Présents musicaux
303 pages
Français

Présents musicaux , livre ebook

303 pages
Français

Description

En abordant le thème des "Présents musicaux", cet ouvrage collectif vise à interroger cette dimension temporelle propre à la musique, non pas selon des définitions univoques ou par une approche abstraite, mais par touches successives. En proposant des cas concrets à travers l'analyse d'oeuvres ou en exposant des problèmes spécifiques, chaque contribution enrichit d'autant la réflexion générale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 6
EAN13 9782296231832
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UFR Arts, Philosophie et Esthétique - Université Paris 8

Presents musicaux

Sous la direction de Jean-Paul Olive

Présents musicaux

Sous la direction de
Jean Paul Olive

PRÉSENTS MUSICAUX

Laboratoire d’analyse et d’esthétiquemusicales
Équipe d’accueil n°1572
«Esthétique,musicologie etcréations musicales »
Université Paris8
2 rue dela Liberté93526Saint-Deniscedex

L’Harmattan

PRÉSENTATION

Jean Paul Olive

« Personne ne connaîtle cœur secret del’horloge»écrivait
EliasCanettidans sesÉcrits autobiographiques, évoquantainsi
en unephrase auxaccents quelquepeu surréalistes l’undes
mystèresfondateursauxquelschaquehommesetrouve
confronté.Pas plus quelesautres les musiciens ne connaissent
ce«cœur secretdel’horloge» ; mais lamusique,parcequ’elle
se déploie dans letempsen lesculptant,semble bien pouvoir
décliner les manifestationsde cemystèrequi paraîtêtre àla fois
sasource et son problème.Cemystère, elleletransporte dans
une dimension seconde,pourainsidire fictive, dans une
dimension imaginaire au seindelaquellesetrouveplongé
l’auditeurdès lors qu’ilestcaptivépar lamusiquequ’ilécoute :
oubliant lemécanisme del’horloge,quelque chose desoncœur
secret luidevient sensible,sans pourtant qu’il puissetrèsbien
définirdequoi il s’agit.Th.W.Adorno, dans laThéorie
esthétique, évoquaitàsamanière cette dimensiond’ouverture
imaginaire commel’undescaractèresessentielsdel’art:
«Lorsqu’unemusique comprimeletemps,lorsqu’un tableau
repliel’espace,lapossibilité d’obtenirautre chosese
1
concrétise. »Mais si letemps musical n’a, eneffet,quepeude
chose àvoiravecletempsempirique,ilest néanmoins permisde
penser que cequi s’ydéroulesur un mode concentré – cet
«autre chosequi se concrétise»–n’est pasétrangeraux
élémentsetaux tensionsdu monde,infiniment métamorphosés
et projetés sur unenouvellesurface.

1
ADORNO, TheodorW.:Théorie esthétique, Klincksieck,p. 196.

La musique, qu’ellesoit improviséeouécrite et interprétée,
sejoue et s’écoute au présent.C’esten toutcas l’impression
immédiate qui se dégage d’elle, àtel pointque mêmeles
musiques les plusanciennes, dès lors qu’un interprèteles
reprend,semblent retrouver l’intensité del’actuel,nier les
siècles passés, commesicequ’ellesavaientàtransmettreyavait
été conservé,prêtàressurgiràtravers l’interprète dans la
fraîcheurdelaspontanéité.Un siècle demusiquesenregistrées,
dans un sens,n’a fait qu’amplifiercettesensation, curieuse et
pourtant trèsforte,queletemps n’aurait pas ou peudeprisesur
les musiques,que celles-ci seprésenteraientànousdans une
disponibilité complète de contenusconservés,nonchangés,
immédiatsetéternels.
Àl’opposé d’unetelle conception qui,sans mêmequ’elle ait
besoind’êtrethéorisée, estaujourd’hui très majoritairement
répandue, existepourtant un pointdevuequiconsidèreles
œuvres musicalescommesubissantdepleinfouet letravaildu
tempsetdel’histoire.Dans unarticle de1929,«Musique
nocturne», Adorno visait précisémentàrevenir surcequi
semblen’être àses yeux qu’uneidéereçue,opposantà cette
dernièreunevision quelquepeu provocante :«Car les
contenusessentiels, écrit-ildès l’ouverture del’article,que
l’interprétation tente desaisir sesontentièrement transformés
dans laréalité, et,partant, àl’intérieur même des œuvres,
lesquelles sesituentdans l’histoire et sont parties prenantesde
cettehistoireréelle.Celle-ciamisànudans les œuvres les
contenusessentielsauxquels ilsdoivent leur origine.S’ils sont
devenus visibles, c’est uniquementgrâce à cette décomposition
1
del’unité formelle,sousforme d’œuvrejustement .»Et
commes’ilfallait insisterencoresurcequidemeurera chez lui
unenjeudetaille,lejeunephilosopherevient un peu plus tard
dans l’articlesurcetteidée centrale : cequ’il veutdireici, ce

