Procès à Voltaire

Christian Beaumelou

Description

François-Marie Arouet, dit Voltaire, est cité à comparaître devant le Tribunal de l’Histoire pour y répondre de délits contre des biens et des personnes et de crimes contre la Société, contre la Religion, contre l’Homme, contre l’Esprit.

Informations

• Publié par: Les Éditions du Net
• Date de parution: 22 juillet 2013
• Nombre de lectures: 15
• EAN13: 9782312024028
• Langue: Français

Extrait

Procès à Voltaire

Christian Beaumelou
Procès à Voltaire
Évocation dramatique









LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Edouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-02402-8
Avant-Propos
Le hasard fit qu’ayant dû, à l’issue d’un long détachement à l’étranger, faire la demande d’un poste en France, je fus nommé au Lycée International de Ferney-Voltaire pour l’année scolaire 1977-1978.
1978 marquait le deux-centième anniversaire de la mort de l’auteur de Candide. La municipalité de Ferney se devait évidemment de la commémorer. Entre autres manifestations, elle demanda au Lycée International de participer aux festivités.
Mon curriculum vitae mentionnait des activités extrascolaires théâtrales : le Proviseur me demanda de lui proposer un projet de pièce de théâtre qui serait jouée par les élèves du lycée. On pouvait évidemment monter Zaïre ou Mérope, ou n’importe quelle autre de ses cinquante-deux tragédies ou comédies. Vingt ans plus tôt, en 1978, on avait joué à Paris une pièce du dramaturge italien Diego Fabbri, traduite par Thierry Maulnier : Procès à Jésus . L’idée me vint de monter un Procès à Voltaire .
À cette époque-là, la rentrée se faisait encore au début d’octobre. Le spectacle devait être donné avant la fin de l’année scolaire, c’est à dire au plus tard dans les derniers jours de Juin. Neuf mois pour écrire la pièce, distribuer les rôles, concevoir et fabriquer les décors et les costumes, assurer les répétitions ; monter un Procès à Voltaire dont seul existait le titre, le tout sans perturber les activités pédagogiques, était aventureux.
L’urgent était l’écriture du texte. Ma collègue Suzanne Boulas, professeur agrégé de lettres, et l’Intendant du lycée, Michel Jacquet, homme de grande culture, s’y associèrent. La collaboration posthume des principaux personnages fut même sollicitée ! Tant qu’à les faire parler, autant leur donner la parole.
Le travail en équipe s’organisa aisément et l’enthousiasme de tous ceux qui contribuèrent à la réalisation de l’entreprise permit d’en venir à bout dans les temps. La mobilisation fut en effet générale. Tout le lycée s’enflamma. On verra, en annexes, les quelque quatre-vingt noms des acteurs qui essuyèrent les feux de la rampe et de ceux qui travaillèrent dans les coulisses. La distribution ne mentionne pas leur qualité ; ils viennent de toutes les catégories représentées dans le lycée ; professeurs et élèves, bien sûr, mais aussi personnel d’administration et de service, jusqu’aux parents d’élèves. On aura la surprise d’y trouver le nom d’un très jeune garçon qui est devenu par la suite un des meilleurs journalistes du paysage audio-visuel français.
Amnesty International proposa d’accompagner la représentation théâtrale d’une projection d’images contemporaines liées aux propos émis sur le plateau. La proposition fut adoptée sans difficulté. Beaucoup de spectateurs durent partager l’opinion que le critique de la Tribune de Genève tira de cette évocation : « Voltaire aujourd’hui ne manquerait pas d’ouvrage … »
La carrière de la pièce fut éphémère : il n’y eut qu’une seule représentation, le 29 juin 1978 ; le lendemain, le lycée de Ferney était en vacances. Le Bicentenaire avait attiré à Ferney des admirateurs et des spécialistes de Voltaire du monde entier. L’audience du spectacle était aussi internationale que le lycée qui le présentait. Ce fut un véritable succès qui fit écrire au même critique : « Au cours des fêtes du bicentenaire, on ne nous a guère montré jusqu’à ce jour que le visage frivole et mondain de Voltaire. […] Le spectacle, monté par le Lycée international, était infiniment plus ambitieux, plus grave, plus profond. On a vu enfin le Voltaire des affaires Calas, Lally-Tollendal et de la Barre. Celui qui a lutté contre la bêtise, la lâcheté et ce qui en est le fruit, l’intolérance. Celui qui fut « fanatique contre le fanatisme » et qui se battit seul parfois pour des hommes broyés par une justice aveugle et partisane. » Il ajoutait : « Ce Procès à Voltaire mérite mieux que l’éphémère représentation d’un soir. » Il est vrai que la joie et la fierté de tous ceux qui lui avaient consacré beaucoup de leur temps et de leur énergie s’accompagnait d’un peu de frustration.
J’ai retrouvé, il y a peu, une vieille brochure de la pièce et un exemplaire du programme de la représentation. Leur publication n’a d’autre but que de rappeler de bons souvenirs à quelques acteurs de l’entreprise et d’amuser leurs enfants ou petits-enfants, ravis, les uns et les autres, de retrouver leur nom dans la distribution.
Ont collaboré au texte {1}
François-Marie Arouet dit Voltaire
Christian Beaumelou
Suzanne Boulas
Victor Hugo
Michel Jacquet
Joseph de Maistre
Alfred de Musset
Jean-Jacques Rousseau

