Archéologie de l écoute
353 pages
Français

Archéologie de l'écoute , livre ebook

-

353 pages
Français

Description

L'écoute connaît depuis quelques années un important regain d'intérêt dans les savoirs musicologiques, plus traditionnellement concentrés sur l'analyse de la partition et la mise en contexte des œuvres et des compositeurs. Elle a fait cependant depuis longtemps l'objet de l'attention des philosophes et des écrivains. Mais que signifie décrire ou expliquer la musique en tant qu'objet d'une audition ? Comment un discours s'organise-t-il autour d'un objet apparemment fuyant ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 46
EAN13 9782296434448
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait



Sommaire

Introduction 7

1. Augustin et le schématisme de l’akoumène 15
2. Multa anima agit, illa ipsa nesciente. Notes sur le Musica
theorica attribué à Bède le Vénérable 51
3. Espace géométrique et espace sonore 67
4. Consonance et dissonance, de Zarlino à Rousseau 79
5. Au cœur de l’émotion : à l’écoute d’Orfeo 107
6. Écouter la parole (selon les Lumières) 117
7. Musique et représentation : quelques réflexions sur
l’origine d’un débat 135
e8. Son et couleur au XVIII siècle 149
9. Stendhal, mélomanie d’un plagiaire 177
10. Nihilisme et mélodie. Excursus sur Nietzsche 195
11. Beethoven (et l’analyse dialectique) en question. Notes sur
les fragments d’Adorno 227
12. Du fait à l’expérience. Remarques sur le modèle
sémiologique de Jean-Jacques Nattiez 247
13. Brève histoire du bruit, de Rousseau à Grisey 259
14. De « temps » en « temps » (quelques remarques pour
l’esthétique musicale ») 291
15. « Apparence(s) d’expression » : l’analyse philosophique
des émotions musicales 301
16. Ton ou son ? Réfléchir sur la musique (d’)aujourd’hui 333
17. Hiéroglyphes : la voix, le signe, l’akoumène (hommage à
Berio) 345

Introduction



L’écoute constitue moins l’objet que l’ostinato ou la pédale
harmonique des textes réunis ici : sans qu’aucun ne la place au premier
plan, tous y ont trait et mettent en lumière ses implications dans nos
manières de concevoir et de comprendre la musique. Un tel fil conducteur
implique que, parmi les multiples façons d’être et d’agir de cette dernière
dans un espace social et culturel, celles qui l’appréhendent en tant
qu’objet (intentionnel) de la perception ont été privilégiées. Il s’agit là
d’une condition nécessaire (encore que non suffisante) pour qu’on puisse
eparler d’esthétique – comme l’ont montré les auteurs qui, au XVIII
siècle, l’ont transformée en discipline académique, et comme il nous
1paraît opportun de le soutenir encore aujourd’hui . Quant au terme
« archéologie », librement inspiré du lexique post-structuraliste, il se veut
indicateur d’une limitation du discours. Car les sources n’ont pas été
examinées ici avec l’intention de rassembler les tesselles d’une fresque
historique, mais plutôt d’interroger les apparats conceptuels qu’elles
mettent en jeu.
Dans la recherche que nous avons menée depuis une quinzaine
d’années, et dont ce livre se veut un échantillon significatif, nous avons en
effet d’abord souhaité affronter quelques thématiques anciennes et
modernes, parfois encore à l’œuvre dans les débats actuels, et qui contribuent
à éclairer la constitution et l’appréciation de l’objet musical dans
l’expérience. On va, entre autres, de la perception du rythme à la
distinction entre facteurs mélodiques et harmoniques ; des difficultés
engendrées par les notions référentielles d’imitation, d’expression et de
représentation, à leur reformulation dans les débats philosophiques actuels ;
du rôle joué par les notions de temps et temporalité, à l’ouverture du
phénomène musical à l’univers des sons-bruits ; des rapports entre
qualités perceptives et sentiment de plaisir, tels qu’ils avaient été
esquise esés dans les traditions spéculatives des XVII et XVIII siècles, au rôle
joué par le langage dans la construction d’analogies avec l’espace et la