1
ADORNO, TheodorW.:«Musiquenocturne», dansMoments musicaux,
Contrechamps,2003,p.45.

6

n’est pas seulement le fait,sommetoute banal, queles hommes
changentet neperçoivent plus les œuvres musicalesdelamême
façon,maisc’estbien plutôt le fait, au premierabord déroutant,
queles œuvreselles-mêmes setransforment:«Ilfaut soutenir
avec force queleschangement opèrentàl’intérieurdes œuvres,
et non seulementdans les hommes qui les interprètent.L’état
delavérité dans les œuvrescorrespond àl’étatdelavérité dans
1
l’histoire. »Disantcela,lephilosophe estcependant loinde
refuseraux œuvrescequ’ilappelleune« teneur
permanente» ;bienaucontraire, Adorno– comme d’ailleurs
Benjaminàqui ildoit tantde cepointdevue –nerenoncera
jamais, àtravers l’analyse et l’interprétation, à cerner le contenu
devérité des œuvres ; mais laquestionest pour luidesavoir où
cherchercelui-ci:«[...] ce contenuessentiel ne doit pasêtre
cherché ducôté d’élémentséternelset hors histoire,naturelset
immuables,quel’on pourrait saisiràvolonté et manquer
seulement par un hasardsans importance, au regard en toutcas
2
de cequiest permanentdans l’œuvre. »SelonAdorno,les
œuvres, elles-mêmes objetsdela forcehistorique,se
décomposentet, danscette décomposition,libèrentainsides
couches qui n’étaient pas perceptiblesàl’origine.On voitàquel
point unetellevisiondiffère d’une conception statiquetelle
qu’elle est trop souvent promue au nomd’un patrimoine
culturel qu’ilfaudrait maintenir tel quel ;elles’opposetout
autantàlaneutralisationdes œuvres qu’opèreleur
marchandisation sous la forme de catégoriesfixesdestinées,le
plus souvent, à figerdans lemêmetemps leprofil psychologique
desconsommateurs.
Maisà cetteintégrationdes œuvresdans letemps historique
répond, c’est presqueune évidence,le fait queles œuvres
musicales seprésententelles-mêmescomme descontextures

1
Idem,p.47.
2
Ibid,p.48.

7

1
temporelles.Si, commelemontre demanière convaincante
2
MichelImberty,« lamusique creuseletemps », c’estbien
parcequ’ellemanipule des matériaux qui lui sont propres– des
matériaux qui sonteux-mêmes temporels– et queles œuvres
recomposentcesderniers selondes synthèses nouvelles,inouïes.
Dans unelargemesure,le conceptde« matériau »,si souvent
employéparAdorno, avait probablement pourfonctionde
marquercettevaleur historique attachée auxconfigurations
sonores:«Lesexigencesdu matériauàl’égard du sujet
proviennent plutôtdufait quele“matériau” lui-même, c’estde
l’esprit sédimenté,quelque chose desocialement préformé à
travers la conscience des hommes.En tant quesubjectivité
primordiale ayant perdu la conscience desanature antérieure,
un telesprit objectif du matériau semeut selon ses propres
3
lois .»Pourautant,lephilosophenevise aucunementà
absolutiser unetelle catégorie :précisément, en refusant quele
matériau soitdéfinicommenaturel, eten refusant toutautant
deleréduire àune composantepsychologique, c’estbien la
dimensiondu tempsetdel’histoirequi setrouveintégrée àla
réflexion musicale.Plus récemment, face à certaines postures
qui tendentàneutraliser le conceptdematériau, MaxPaddison
a, aucontraire,proposé d’élargir la définitiond’unetelle
catégorie :auxélémentsde« langage» habituels, Paddison
ajouteles œuvres,lesformes, genreset procédures,maisaussi les
techniqueset technologies ;il incorpore ainsi «les modes
d’exécutionetdereproductionet,surtoutaujourd’hui,les
techniquesd’enregistrementet latechnologie destudio, de
mêmequel’électroacoustique,laproductionet la diffusion

1
cf.OLIVE, JeanPaul:«Les présents musicaux », dansFiligrane,n°1, Delatour,
2005,p. 33-47.
2

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