Personnages
Voltaire
Jean-Jacques Rousseau
Alfred de Musset
Joseph de Maistre
Victor Hugo
Wagnière, secrétaire de voltaire
Tronchin, médecin suisse
Audibert, négociant marseillais
Madame Denis, nièce de voltaire
Jean Calas, commerçant toulousain
Délie calas, épouse de Jean Calas
Donat Calas, fils de Jean Calas
Pierre Calas, autre fils de Jean Calas
Les deux filles de Jean Calas
Jeanne Viguière servante des Calas
Le général de Lally-Tollendal
Le Père Desfontaines, journaliste
Louis-Stanislas fréron, polémiste
Lasalle, Conseiller affaire Calas
Laborde, Conseiller affaire Calas
Lavaysse, ami de Marc-Antoine Calas
Le président du Tribunal de l’Histoire
1 er Assesseur du Tribunal de l’Histoire
2 e Assesseur du Tribunal de l’Histoire
Le Greffier du Tribunal de l’Histoire
Un conseiller municipal de Toulouse
L’Avocat de Lally-Tollendal
Le Chevalier de la barre
Duval-Soicourt, Assesseur au procès de Calas
Broutel, Assesseur au procès de Calas

1 er Homme (Témoin procès de Calas)
2 e Homme "
3 e Homme "
4 e Homme "
1 ère Femme "
2 e Femme "
3 e femme "
4 e femme "
Un Gendarme "
1 er Pénitent "
2 e Pénitent "
3 e Pénitent "
4 e Pénitent "
Un jeune Homme (Procès de La Barre)
Greffier "
1 er Témoin "
2 e Témoin "
3 e Témoin "
4 e Témoin "
5 e Témoin "
6 e Témoin "
7 e Témoin "
8 e Témoin "
9 e Témoin "
10 e Témoin "

Bourgeois, bourgeoises, gendarmes, paysans

Première partie

P REMIER TABLEAU
(On ne frappe pas les trois coups : pendant que la salle s’éteint progressivement, un prélude musical s’insinue dans le brouhaha des conversations. C’est d’abord du Bach, (ou du Vivaldi)… bientôt recouvert par une vague de Brahms… qui se résout à son tour dans un déferlement de musique électronique.
La salle est maintenant obscure. Seule une rampe, face au public, aveuglante, s’est allumée. Le rideau se lève. La scène est invisible de la salle.
La musique s’arrête brusquement et au même instant la rampe s’éteint.
Un faisceau de lumière bleue isole peu à peu, à droite, au deuxième plan, trois juges, en toque et robe bordée d’hermine, assis derrière un bureau surélevé. Au pied du bureau, la barre des témoins.
Une voix s’élève. C’est celle du Président. Mais le Président, comme ses deux assesseurs, est immobile et ses lèvres ne bougent pas. Cette voix vient de partout et de nulle part ; c’est un texte enregistré, dans une ambiance de cathédrale. Espace, profondeur, dureté du métal.)
V OIX DU P RÉSIDENT Accusé, levez-vous !
(Un autre faisceau s’allume à gauche. Il découpe au premier plan la silhouette d’un vieillard décharné (le Voltaire de Houdon), assis, tassé dans un fauteuil. Le vieillard se lève péniblement. Comme pour le Président, sa voix ne sort pas de sa bouche, mais elle est moins neutre, moins impersonnelle que celle du Président. Moins dure aussi.)
V OIX DU P RÉSIDENT Nom, prénom, qualités ?
V OIX DE V OLTAIRE Arouet, François-Marie, fils de François Arouet, notaire royal, et de Marguerite Daumart. Né à Paris, le vingt-et-unième de novembre de l’an 1694. Mort à Paris le trentième de Mai de l’an 1778, en sa quatre-vingt-quatrième année. Connu aussi sous le nom de Voltaire.
V OIX DU P RÉSIDENT Profession ?
V OIX DE V OLTAIRE Poète… et philosophe.
V OIX DU P RÉSIDENT Ce n