Cinq pianistes interprètent Beethoven
365 pages
Français

Cinq pianistes interprètent Beethoven , livre ebook

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365 pages
Français

Description

Le progrès dans la reproduction de la musique doit permettre de mieux comprendre l'évolution et la signification de l'interprétation d'une partition, par définition fixe mais muette. En effet, on ne joue pas une oeuvre de la même façon de siècle en siècle. Il y a aussi les écoles instrumentales, les habitudes, les exigences sociales ou commerciales, etc.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 353
EAN13 9782296240704
Langue Français
Poids de l'ouvrage 36 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cinq pianistes
interprètent Beethoven

Collection Arts & Sciences de l’art
dirigée par Costin Miereanu

Interface pluridisciplinaire, cette collection d’ouvrages, coordonnée
avec une publication périodique sous forme de Cahiers, est un
programme scientifique de l’Institut d’esthétique des arts et technologies
(unité mixte de recherche duCNRS, del’université Paris1 et du
ministère del’Éducation nationale, del’Enseignement supérieuretde
la Recherche).

Institut d’esthétique des arts et technologies
IDEAT
UMR 8153 - CNRS/Université Paris 1
47, rue des Bergers - 75015 Paris
Tél. : 01.44.07.84.65 - Email : asellier@univ-paris1.fr
©IDEAT - CNRS/Université Paris 1 - L’Harmattan, 2010

©L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN :978-2-296-10327-6
EAN :9782296103276

Nicolas Lagoumitzis

Cinq pianistes
interprètent Beethoven
Claudio Arrau
Friedrich Gulda
Michaël Levinas
Tatiana Nikolayeva
Face aux sonates
op. 2 n° 1, op. 53 et op. 111

Préface d’Olivier Revault d’Allonnes

Couverture : Jean-Pierre Dubois, d’après l’œuvre de Giannis Psychopedis,
EIPHNH(détail), créée en 2004. ©

À la mémoire de mon père

Préface

N
, tous les problèmes de
l’interprétation musicale ne sont pas résolus dans ce livre, mais on peut dire
que la question a avancé de façon significative grâce à la méthode
ici mise au point par Nicolas Lagoumitzis. Pianiste suffisamment
maître de son clavier pour s’attaquer aux trente-deux sonates pour
piano deBeethoven,ilavouluapprendre dequelques maîtresde
carrureinternationalel’artdeles interpréter.Maiscomment faire
àpartirdelaville d’importancemoyenneoù il vit, enGrèce, dans
lenord-ouestduPéloponnèse?Toutcommence avec
cettequestion, dont laréponse évidente est:ilexiste desenregistrementsde
ces sonates par les « maîtres »en question.Tout lemondesait que
l’enregistrement nevaut pas l’écoute directe,mais les techniques ont
faitdetels progrès qu’on s’approche de cette écoute, et quegrâce à
ceque WalterBenjamin signalaitdès 1936,lareproduction
mécanique del’œuvre d’art, on peut réentendre aujourd’huides
interprètesdisparus. La voix de Chaliapine, le piano de Glenn Gould, le
violon deYehudiMenuhin.Parmi lesenregistrementsdisponibles,
Lagoumitzisa décidéplus ou moinsarbitrairementdene choisir ses
interprètes queparmiceux quiavaient gravél’intégrale des
trentedeux sonates, et puis parmiceux-là des représentantsdesdifférentes

