Expressions du corps interne
212 pages
Français

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Expressions du corps interne , livre ebook

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Français

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Description

Cet ouvrage est un essai pluridisciplinaire qui associe art visuel et performance vocale, chant lyrique et rock, ou encore rituel sacré et spectacle artistique. Développant une approche expérimentale de la voix, l'auteure-plasticienne prend appui sur ses actions performatives pour tenter de définir deux notions inédites : le chant plastique et le corps interne. Comment la voix peut-elle rendre visible ce qui échappe à la vue ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 100
EAN13 9782296471108
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Expressions du corps interne
Collection Arts & Sciences de l’art
dirigée par Costin Miereanu

Interface pluridisciplinaire, cette collection d’ouvrages, coordonnée avec une publication périodique sous forme de Cahiers, est un pro-gramme scientifque de l’Institut d’esthétique des arts et technologies – IDEAT, formation de recherche du CNRS, de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministère de la Culture et de la Communication (FRE 3307).

Institut d’esthétique des arts et technologies IDEAT
FRE 3307 - CNRS/Université Paris 1
47, rue des Bergers - 75015 Paris
Tél. : 01.44.07.84.65 - Email : asellier@univ-paris1.fr ©
IDEAT - CNRS/Université Paris 1 - L’Harmattan, 2011

© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54679-0
EAN : 9782296546790
Hélène Singer
Expressions du corps interne
La voix, la performance et le chant plastique
L’Harmattan
Couverture : Jean-Pierre Dubois ©
À mon père
Avant-propos
Cet ouvrage reprend en partie la thèse en arts plastiques de l’auteur, préparée à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sous la direction de Monsieur le Professeur Jacques Cohen, et soutenue publiquement en décembre 2005.
En prenant appui sur une approche expérimentale de la voix et de l’acte artistique, il consiste en un essai de définition de deux notions inédites : le chant plastique et le corps interne. C’est au travers de l’analyse de sa pratique artistique – le chant plastique – que l’auteur/artiste part à la découverte de ce corps énigmatique. Et c’est à partir du corps interne qu’elle se lance dans l’action performative. Elle met ainsi sa pratique plastique personnelle en corrélation avec une réflexion théorique et établit un dialogue entre ses œuvres et celles d’autres artistes, entre son approche intellectuelle et la pensée de philosophes, artistes, anthropologues… Comme l’exige la discipline des arts plastiques, le travail artistique et le discours thétique se répondent ; plus encore, ils sont générés l’un par l’autre. Aussi le lecteur ne s’étonnera-t-il pas du changement de pronom personnel tout au long de l’ouvrage : le « nous » – pluriel de majesté – sera utilisé dans le développement réflexif, et l’auteur/artiste passera au « je » lorsqu’elle se fera narrateur de sa propre création artistique. Des différences typographiques visualiseront ce jeu linguistique.
Fondé sur la pratique de la performance, ce texte interroge la re-présentation du corps, du geste vocal au mouvement corporel, de l’apparence à l’organique. S’inscrivant dans un champ pluridisciplinaire qui associe art visuel et performance vocale, chant lyrique et rock, ou encore rituel sacré et spectacle artistique, il tend enfin à résoudre les questions : qu’est-ce que le corps interne, quelles sont ses expressions ? Parcours bruyant à la croisée du son et de l’image, où la voix pourrait peut-être manifester ce qui échappe à la vue.
Introduction
Cet essai porte un titre sibyllin : « Expressions du corps interne ». Il est justement conçu comme un parcours qui tend à clarifer ce titre. Ce processus explicatif prend lui-même racine dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’analyse d’œuvres plastiques personnelles, qui prennent la forme de performances vocales. Celles-ci consistent à produire vocalement une ma-tière sonore qui se situe au croisement du cri et du chant, devant un public ou seule devant une caméra. L’auteur/artiste nomme cette création visuelle et vocale le « chant plastique ». Elle tente ainsi, lors des performances, d’exprimer le corps interne par la voix. Il semble donc que l’expérience corporelle soit utilisée pour partir à la quête d’une notion apparemment théorique ; mais avant tout, le corps interne est un pressentiment, indissociable de l’expérience artistique. Ce n’est pas un concept préalable que l’auteur/artiste tente d’illustrer artistiquement, mais une intuition créatrice pulsionnelle, une sensation et un tremplin qu’elle utilise pour se lancer dans la performance.
Le corps interne, a priori, s’oppose au « corps externe ». Ce dernier renverrait à l’extérieur du corps, à son apparence : c’est le corps que l’autre voit. De nombreux plasticiens utilisent les actions directes ou les avancées techniques pour transformer leur aspect. Des performeurs de l’extrême, tel Lukas Zpira qui pratique le piercing et se transperce la peau avec des crochets auxquels il se suspend ensuite, cherchent, par une métamorphose, à « dépasser leur corps biologique 1 ». Orlan opère une mutation de son visage par actes chirurgicaux répétés, puis propose des Self Hybridations, morphings de son visage avec des sculptures précolombiennes, amérindiennes ou africaines ; Matthew Barney se transforme en être hybride grâce à des déguisements fantastiques et des prothèses… Leur pratique artistique porte sur la partie visible, externe du corps. Le corps interne, dans cette logique, correspondrait à l’intra-corpus, au sous-carné : il serait cette masse organique, obscure, invisible, que de nombreux artistes ont tenté de percevoir, en ouvrant l’enveloppe charnelle pour voir ce qu’il y a dedans. Georges Didi-Huberman écrit ainsi à propos de Léonard de Vinci que « ce qui le fascine d’abord, dans le crâne humain, c’est ce qu’il nomme son “côté interne” ; c’est la “cavité des orbites”, avec sa profondeur dissimulée 2 ». Le corps interne serait une zone dissimulée, invisible et donc fascinante. Comment séparer cependant les corps interne et externe ? Ils sont indissociables et ne font qu’un pour former l’organisme ; ils ne sont en aucun cas antinomiques. Ce qui les opposerait serait donc le fait d’être ou non visible : le contraire du corps interne serait peut-être, plutôt que le corps ex-terne, le corps visible.
Le plasticien Jan Fabre s’intéresse lui aussi à l’intra-corpus, sans pourtant chercher à le voir ou à le représenter. Il ne tente pas de percer le corps pour en découvrir l’intérieur, mais utilise comme matériaux de création les liquides ou matières produites par le corps et expulsées au-dehors. Dans ses spectacles vivants apparaissent les humeurs corporelles, telles que l’urine, la salive, le sang… Au-delà de la provocation, Jan Fabre veut, en faisant uriner des femmes sur scène, revaloriser ces matières souvent considérées comme des déchets répulsifs. Cette remise en question du dégoût qu’inspirent généralement les sécrétions organiques est déjà au cœur de l’installation Precious Liquids (1992) de Louise Bourgeois : un cylindre en bois dans lequel le spectateur est invité à entrer, contient des ballons de verre qui décantent de « précieux liquides » coulant dans des tuyaux jusqu’au centre d’un lit. Le sang, le lait, le sperme et les larmes, au-delà de simples matières premières, sont pour Louise Bourgeois indissociables des émotions qui les font naître, comme la peur, la joie, la jouissance, la souffrance. Ces reflux organiques sont précieux, en ce qu’ils témoignent de la sensibilité humaine.
Ces humeurs ne pourraient-elles pas être considérées comme des « expressions du corps interne » ? Il s’agit en effet de matières expulsées du corps organique. « Exprimer » signifie d’abord « presser sur quelque chose pour en faire sortir ce qui se trouvait à l’intérieur 3 ». Dans cette logique, les expressions seraient les déchets projetés hors du corps interne, par pression sur ce dernier. Le chant plastique, par lequel l’auteur/artiste tente d’exprimer le corps interne, est-il à comprendre comme une déjection vocale ? Il s’apparenterait alors au cri organique d’Antonin Artaud, qui voulait « rendre » des textes, c’est-à-dire les vomir, les cracher, les expulser comme des déchets. Quelle serait alors la spécificité du chant plastique ? À la croisée du cri et du chant, il se situe hors du langage verbal : il abandonne les mots et l’articulation du langage. Le travail vocal met en lumière et cultive la plasticité de la voix, cette matière sonore malléable que le chanteur peut modeler à son gré. Mais au contraire du chant lyrique, le chant plastique présente un caractère improvisé, pulsionnel et sauvage, jusqu’à parfois évoquer des transes vocales. Ce « hors chant » renvoie à l’esthétique rock, ainsi qu’au processus d’extase développé dans certains rituels, notamment chamaniques. Dans le cadre des arts plastiques, il s’agit de jouer avec les frontières entre la théâtralité du rituel et celle de la performance, entre le théâtre vécu (terme de Michel Leiris) et le théâtre joué, entre la croyance et le mensonge, la transe et la simulation, le cultuel et le culturel…
Le corps interne ne correspond pas uniquement à un int

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