L Ecole de Barcelone
314 pages
Français

L'Ecole de Barcelone , livre ebook

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314 pages
Français

Description

L'Ecole de Barcelone fédère de jeunes réalisateurs qui ont pour noms Vicente Aranda, Joaquin Jorda, Gonzalo Suarez, ou Pere Portabella. Unis par leur haine du franquisme et leur désir de réinventer le cinéma, et sous l'influence du néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague Française, ce collectif aura été le laboratoire d'une expérimentation esthétique probablement sans précédent dans l'histoire du cinéma espagnol.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 324
EAN13 9782296230941
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A la mémoire de mes parents

Avant-propos

Au cœur des années soixante, dans une Espagne qui ignore qu’elle devra
vivre plus d’une décennie encore sous le joug de Franco, surgit de manière
improbable un mouvement cinématographique aux propensions
avantgardistes et expérimentales. Connu sous le nom d’Ecole de Barcelone, ce
courant est l’expression paradoxale d'une création en mouvement dans un
pays en apparence sclérosé. Il ne pouvait trouver meilleur berceau que
Barcelone, cette ville qui, mieux qu’aucune autre, savait conjuguer alors ses
apparences de cité de province et ses ambitions de métropole internationale.
Ceux qui le composent ont pour noms Vicente Aranda, Gonzalo Suárez,
Joaquín Jordá, Jacinto Esteva, Ricardo Bofill, Carlos Durán, José María
Nunes, Pere Portabella… Ils forment un groupe hétérogène, informel,
instable, uni dans la détestation du régime en place et par l’ambition de
réaliser des films échappant aux carcans administratifs et esthétiques qui,
sous le franquisme, étreignent le cinéma espagnol. Pour la plupart, ils ont à
peine trente ans. Ricardo Bofill est né en 1939, Gonzalo Suárez en 1934,
Jacinto Esteva en 1936, Joaquín Jordá en 1935, Vicente Aranda, l’un des
aînés du groupe, en 1926. Ils appartiennent à cette génération que l’on dit
« innocente » car elle n’a pas participé à la Guerre Civile. Mais, elle aura la
lourde tâche d’enterrer le franquisme et d’ouvrir l’Espagne au monde.
L’Ecole de Barcelone aurait pu sombrer dans les oubliettes de l’Histoire.
En premier lieu parce qu’elle fut éphémère. Le premier long-métrage avec

L’ECOLE DE BARCELONE

lequel elle fait irruption dans le panorama cinématographique espagnol,
Fata Morgana(Vicente Aranda), date de 1965. A peine sept ans plus tard,
avecUmbracle(Pere Portabella), l’Ecole de Barcelone s’efface déjà, laissant
à la postérité, en tout et pour tout, une vingtaine de films, tous métrages
confondus. La réputation de frivolité qui poursuit les membres de l’Ecole de
Barcelone aurait également pu être fatale à son inscription dans l’Histoire.
Qu’elle soit l’émanation d’une jeunesse dorée, souvent plus prompte à
s’égailler dans les lieux branchés de la capitale catalane qu’à militer
efficacement contre le franquisme et parfois plus experte dans le maniement
du verbe que dans celui de la caméra, pourrait amplement justifier la
dérision, l’agacement ou la condescendance à son égard que l’on devine
parfois dans les lignes que les Histoires du cinéma espagnol lui consacrent.
Ceux-là mêmes qui avaient été membres de l’Ecole ou en avaient été les
compagnons de route, avaient pris l’habitude de la considérer sans grande
complaisance.
Mais, le temps a passé et la nostalgie aidant, certains des films de l’Ecole
de Barcelone ont acquis l’aura si particulière qui entoure parfois les œuvres
cultes. L’Ecole de Barcelone fait encore les beaux jours de quelques
festivals en Catalogne et parfois en France ou aux Etats-Unis. Le Festival du
Cinéma Méditerranéen de Montpellier lui rendait hommage en 2002 et elle a
fait l’objet d’une rétrospective au Centre Beaubourg en 2003. Le Festival de
Cinéma Espagnol de Nantes la met à l’honneur lors de son édition 2009.
Entre cinéphiles et amateurs de raretés, on se plaît à découvrir ou à revoir
ces films dont les titres souvent hermétiques témoignent d’un goût
déconcertant pour l’étrangeté ou l’abstraction :Fata Morgana,Noche de
vino tinto(Nuit devin rouge, José María Nunes, 1966),Ditirambo(Gonzalo
Suárez, 1967),Circles(Cercles, Ricardo Bofill, 1966),Cada vez que…
(Chaque fois que…,Carlos Durán, 1967),Dante no es únicamente severo
(Dante n’est pas uniquement sévère, Jacinto Esteva et Joaquín Jordá,
1967)Biotaxia(José-María Nunes, 1967),No contéis con los dedos(Ne
comptez pas sur vos doigts, Pere Portabella, 1967),Nocturno 29(Nocturne
29, Pere Portaballa, 1968),Aoom(Gonzalo Suárez, 1970) …