1 Cf. A. Arbo, « Pertinences de l’esthétique musicale », in Id. (éd.), Perspectives de
l’esthétique musicale : entre théorie et histoire, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 57-73. Introduction
couleur, souvent conçus comme autant de ponts susceptibles de relier la
musique au monde extérieur et aux autres arts.
Tout en faisant apparaître en filigrane de ces thèmes la problématique
sous-jacente de l’écoute, ces textes ne prétendent pas en épuiser la
richesse. Comme le lecteur pourra facilement le constater, ils s’arrêtent peu
sur des questions d’ontologie ; quant aux problématiques liées au
jugement de valeur, elles demeurent faiblement développées. Même s’il s’agit
là d’un vide qui attend d’être comblé, ces lacunes sont en partie justifiées
par l’objectif prioritaire que nous avons assigné à ces essais : celui d’une
étude des catégories introduites par les auteurs afin d’expliquer comment
des objets reconnus comme musicaux dans leur culture sont organisés et
structurés dans l’expérience. D’une certaine façon, c’est ce que nous
suggère l’idée d’écoute – ou, plus précisément, l’expression, commune
mais à vrai dire pas aussi simple à mettre en œuvre qu’il n’y paraît, de
« se mettre à l’écoute » de quelqu’un ou de quelque chose. L’enjeu était
double : tendre l’oreille au discours des auteurs, en sonder les plis, les
rouages ou les contradictions, et saisir sa manière propre de capturer et
d’articuler l’écoute musicale. Autrement dit, avant de nous prononcer sur
le statut ou la valeur de ce que l’on entend, avant d’approfondir les causes
ou les intentions qui l’accompagnent ou en expliquent l’existence, nous
avons souhaité comprendre comment – c’est-à-dire, grâce à quelles
stratégies, mais aussi à quelles idées, métaphores, analogies ou autres
outils conceptuels – on parvient à l’entendre de telle ou telle façon.
En ce sens, l’attention oscille constamment entre le discours et ce qu’il
fait apparaître en filigrane – même si on pourrait dire que, en interrogeant
les sources, ces textes se focalisent de préférence sur l’objet plutôt que sur
le sujet de l’écoute et tentent d’explorer les modes de structuration de son
apparence. Nous espérons qu’un tel approfondissement non seulement
favorisera la compréhension des approches ou des intentions des auteurs,
mais contribuera également à rendre plus conscientes et efficaces nos
propres conceptions de la musique (souvent héritées ou inconsciemment
assumées à partir d’une tradition ou d’un passé que l’on ignore).
Les points abordés ont été replacés dans leurs cadres historique et
théorique – et cela avec l’idée que la connaissance des contextes dans
lesquels une idée esthétique s’enracine est indispensable à son analyse – sans
pour autant renoncer (du moins en intention) à questionner le mode de
fonctionnement et les conséquences des notions introduites, formulées ou
approfondies par les auteurs. Ces essais ambitionnent en effet d’inciter le
lecteur à repenser l’esthétique musicale par questions ou par problèmes
plutôt que par courants, mouvements ou tendances. Et s’ils appréhendent
les écrivains choisis, non sans anachronisme, un peu comme des
contem8 Introduction
porains, ils le font moins pour en actualiser les arguments que pour tenter
d’en mesurer la signification ou la pertinence à l’aune de quelques
réflexions et de quelques exemples.
Cette approche n’exclut évidemment pas la possibilité de sélectionner,
selon les circonstances, des sources qu’il convient de considérer comme
premières ou secondaires. Il faut garder à l’esprit que l’étude des notions
de l’esthétique musicale implique le recours à un ordre complexe de faits
stratifiés à plusieurs niveaux : découvertes scientifiques (on pense aux
sons harmoniques, aux ondes acoustiques ou électromagnétiques, etc.),
adoption de paradigmes philosophiques (comme le passage d’une vision
platonicienne à une aristotélicienne, mécaniciste, organiciste, etc.),
discontinuités que l’on peut enregistrer dans l’évolution d’un style ou d’un
langage. On a alors sélectionné ceux-ci en fonction de l’axe que l’on
jugeait le plus apte à intervenir dans la modification d’un cadre
c

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