Apprendre à lire : l enjeu de la syllabique
150 pages
Français

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Apprendre à lire : l'enjeu de la syllabique , livre ebook

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Description

Dans la lecture, l'accès à la compréhension passe nécessairement par la maîtrise d'un déchiffrage habile et précis, ce qui suppose un apprentissage qui part des lettres, des graphèmes, des syllabes. Cet ouvrage montre que la syllabique, identifiée parfois à la pauvreté de certains textes utilisés, n'est en rien incompatible avec la poursuite d'ambitions culturelles fortes. Bien au contraire, elle est la garantie, la condition même de l'accès à des textes exigeants lorsque ceux-ci sont proposés aux apprentis lecteurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 123
EAN13 9782296800557
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Apprendre à lire
Du même auteur « L’entendu, le lu et le compris », inApprendre à lire. La querelle des méthodes, avec Geneviève Krick et JeanPierre Terrail, Gallimard, Paris, 2007. « Les temps du passé en CM2 » avec Sylvie Cadolle, et « Des différenciations » avec Patrick Rayou, inFaire ses devoirs. Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire, sous la direction de Patrick Rayou, Presses Uni versitaires de Rennes, 2009. Je lis, j’écris.Un apprentissage culturel et moderne de la lecture CP, avec JeanPierre Terrail et Geneviève Krick, Les Lettres bleues, Paris, 2009.
Janine Reichstadt Apprendre à lire L’enjeu de la syllabique L’HARMATTAN
© L'HAR M ATTAN, 2011 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54131-3 EAN : 9782296541313
Introduction
Les pratiques d’enseignement de la lecture sont encore largement marquées par la conviction qu’un travail sans détours, précoce, précis et rigoureux sur les combinaisons de graphèmes, ne pourrait que compromettre l’accès au sens, à l’intelligence des textes, et cela pour des raisons qui tiendraient aux principes mêmes sur lesquels se fonde la méthode syllabique qui, précisons-le d’ores et déjà, ne part pas des sons mais des lettres. Mettant en avant l’importance décisive du déchiffrage, la syllabique ne permettrait pas aux élèves de devenir des lecteurs capables de s’approprier la valeur culturelle de l’écrit. Il n’est pas pensable selon moi de retenir une telle opposition, d’où l’objectif de ce livre qui est de développer les raisons pour lesquelles toute lecture passe nécessairement par un déchiffrage habile, fluide et précis, condition absolue de l’accès à son contenu. En 2006, le ministre de Robien a déclenché une vive polémique lorsqu’il a voulu imposer la syllabique. La polémique sur cette méthode est fort heureusement retombée aujourd’hui, mais la réflexion sur les démarches pédago-giques qu’elle génère se poursuit : le débat n’est donc pas clôt et il nécessite d’être nourri en permanence, compte tenu de l’importance qu’il revêt. Les enjeux de l’apprentissage de la lecture sont sans aucun doute majeurs : bien savoir lire et écrire ne pourra jamais conduire automatiquement à la réussite dans les autres disciplines, mais sans ce savoir, l’avenir scolaire des jeunes élèves se trouve d’avance compromis, dans des proportions qui risquent de demeurer très inquiétantes si rien ne change au niveau des dispositifs pédagogiques. La culture de l’école s’inscrit profondément dans la culture écrite, y compris dans
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les pratiques de l’oral, aussi, l’absence de maîtrise des voies d’accès à l’écrit contrarie fatalement l’appropriation de tous les autres savoirs enseignés, et plus largement, de toutes les autres formes d’activités intellectuelles.
Le débat sur l’apprentissage de la lecture remonte (pour la dernière période qui nous intéresse), aux années 1970. Lorsque la réforme Berthoin de 1959 a décidé de porter à 16 ans l’âge de l’obligation scolaire, l’entrée massive des élèves du primaire en classe de sixième de collège, a fait apparaître que l’ensemble de ces élèves était loin de maîtriser la compréhension de ce qu’ils devaient lire à ce nouveau niveau de leurs études, ce que ne pouvait pas révéler de la même façon la poursuite préalable de la scolarité vers le seul certificat d’études primaires. Cette situation a amené les chercheurs à interroger les modalités de l’apprentissage de la lecture, qui furent soupçonnées d’être impuissantes à conduire efficacement les élèves à saisir le sens de ce qu’ils lisaient. D’où les travaux qui ont condamné le fameux b-a ba dont on a fait le symbole de la méthode syllabique, afin de promouvoir avec détermination le sens et la compréhension, censés être étrangers à l’enseignement qui s’appuie sur les syllabes. « Lire, c’est comprendre » est devenu la formule emblématique d’un courant de recherche qui trouve toujours de larges applications dans de nombreux manuels guidés par 1 la méthode mixte .