Pourquoi s’intéresser, aujourd’hui, à l’Ecole de Barcelone? Sans doute
parce que, pour fondée qu’elle puisse être, la réputation de frivolité, de
superficialité, de pédantisme, d’élitisme qui s’est attachée à elle ne suffit pas
à dire ce qu’elle fut avant tout : le révélateur des doutes et des certitudes
d’une époque marquée par l’irruption du tourisme de masse, par la société
de consommation, par le déferlement des images, par la montée des luttes
émancipatrices…

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AVANT-PROPOS

Quarante ans après, les membres de l’Ecole de Barcelone ont atteint cet
âge où l’on jette un regard rétrospectif sur son existence et sur son parcours.
Dans les souvenirs que certains d’entre eux acceptent de confier perce la
nostalgie d’un temps où tout semblait possible, où les rêves d’un Grand Soir
qu’il soit politique ou esthétique paressaient légitimes. Dans un ouvrage
auquel nous ferons fréquemment référence,La Escuela de Barcelona. El
cine de la «Gauche divine»,Esteve Riambau et Casimiro Torreiro ont
1
recueilli les témoignages de la plupart des acteurs de l'époque . Le livre fait
éprouver l'intensité des moments vécus par toute une jeunesse dont la
conscience révoltée se structure aussi bien dans l’anti-franquisme que dans
la quête d’une radicalité esthétique.
Evoquer l’Ecole de Barcelone, c’est aussi vouloir ressusciter une
époque, ressentir les palpitations d’une ville, éprouver l’appétit de sa
jeunesse, un appétit de culture, de nouveauté, de liberté. Les premiers
chapitres de ce livre veulent rappeler combien l’Ecole de Barcelone procède
d’une réalité culturelle, sociale, politique dont elle conserve en quelque sorte
le dépôt et la trace. Le critique et historien du cinéma Román Gubern qui en
accompagna l’essor et le déclin fulgurants écrit dans ses mémoires :

Quand j’ai revu les films de l’Ecole lors d’une rétrospective en 1993, j’ai
constaté qu’ils faisaient preuve d’une cohérence presque classique et qu’ils
constituaient un excellent document, presque un témoignage anthropologique de
2
l’imaginaire et de la sensibilité d’une époque […] .

Mais l’aventure de l’Ecole de Barcelone relève avant tout du domaine de
l’art. Elle fut le laboratoire d’une expérimentation esthétique probablement
sans précédent dans l’histoire du cinéma espagnol. Elle correspond sans
doute à l’un des rares moments de cette Histoire où la quête de nouveauté et
le désir d’expérimenter furent portés par un élan collectif. Encouragée dans
son audace par la découverte du néo-réalisme italien et de la Nouvelle
Vague française, l’Ecole de Barcelone a prétendu réinventer le cinéma. Cela
a signifié pour elle imposer de nouvelles pratiques, imaginer de nouveaux
paysages, découvrir de nouveaux visages, s'approprier un nouveau langage.
A une époque où le terme n’était pas encore galvaudé, elle aura été
pleinement «moderne ».A ce titre, elle apparaît aujourd’hui comme le
chaînon que l’on aurait pu croire manquant entre le classicisme empesé du

1
Esteve Riambau et Casimiro Torreiro,gaucheLa Escuela de Barcelona : le cine de la «
divine », Anagrama, Barcelone, 1999. Une première version en catalan de cet ouvrage a pour
titreTemps era temps. El cinema de l’Escola de Barcelona i el seu entorn, Generalitat de
Catalunya, Departament de Cultura, Barcelone, 1993.
2
Román Gubern,Viaje de ida, Anagrama, Barcelone, 1997, p. 214. Sauf indication contraire,
toutes les traductions sont de l’auteur.

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L’ECOLE DE BARCELONE

cinéma espagnol de l’après-guerre et la post-modernité d’un réalisateur
comme Pedro Almodóvar. Plus encore, avec le recul du temps, elle s’affirme
comme un maillon, peut-être l’ultime, de cette chaîne qui relie le dadaïsme,
le surréalisme, le cubisme, le groupe Dau al Set pour former l’histoire des
pratiques avant-gardistes et expérimentales en Espagne.
Brillante, intransigeante, dér

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