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« écoles »,comme la russe, l’autrichienne, la française.Restait
l’impossibilitépratique d’étudier(il y faudrait plusieurs vies humaines)
latotalité des sonates ;nouveauchoix,quia conduit notre auteur
o
àretenir lapremièresonate,nop. 21enfamineur, composée en
1794-95 ; lavingtet unièmeop. 53enutmajeurconnuesous lenom
de«Waldstein » ou « l’aurore», de1803-1804 ;enfin, évidemment,
la dernière etcélèbreop. 111, enutmineur, de1821-22.Ondispose
ainsid’un témoinde chacune des « grandes périodes »dela création
beethovénienne. La méthode proprement dite consistera à écouter
chacune des interprétations avec la partition sous les yeux, et à noter
chaque « distance » entre ce qu’on voit et ce qu’on entend.Etc’est ici
quelesennuiscommencent.
Devraisennuis ?Disonsdesdifficultés ;caren
principel’instrumentiste doit faire entendre cequiestécrit sur lapartition, certes.
Maisaucoursdes siècles,si les partitions sontdeplusen plus
précises, elles nelesont jamais toutàfait.Mais telcompositeurest
plus méticuleux que d’autres.Mais tel instrumentisteplus libre,telle
périodeplus romantique,ou plusbaroque,ou pluséprise derigueur,
tel instrument plusàlamodeou plusdésuett ;elleœuvresurtout
plus typique desonauteur oudeson moment,ouaucontraireplus
marginale.Bref,on nage dans un océande contradictionsdont
lapremière et laplus inévitable,lapluséternelle est
qu’unepartitionest silencieuse alors quelamusique est l’artdes sons.Rien ni
personnen’y peut rien,saufà«enregistrer » une« improvisation »,
cequi revientàsepasserdepartition.Mais une« improvisation »
unefoisenregistréen’est plus uneimprovisation.On serait peut-être
mieux inspiré enconsidérant quel’enregistrement(quel qu’il soit,
parexemple« mécanique»commeun sillon sur la cireou «
magnétique»commelamodulationanalogiqueou numérique, etc.)est une
façonautre d’«écrire» lamusique, avec cette différencepar rapport
àl’écriturequenousavons ici,justement, àlafois le compositeuret
l’interprète.Reste àfairelapartdel’unetcelle del’autre.
Lamusique, audemeurant,n’est pas leseulartànepouvoir se
passerdel’« interprète»:lethéâtre,la danse,lapoésie, bref tous les
arts qui nesont pasdits «del’espace»et queleMoyen Âge
appelait les arts libéraux, sont logés à cette enseigne: que l’œuvresoit
récente, ancienneou millénaire,il faut quelqu’undevivant pour la

P

faire vivre. Ce qui fait problème dans l’interprétation, c’est le préfixe
inter-.Entrequoiet quoi?Entrele créateuret
lespectateur-auditeur ?Certes,maisaussientrehieretaujourd’hui, entre Beethoven
ouShakespeareouVirgile et moi,qui nesuis ni l’un ni l’autre.Entre
l’italiendeManzoniet mon français, entrele clavecindeBachet le
Steinwayduconcert, entremon humeur personnelle et la chaleur
(ou lafroideur)delasalle, etc.
Mais il y a plus grave ; la notion même d’interprétation n’est pas
univoque, elle oscille entre deux pôles, elle subit des différences de
degré qui finissent par devenir des différences de nature. Au sens
le plus lourd, souvent exprimé par la francisation du mot grec qui
donne « herméneutique », elle peut désigner par exemple la
traduction en un langage relativement clair de certains signes
problématiques que le préposé a choisi de traduire, comme l’« interprétation »
par le devin des bruissements de la forêt de chênes de Dodone et
autres oracles réputés divins.Bien sûr,il ya derrière cela
delasuperstitiond’uncôté etdelasupercherie del’autre,lesensdu voldes
oiseaux n’ayant rienàvoiravecl’issue d’uneprochaine bataillepar
exemple.Danscette directionen somme,l’interprétation nesignifie
quelavolonté,ou l’intérêt,ou larouerie del’interprète.Àl’autre bout
du sens,l’interprèteneseraquel’exécutant,l’instrument passifdu
message : ainsienest-ildu héraut, du greffier oudu porte-parole,qui
nefait queprêter savoix ou son geste, et peu importent les qualités
sensiblesdeson intervention pourvu quetout soit fidèle àl’intention
etau sensducontenu.De ce côté,non seulement on peut imaginer,
maisaussi ona construitet tout lemonde a entendudes machines,
limonaires ou pianoset violonsdits « mécaniques », dans lesquelles
l’organe de commande,souvent unefeuillerigoureusement perforée
auxbonsendroitsàpartirdelaseulepartition,rend audibletoutce
quiet rien que cequiestécrit.Lerésultatest plaisant par
sonétrangeté,mais un tel orguen’est pas sans une évidente barbarie.Ainsi,
« interpréter »signifietoutcequ’on veut, entretout inventeret ne
serviràrien.
Dramatique devientalors lefait qu’en musiqueunemême
« interprétation » peut (oudoit ?) sanscessesesituer ici ou là entre
cesdeuxextrêmes ;il va du reste desoi qu’ellepeut oscillerd’une
fractiondeseconde àl’autre entrelafidélité et la« trahison », entrela

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