MARCEL PROUST : UNE DOULEUR SI INTENSE
351 pages
Français

MARCEL PROUST : UNE DOULEUR SI INTENSE , livre ebook

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351 pages
Français

Description

Exemple même de l'écrivain malade et reclus, Marcel Proust semble avoir puisé dans ses difficultés de vie l'inspiration qui lui permit d'écrire son œuvre immense. Rien n'est pourtant plus simplificateur que cette formulation. Proust n'écrit pas parce qu'il est malade, ni pour se guérir de sa maladie. Proust écrit pour guérir d'une blessure bien plus vive, pour soigner une faille narcissique précoce jamais cicatrisée. Mais en vain, puisqu'il meurt une fois son œuvre achevée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2000
Nombre de lectures 57
EAN13 9782296420342
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MARCEL PROUST :
UNE DOULEUR SI INTENSE... Collection L'Œuvre et la Psyché
dirigée par Alain Brun
accueille la recherche du spécialiste (psychanalyste, L'Œuvre et la Psyché
philosophe, sémiologue...) qui jette sur l'art et l'oeuvre un regard oblique.
Il y révèle ainsi la place active de la Psyché.
Déjà parus
FEDERICO GARCIA Michèle RAMOND, La question de l'autre dans
LORCA, 1998.
Jean Tristan RICHARD, Les structures inconscientes du signe pictural,
1999.
Pierre BRUNO, Antonin Artaud, réalité et poésie, 1999.
Jean-Pierre MOTHE, Du sang et du sexe dans les contes de Perrault,
1999.
Aïda HALLIT-BALABANE, L'écriture du trauma dans Les Récits de la
Kolyma de Varlam Chalamov, 1999.
Richard PEDOT, Perversions textuelles dans la fiction d'Ian McEwan,
1999.
Proust, poète et psychanalyste, 1999. Philippe WILLEMART,
Fabrice WILHELM, Baudelaire : l'écriture du narcissisme, 1999.
pulsion de mort, sublimation Elisabeth DE FRANCESCHI, Amor artis :
et création, 2000.
Céline MASSON, La fabrique de la poupée chez Hans Bellmer. Le
« faire-oeuvre perversif », une étude clinique de l'objet, 2000.


