De marche en danse
137 pages
Français

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De marche en danse , livre ebook

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Description

Analyse majeure d'une pièce chorégraphique majeure - Déroutes, de Mathilde Monnier -, l'ouvrage présent éclaire brillamment le travail d'une artiste contemporaine de première importance. Il ouvre la voie, aujourd'hui encore étroite, d'une critique chorégraphique comme mode singulier de pensée. Suivant la voie indiquée par la chorégraphe qui a placé la figure de la marche au coeur de l'écriture de cette oeuvre, il en déplie les enjeux esthétiques, historiques et politiques, à partir de ce geste élémentaire.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2005
Nombre de lectures 326
EAN13 9782336281162
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De marche en danse

Gérard Mayen
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Remerciements Avant-propos MATHILDE MONNIER : —PARCOURS EN RUPTURE OU EN DEPLACEMENTS DU TEXTE VERS LE PLATEAU : LIRE AU-DELA DES LIGNES SE PERDRE DANS DEROUTES MARCHER AVEC DEROUTES EPILOGUE Bibliographie Beaux-Arts à l’Harmattan
© L’Harmattan, 2005
9782747583336
EAN : 9782747583336
Que soient vivement remercié(e)s Isabelle Ginot pour ses conseils et encouragements, l’université Paris 8:
Jean-Louis Déotte, Isabelle Launay, Dominique Praud et Christine Roquet , dont les avis m’ont été précieux, indications méthodologiques ou documentaires.
Renaud Bertin, Anne Lenglet, Rachid Ouramdane, Enora Rivière, spectateurs experts,
Anne Lucas et Christophe Wavelet du CND ,
Mathilde Monnier, enfin bien sûr et l’équipe artistique de Déroutes , particulièrement ceux d’entre ses membres qui se sont rendus disponibles à mes interrogations.
Avant-propos
“La fin annoncée de la non-danse” ; ce titre, barrant toute une page du quotidien Le Monde un soir du printemps 2003, illustre la teneur de la conversation qui, au printemps 2003, bruisse au sein du milieu qui accompagne, observe et commente la création chorégraphique, à propos des nouvelles tendances apparues en France (particulièrement) dans la deuxième moitié des années 90.
Danse ou non-danse ? L’énonciation de cette opposition dualiste devrait donc suffire, dans l’esprit de ceux qui s’en contentent, à synthétiser l’ensemble des questions soulevées et travaillées par des créateurs aussi divers que Jérôme Bel, Marco Berrettini, Alain Buffard, Fanny de Chaillé, Boris Charmatz, Myriam Gourfink Emmanuelle Huynh, Jennifer Lacey, Xavier Le Roy, Rachid Ouramdane, Christian Rizzo, Loïc Touzé, Claudia Triozzi, etc, en qui ce même milieu s’entend à désigner les acteurs des dites nouvelles tendances.
De fait, la remise en cause d’une pratique virtuose et spectaculaire du mouvement dansé, et le questionnement des conditions de sa perception par le spectateur, paraissent communs à l’ensemble de ces artistes. Par exemple, dans les colonnes d’Art Press ou de Mouvement, Alain Buffard exprime une telle préoccupation en évoquant « le corps glorieux, performant, que l’on inculque encore en danse. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté de danser. J’en avais marre de sauter comme un cabri », tandis que la critique Jacqueline Caux recourt à la notion de “refus de danser” lorsqu’elle s’entretient avec Claudia Triozzi (qui semble acquiescer), et que Jérôme Bel évoque, de son côté, ses « années immobiles, (...) cette espèce de calme régnant dans les pièces, ou encore cette sorte de “degré zéro” de l’acteur ».
Ainsi l’arrêt de la danse, le refus de la danse, l’immobilité, travaillent-ils la création chorégraphique en France (particulièrement), dans les dernières années du vingtième siècle, de l’avis même de bon nombre de ses acteurs, quand ils ne les revendiquent pas haut et fort. Et la critique Isabelle Ginot en élargit la perception au-delà du strict champ esthétique, en suggérant une mise en perspective politique de ces gestes de ralentissement ou ces « actes immobiles », comme de possibles réponses « à un “mouvement des choses” que l’ordre dominant voudrait hégémoniquement “libre” : libre échange, gestion des flux, mondialisation, etc., ne cessent d’activer le fantasme de flux sans entraves (sans résistances), rapides, sans tension, etc. » 1 .
Lorsqu’elle rédige un premier texte de présentation de son projet de création de la pièce Déroutes, Mathilde Monnier déclare, pour sa part, son intention de « traiter d’un espace de ralentissement, pouvoir s’arrêter, dilater le temps, non pour développer une esthétique du mouvement au ralenti, mais bien pour donner un temps de décélération du regard et des perceptions, en rupture avec les temps coupés, saccadés, séparés et ultra accélérés du monde ». Ainsi recherche-t-elle une réponse esthétique à une nouvelle donne politico-économique de la temporalité (quand bien même cristallise-t-elle son inquiétude autour d’une notion de fractionnement heurté plutôt que de mise en flux continu de celle-ci).
