celui que l'on nomme monstre, n'est plus seulement considéré comme un sujet d'étude dédié aux anatomistes. Il est maintenant courtisé, représenté, mis en jeu par la science et par l'art. Cette exhibition est-elle comparable à celle des phénomènes de foire ? Le monstre ne vient-il pas à point nommé pour exacerber les peurs et les fantasmes sur les diverses mutations identitaires ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 308
EAN13 9782296811508
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Imagesdu corpsmonstrueux
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55195-4 EAN : 9782296551954
Aurélie Martinez
Imagesducorpsmonstrueux
Préface de Steven Bernas
L’Harmattan
Champs visuels Collection dirigée par Pierre-Jean Benghozi, Raphaëlle Moine, Bruno Péquignot et Guillaume Soulez
 Une collection d'ouvrages qui traitent de façon interdisciplinaire des images, peinture, photographie, B.D., télévision, cinéma (acteurs, auteurs, marché, metteurs en scène, thèmes, techniques, publics etc.). Cette collection est ouverte à toutes les démarches théoriques et méthodologiques appliquées aux questions spécifiques des usages esthétiques et sociaux des techniques de l'image fixe ou animée, sans craindre la confrontation des idées, mais aussi sans dogmatisme. Dernières parutions LouisAlbert SERRUT,Jean-Luc Godard, cinéaste acousticien.Des emplois et usages de la matière sonore dans ses œuvres cinématographiques, 2011. Sarah LEPERCHEY,L’Esthétique de la maladresse au cinéma, 2011. Marguerite CHABROL, Alain KLEINBERGER,Le Cercle rouge : lectures croisées, 2011. Frank LAFOND,Cauchemars italiens. Le cinéma fantastique, volume 1, 2011. Frank LAFOND,Cauchemars italiens. Le cinéma horrifique, volume 2,2011. Laurent DESBOIS,La renaissance du cinéma brésilien (1970-2000), La complainte du phoenix, 2010. Laurent DESBOIS,L’odyssée du cinéma brésilien (1940-1970), Les rêves d’Icare, 2010. Guy GAUTHIER,Géographie sentimentale du documentaire, 2010. Stéphanie VARELA,La peinture animée. Essai sur Emile Reynaud (1844-1918), 2010. Eric SCHMULEVITCH,Ivan le Terrible de S. M. Eisenstein. Chronique d'un tournage (1941-1946), 2010.
Je tiens à remercier tout particulièrement Steven Bernas, Lydie Pearl, Julien Martinez, Josette Martinez, Raphaël Martinez, Igmard, Eliot, Biscotte, Claire Guiral, Philippe Poirier, Philémon Poirier, Michael Geyre, Joëlle Feyry, Séverine Magdeleine et Valérie Brégal.
Préface Le mépris du corps occidental par Steven Bernas La pensée philosophique a eu beaucoup de mal à comprendre le corps et à le respecter. Comment en effet l’esprit, si supérieur, peut-il comprendre le vivant qu’il n’a eu de cesse d’asservir ? Longtemps le corps a été réduit à un instrument, à une enveloppe charnelle de l’âme. Au cours des millénaires, le mépris du corps occidental a longtemps remplacé toute forme d’analyse sérieuse. La religion a endigué la lucidité de l’esprit face aux besoins de l’espèce. Les sens devenaient les portes du mal et le corps un appât dégradant qu’il fallait souiller le plus possible. Souvent l’art de la guerre a fait du corps un objet de torture et de rabaissement de la chair. Comment dans ces conditions soigner le corps et le respecter ? 1 Souvent étrangère à la réalité, la doxa a construit une idéologie très contraignante des usages du corps en asservissant le corps aux idées préconçues que la science et les arts ont inventées pour définir le corps du sujet sans le sujet. La barbarie a fait du corps un pur objet, un pur instrument par un ensemble de dénis de la réalité. L’approche du corps a longtemps ressemblé à un dressage des sens et des pulsions par une violence retournée contre les besoins de l’individu. L’idée du corps a peu à peu été construite à travers des représentations collectives normées, contraignantes, avilissantes qui parlent désormais contre le corps. La médecine a longtemps ignoré la douleur du patient considéré comme quantité négligeable et pourtant on s’est aperçu que la
1  Depuis Platon on oppose communément la connaissance à la doxa à l’opinion commune. La doxa est le terrain habituel de la croyance et des opinions non fondées sur le savoir. Elle abuse de la crédulité et de l’ignorance pour imposer son discours dominant. L’idéologie, les clichés de l’opinion générale en sont les aliments privilégiés. La doxa est aussi le point de vue officiel mais faux des instances qui gouvernent sur des arguments non fondés mais crus. 7
souffrance physique était révélatrice sur le plan clinique et pouvait être évitée. L’ignorance et le savoir ont cohabité autour du corps chosifié par la science. Dans l’éducation le corps subissait un dressage au sein des bonnes mœurs. La chair était battue afin de dresser l’esprit à la soumission à l’égard des valeurs admises. La culture a produit une doxa du corps. Le plus bel « outil » de l’homme n’a jamais autant été déprécié d’un côté et glorifié de l’autre dans l’espèce des « animaux parlants ». Le corps a subi de grandes brutalités, tolérées dans le corps social. Il s’est agi tout au long de siècles de légitimer le mépris du corps, de lui appliquer une haine systématique et révélatrice. Le monstrueux commence là, dans l’esprit qui s’en prend au corps. L’héritage archaïque de l’espèce humaine s’installe assez souvent dans les formes de répression des instincts au nom d’une image policée de l’esprit. Face aux images et aux troubles qu’ils occasionnent dans la représentation, les