Jean-François VIAUD
MARCEL PROUST
UNE DOULEUR SI INTENSE...
Préface du professeur
François MOREAU
L'Harmattan L'Harmattan Inc.
5-7, rue de l'École Polytechnique 55, rue Saint-Jacques
75005 Paris - FRANCE Montréal (Qc) - CANADA H2Y 1K9 © L'Harmattan, 2000
ISBN : 2-7384-9584-2 Préface
Pour qu'un livre soit lu avec intérêt, il convient que le
lecteur puisse se retrouver dans ses lignes. Cela signifie qu'il
puisse s'identifier aux personnages ou s'accorder avec leur
pensée, c'est-à-dire celle de l'auteur. Dans le cas de Proust,
cette démarche est facilitée par l'application qu'il met à nous
révéler ses états d'âme, certes à travers des personnages ou
des situations fictives. Néanmoins, on peut y suivre la
recherche de ce que Proust l'allergique ne peut refouler ni, à
la longue, censurer. Il ne peut le faire, tant il a à coeur d'être
proche, pour ne pas dire indistinct, des personnages dont il se
saisit : c'est cela « l'allergie », au sens où Pierre MARTY l'a
décrite. Le fondateur de l'École de Psychosomatique de Paris
définit l'allergique par sa relation à ses objets d'amour, dont
il tente de se rapprocher sans cesse, les habitant, les
aménageant à sa convenance de manière identificatoire et
projective. C'est la découverte de la différence entre le sujet
et l'objet, la déconvenue à la découverte des singularités de
l'un par rapport à l'autre qui peuvent, si le statut immunologique s'y prête, entraîner une désorganisation qui
s'exprimera dans la crise. Toute l'oeuvre de Proust aurait pu,
en termes psychanalytiques, s'intituler : «À la recherche de
l'indistinction primaire perdue ».
Ainsi, dans l'oeuvre de Proust, ce qui nous sollicite au
plus haut point, c'est notre propre névrose qui prend plaisir à
ces motions pulsionnelles mal refoulées. Chez le lecteur mal
névrosé — nous préférerions dire ayant moins recours à
l'imagerie psychique — le travail de refoulement sera fait sur
le texte lui-même. Les lignes deviendront alors ennuyeuses. Et
pour peu que l'auteur nous amène à contempler les
souffrances corporelles de ses personnages, nous devenons
très vite compatissants, puis agacés. Alors on ne suivrait plus
l'auteur dont le corps malade évoqué mettrait un terme à
toute jouissance psychique. C'est ce qui donne à toute une
partie de la correspondance du Proust hypocondriaque,
blessé, ce côté que l'on considère comme dérisoire, voire
exaspérant, quoique tragique. Cependant la ruse de Proust est
de faire que son lecteur éprouve de la sympathie (au sens du
grec ovp-zai9eiv souffrir avec) pour le héros-auteur, et non
pas seulement de la pitié méprisable. Proust ne veut pas de
pitié, il veut de l'amour primaire, demandé sans limite et pour
ce qu'il est. Il parvient à ses fins en nous captant au filet de
son « organisation allergique », c 'est cette démonstration qui
constitue le motif central du livre de Jean-François VIAUD.
C'est l'asthme qui fonde l'oeuvre de La Recherche, dans la
mesure où il vient signer la faillite de l'organisation
allergique. C'est par ce procédé d'inclusion réciproque de
l'auteur et du lecteur que Proust se fait aimer en faisant appel
à ses propres frustrations. Freud nous dit : « Nous nous
croyons tous fondés à nous plaindre de la nature et du destin,
en raison de préjudices congénitaux et infantiles ; nous
exigeons tous des dédommagements pour des blessures
8 précoces de notre narcissisme, de notre amour de
nousmêmes » '. Ainsi, partageant le destin proustien, notre critique
est détournée et l'oeuvre passe magistralement. C'est cette
plainte, exhalée tout au long de l'oeuvre, et retenue tout au
long d'une vie d'asthmatique, qui permet à Proust de ne pas
mettre en jeu la haine pour l'objet insuffisant, car distinct de
lui, source de la haine de soi. En s'identifiant massivement,
primairement à l'objet même, source de tant de besoins, il
l'innocente. C'est ce qui lui permet de ne pas questionner la
haine dont il aura été lui-même l'objet. Et il est vrai que sa
mère ne l'a pas aidé à mettre en oeuvre ce manque séparateur
de l'objet premier. Dans la mesure où elle le reconnaît
toujours comme faisant partie d'elle-même, elle l'empêche de
reconnaître le visage de l'étranger. La mère « oedipienne » ne
peut être rejetée car son objet se rejetterait lui-même. Ce
serait alors non plus seulement un objet perdu, mais aussi un
sujet perdu. C'est pour cela, en partie, que Proust écrit sans
fin, et lorsqu'il mettra le mot « Fin » dans son oeuvre, ce sera
la FIN DE TOUT.
Voilà ce qui est finement tracé dans ce livre qui donne
accès, en des termes littéraires, voire avec une belle
imprégnation proustienne dans le style, à tout ce que la
compréhension du concept psychosomatique de « l'allergie »
ouvre de perspectives intellectuelles et artistiques au sujet de
l'oeuvre, y compris dans la forme de ses phrases longues pour
que la plume de l'auteur n'ait pas à être frustrée de la passion
du lecteur.
Il s'agit d'une réflexion d'une grande originalité. Ce livre
peut être lu comme un avant-propos à la compréhension de
La Recherche. L 'auteur y montre que Proust n'aurait sans
PUF, 1984, pp. 135-208. S. FREUD, Résultats, idées, problèmes,
9 doute pas écrit une oeuvre d'une telle qualité s'il n'avait pas
été allergique.
La question de la mentalisation — bonne ou mauvaise —
de Marcel Proust est posée : question hérétique, quand on
pense au nombre et à la qualité de ses représentations.
Cependant, on soutiendra que l'importance du désir d'une
proximité, voire d'une indistinction d'avec les objets, prive
Proust de toute une liberté psychique dans sa vie. Nous
verrons avec Jean-François VIAUD comment Proust, pris
dans son inéluctable rigidité de relation à ses objets, entre
dans un processus de désorganisation progressive qui le
conduira à la mort dès la fin de son oeuvre.
François Moreau'
I Professeur de médecine interne et psychosomatique à l'université de médecine
Victor Segalen de Bordeaux.
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Avertissement :
Arbitrairement, toutes les citations extraites de l'oeuvre ou de la
correspondance de Proust (ou de sa mère) sont écrites en caractères
italiques. Les autres citations sont en caractères romains et entre
guillemets.
Dans le texte, nous abrégeons volontairement À la recherche du temps
perdu par : La Recherche.
Liste des abréviations utilisées dans les notes :
Les volumes de La Recherche sont indiqués par leur nom, suivi
du numéro du tome en chiffres romains, puis de la page dans
l'édition de la Bibliothèque de la Pléiade 1987-1989. S'il s'agit
d'une esquisse, celle-ci est indiquée Esq, suivi de son numéro en
chiffres romains.
o DCSw : Du côté de c

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