Qu’est-ce qui rapproche, mais qu’est-ce qui distingue Mathilde Monnier des artistes de la mouvance de la non-danse, s’il en est une (et c’est ici très consciemment qu’on recourt à ce raccourci de langage) ? Danse ou non-danse ? Déjà loin de suffire à résumer les problématiques soulevées et travaillées par les créateurs cités plus haut, cette question est-elle en définitive pertinente en elle-même, qui déjà supposerait instaurée et admise une définition de la danse ? La manifestation visible de plus ou moins de danse ne ressort-elle pas, elle aussi au bout du compte, d’une logique du dispositif spectaculaire, quand bien même la pousserait-on radicalement jusqu’à l’option “pas de danse” ?
Dans son ouvrage de référence Terpsichore in baskets , en évoquant le Grand Union , soit l’un des principaux collectifs réunissant des artistes de la très expérimentale post-moderne dance , la critique américaine Sally Banes estimait que ce collectif « démystifie le théâtre alors même qu’il en produit » 2 . On serait assez tenté de radicaliser ce paradoxe en inversant les termes mêmes de la formulation —produire du théâtre, alors même qu’on le démystifie... Tenté aussi de retourner le fond de ce débat en direction des artistes qui, vers la fin des années 90 dans l’Hexagone, puisent une source essentielle de leurs réflexions et pratiques dans les années 60 et 70 new-yorkaises, dont le Grand Union fut un fleuron, axé sur une remise en cause systématique des conventions de la représentation spectaculaire.
Avec Entretenir , un ouvrage écrit à quatre mains, l’universitaire Isabelle Launay et le chorégraphe Boris Charmatz —volontiers tenu pour l’un des plus significatifs au sein des nouvelles tendances— prônent l’adoption d’un “soupçon productif”, et estiment par exemple que « ce n’est pas parce qu’on fait (...) un parcours à la place d’un spectacle qu’on est, par essence, plus critique » 3 . Ce type d’opposition n’y suffit pas. Et, relatant l’expérience paradoxale d’ « une immobilité et une lenteur dépensières » mise en œuvre dans la pièce Herses, une lente introduction (de Boris Charmatz), ils indiquent la possibilité de modalités d’approche de la question de l’immobilité fort distinctes de la dichotomie première —si ce n’est primaire, entre danse et non-danse.
En novembre 2002, la configuration des programmations sur les scènes parisiennes ont fait s’enchaîner les représentations de + ou – là de Rachid Ouramdane, Multi(s)me de Marco Berrettini et Avant un mois je serai revenu ... de Christian Rizzo. la qualité de ces trois pièces, et le rare effet d’entraînement ainsi produit entre elles, me firent vivre leurs représentations avec une intensité absolument exceptionnelle, au regard de mon expérience coutumière de critique, spectateur professionnel de la danse.
Et dans la foulée de cette même période de quinze jours à peine, j’assistai aussi à deux filages de Déroutes , pièce de Mathilde Monnier, alors parvenue à un mois de sa création publique.
Par là naquit un soupçon.
Les trois pièces précédemment mentionnées avaient pour point commun de présenter typiquement la caractéristique d’un “presque pas de danse” —celle-ci entendue comme fruit de la production intentionnelle de mouvements non fonctionnels et non quotidiens, à visée expressive et esthétique dans une situation de spectacle. Pour autant, le spectacle était bien là, et un peu comme par un système de vases communicants, d’autres pratiques artistiques semblaient être venues investir massivement l’espace laissé libre, en quelque sorte, par une perte de la danse, au sein de ces productions pourtant reconnues comme rattachées au domaine chorégraphique : soit le travail alerte (et le questionnement pertinent) des images sur écran dans la pièce de Rachid Ouramdane, ou à proprement parler le théâtre dans la pièce de Marco Berrettini, ou encore une impressionnante production plastique et sonore dans celle de Christian Rizzo.
A cet égard et à l’inverse, Déroutes semblait assumer nettement sa pleine inscription dans le champ de la danse, du mouvement dansé. Si une ligne de partage devait exister entre danse et non-danse, alors cette pièce ne tomberait pas du même côté que les trois autres. Même dans sa dynamique générale de ralentissement, elle présente en abondance des figures de danse. Elle n’en paraît pas moins productrice d’un questionnement aigu des modalités de présentation des corps sur un plateau, et plus particulièrement de leur venue à la danse.

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