Aujourd’hui, il convient de le dire sans détour, l’état des performances des élèves en lecture et en écriture, nous oblige 1  Les façons de nommer les conduites d’apprentissage de la lecture varient. Je m’en tiens aux expressions « méthode mixte » et « méthode syllabique », appelées aussi « la mixte » et « la syllabique », qui renvoient aujourd’hui aux deux grandes approches méthodologiques sur lesquelles se concentrent les débats.
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à repenser les dispositifs pédagogiques sur lesquels s’appuient les apprentissages. Globalement, ces performances ont connu une baisse significative entre 1987 et 2007, plus prononcée pour les 2 élèves les plus faibles. Ainsi, en lecture deux fois plus d’élèves (21%) se situent en 2007 au niveau de compétence des 10% d’élèves les plus faibles de 1987. Au niveau de l’orthographe des mots et de la ponctuation, le nombre d’erreurs a augmenté en moyenne. Le pourcentage d’élèves qui faisaient plus de quinze erreurs à la même dictée, était de 26% en 1987, il est aujourd’hui de 46%. Or cette baisse de niveau n’a pas touché les enfants d’origine sociale favorisée : les inégalités sociales se sont donc creusées. « En effet, seulement 24% des enfants d’ouvriers et d’inactifs parviennent en sixième sans redoublement et en ayant atteint la médiane en français et en mathématiques aux évaluations nationales, alors que c’est le cas de 65% 3 d’enfants de cadres, d’enseignants et de chefs d’entreprise. » Les écarts de réussite entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers se creusent de près de 10% chaque année de l’école élémentaire.
Environ un tiers des élèves en fin d’école primaire sont capables d’exploiter un texte, d’en dégager le sens et de l’interpréter avec finesse, et 15% sont en difficulté voire en grande difficulté. Entre les deux, soit un peu plus de la moitié 2  Note d’information, 08.38 décembre,: lesLire, écrire, compter performances des élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle 1987-2007, Ministère de l’Education nationale, DEPP. 3  Jean-Paul Caille et Fabienne Rosenwald,Dossiers- Les inégalités de réussite à l’école élémentaire : construction et évolution, Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, DEPP, France, portrait social, édition 2006.
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4 des élèves ont des compétences mal assurées, donc fragiles. C’est cette fragilité qui explique pour une large part les orientations vers les filières professionnelles courtes ou technologiques. L’échec lourd des 150.000 jeunes qui sortent chaque année de l’école sans diplôme trouve son origine essentielle dans des difficultés de lecture majeures, tant,bien apprendre à lire conditionne en profondeur l’histoire scolaire de chacun.
Le dispositif de l’école unique a bien conduit à une démocratisation certaine de la fréquentation du second degré et de l’accès aux diplômes ; néanmoins, l’ampleur des inégalités scolaires n’a guère varié depuis un demi-siècle. La proportion des bacheliers dans une génération a considérablement augmenté, mais la forte inégalité des parcours scolaires, corrélée à l’origine sociale des élèves, ne se dément pas, elle s’aggrave plutôt. « En effet, un élève dont le père est enseignant a 14 fois plus de chances relatives d’obtenir le baccalauréat que celui dont le père est ouvrier non qualifié dans le panel 1995, contre seulement 9 fois dans 5 le panel 1989. » Et pourtant les familles ouvrières se sont largement ouvertes aux enjeux de la réussite et des diplômes : 15% d’entre elles souhaitaient un bac pour leurs enfants en 6 1962, en 2003 c’était le cas de 88%. Cette aspiration populaire à la franche réussite scolaire se trouve contrariée dès l’école primaire. Les chances de devenir bachelier sont très liées aux acquis à l’entrée en sixième. 4 Note Evaluation, 04. 10 octobre,La maîtrise du langage et de la langue française en fin d’école primaire, Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, DEPP. 5  Note d’information, 10.13 septembre,:Les bacheliers du panel 1995 évolution et analyse des parcours, Ministère de l’Education nationale, DEPP. Il s’agit des panels d’élèves entrés en sixième en 1995 et en 1989. 6  Pour une analyse fouillée de ces questions, on pourra se reporter à l’ouvrage de Tristan Poullaouec,Le diplôme, arme des faibles. Les familles ouvrières et l’école, La Dispute, Paris, 2010.
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