archaïsmes violents ont opéré sur le corps les pires tortures afin de faire avouer ou se renier des consciences. Il s’agissait en effet de contraindre des esprits à se soumettre à une doxa du fort contre le faible, du dominant contre le dominé, du bourreau contre la victime. Cette constante n’offre pas un avenir radieux à l’humanité et perpétue dès lors une violence monstrueuse et guerrière. La guerre est en réalité celle des sujets, une guerre contre qui pense, sent et vit autrement. Les archaïsmes de l’esprit violent ne supportent pas la différence, la singularité, l’anomalie corporelle. L’image corporelle est souvent confondue avec celle du moi du sujet. L’apparence du corps fait le sujet. Un corps aux anomalies génétiques visibles devient vite monstrueux dans l’idéologie des apparences. Selon Freud, l’angoisse sociale forme le noyau de ce qu’on appelle la morale qui agit comme un moyen de culpabiliser les sujets face aux pulsions du corps dont les images sont le stimulant visuel. L’angoisse est le symptôme d’une souffrance face à des pulsions désirantes fortement maintenues dans la soumission. La morale dominante réprime tant le corps, que nous ne sommes pas 8
arrivés à mesurer les effets de sa négativité. La négativité de l’esprit agit envers la chair et le plaisir épanouissants. La norme est terroriste puisqu’elle plie les consciences. Elle érige des usages du corps en conformité avec les peurs instinctuelles de masses agitées par la doxa. Baignée dans l’idéologie du mimétisme, la normalité se charge de mutiler les besoins individuels. La soumission de la chair au surmoi idéal plie l’idée de liberté. Elle dresse l’usage de la censure envers la vie d’autrui. Le corps bestial, sensuel, ne saurait qu’être contrôlé, étudié, conformé dans ses pratiques intimes. La Loi édicte une même règle pour les sujets indistincts d’une même société. Elle destine et organise la vie de l’individu dans le commerce de la faute des origines. Elle en fait un instrument de culpabilisation et de rejet des identités corporelles, sexuelles ou morphologiques du corps. Selon les époques, la différence, ou la marginalité, en matière sexuelle ou physique, provoque des troubles au sein des usages et des discours autorisés. Les difformités physiques et monstrueuses entrainent des répulsions radicales et spectaculaires. A ce titre, le corps devient un enjeu des sociétés de contrôle qui engendre une machine mimétique de l’ordre comportemental. L’ordre broie les machines désirantes qui meuvent la corporalité. Le pouvoir gère de manière induite mais permanente l’intime et le privé des usages de la chair. Le sujet plie devant les règles de la gestion de la personne. Il plie aux normes qui gèrent l’intimité et les formes du discours du corps. Il conforme la personne aux normes physiques en vigueur, de peur de sortir des usages sociaux dominants. Le pouvoir institutionnel conduit ainsi la norme et la gère par des soumissions collectives et des résignations individuelles à la conformité et à l’exclusion. Les institutions gèrent le corps et définissent ce qui est normal et pathologique. Elles élaborent au sein de la doxa les valeurs de l’admis et du rejet, du normal et de l’anormalité corporelle, du beau ou du laid, du monstrueux ou du conforme. Tout ce qui a été fait afin de produire des marquages idéologiques et physiques de l’altérité a construit l’étrangeté du corps monstrueux et de la difformité anatomique. La difformité physique 9
a subi un intarissable besoin de culpabiliser le corps difforme, faible, différent. Montrer le corps génétiquement différent est entré dans la science afin d’exhiber la vie comme une monstruosité, un objet de foire, de curiosité ou d’abomination. Des postures scientifiques posaient des diagnostics sur le corps monstrueux comme autant de formes répulsives, de rejets, et d’angoisses. L’animal parlant La morale a de tout temps empoisonné le rapport au corps et a construit une vision stéréotypée des modèles admis et non admis. Intégrer l’admis et le normal a permis à des milliards d’individus de se rassurer sur leurs différences afin de les gommer pour mieux nous soumettre au modèle général. Mais toute différence produit une gêne dans la culture mimétique du conformisme. A l’époque de Zola, la foule des manifestants était jugée animale parce que l’on érigeait l’idée que la sueur au travail était bestiale et que le corps inoccupé était noble et bien éduqué. La foule était bestiale, menaçante, agressive. Elle était un corps ignoré et un enjeu politique. Un personnage de Zola se demande même si ces manifestants ne sont pas des animaux à la bestialité menaçante, à la chair suant au travail. Ces marquages idéologiques contre la classe ouvrière sont révélateurs du discours de la doxa au pouvoir. Le corps est l’outil de rabaissement qui signale l’animal dans la chair du peuple. Si, selon Freud, la morale est la source principale des maladies psychiques sociales que nous attribuons généreusement à l’autre, c’est en raison de la peur moderne face au psychisme et au corps. Les peurs dominantes face à l’instinct libéré ont produit une censure de l’animalité en l’homme, dont Bataille et Sade ne sont que des avatars. L’animal parlant en renonçant aux besoins du corps a mis la raideur moraliste en place. Les trois religions fondamentales ne comprennent ni le corps ni le psychisme. Elles 10
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