La théorie sémantique de  Abd al-Qahir al-Jurjani (m. 471/1078)
390 pages
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La théorie sémantique de 'Abd al-Qahir al-Jurjani (m. 471/1078) , livre ebook

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Description

Alors que les grammairiens et les critiques arabes n'ont fourni, jusqu'au XIe siècle, que certains éléments épars sur la production du sens, al-Jurjani, fondateur de la Rhétorique arabe, en élabore une théorie cohérente et complète. Dans deux ouvrages essentiels, il rompt avec la dichotomie fonds vs. forme, en les unissant dans un même concept, le ma'na. Il inaugure une approche cognitive de la production et de la réception des discours-idées, ce qui lui vaut une place importante dans l'histoire de la sémantique.

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Date de parution 01 juin 2014
Nombre de lectures 41
EAN13 9782336350004
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

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Extrait

de ‘Abd al-Qāhir al-Jurjānī
du sens, ‘Abd al-Qāhir al-Jurjānī (m. 1078) en élabore une théorie cohérente et complète. Dans ses deux ouvrages essentiels, (Dalā’il al-i‘jāz Asrāral-balāga), al-Jurjānī rompt avec la vieille dichotomie fond vs. forme, ma‘nā. Par ce terme technique, il désigne trois catégories sémantiques distinctes. D’abord, il renvoie aux notions potentielles que véhiculent les mots hors contexte, les catégories grammaticales abstraites et les thèmes universels. Ce concept désigne ensuite les procédés d’expression qui actualisent ces sens potentiels à travers le choix du vocabulaire, des constructions syntaxiques et des Igures de style. Ce concept recouvre enIn les sens reconstruits par le lecteur/auditeur qui perçoit, interprète et apprécie les énoncés. Correctement interprétés, ces derniers remplissent leur fonction communicative, artistique ou éthique.
al-Jurjānī parvient à inaugurer une approche cognitive de la production
importante dans l’histoire de la sémantique.
est Maître de conférences à l’université Lorraine et à Sciences-Po (Paris). Depuis de nombreuses années,il travaille sur les structures sémantiques de la langue arabe, classique et moderne. Après la réalisation d’un doctorat sur la théorie du sens chez al-Jurjānī (le fondateur de la Rhétorique arabe, mort en 1078), il réalise des recherches sur la sémantique lexicale, les procédés néologiques et dérivationnels de la terminologie juridique arabe.Il travaille également sur l’évolution des notions politiques et pénales pour mieux comprendre les rapports entre la pensée, la langue et les sociétés arabes.
Nejmeddine
Nejmeddine KHALFALLAH
La théorie sémantique de ‘Abd al-Qāhir al-Jurjānī(m. 1078)
DE ‘ABD AL-QĀHIR AL-JURJĀNĪ
LA THÉORIE DUMA‘NƖD’APRÈS ‘ABD AL-QƖHIR AL-ِURِƖNI (m. 471/1078)
Nejmeddine KHALFALLAH LA THÉORIE DUMA‘NƖD’APRÈS ‘ABD AL-QƖHIR AL-ِURِƖNI (m. 471/1078)
© L'HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-03049-4 EAN : 9782343030494
SYSTÈME DE TRANSCRIPTION Pour la transcription des mots arabes, nous avons adopté le système de transcription suivant :ء  bΏ tΕ tΙ ّΝ hح hΥ dΩ dΫ rέ zί sس šε sι dν tط zυ ع ƥغ  fف qق kϙ lل mϡ nن hϩ wو yي Les voyelles brèves : « a », « u », « i ». Les voyelles prolongées : «Ɨ», «ū», «ī».Les diphtongues : « aw » et « ay ». tā’ marbūta: «a» ou «at» (état construit) Article al- ou l- (même devant les lettres solaires)
INTRODUCTION
e e Lorsque l’on examine la tradition culturelle arabe au V /XI siècle, on est frappé par la place exceptionnelle qu’occupe le concept dema‘nādans les domaines philologique, critique, logique et exégétique. Ce concept orientait les méthodes des penseurs arabes classiques et structurait leurs avis aussi bien dans les commentaires de textes religieux et profanes, que dans les ouvrages à caractère théorique. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce concept fondamental n’a fait l’objet d’aucune réflexion exhaustive ou aboutie par les penseurs anciens à l’exception notable de ‘Abd al-QƗhir al-1 ِurّƗnī (m. 471/1078 ou 474/1082) qui théorise, de manière approfondie, 2 les questions relatives auma‘nā, alors que ses prédécesseurs et contemporains se sont contentés de mentions sporadiques et peu explicites.  Pour décrire les fondements linguistiques et logiques de la production et de la réception du discours,ِurّƗnīsa réflexion sur focalise les conditions d’émergence duma‘nā dans les textes et sur les procédés cognitifs et expressifs le dessinant. Cette réflexion révèle que lema‘nān’est aucunement une donnée unique et homogène, mais plutôt un phénomène logico-linguistique relevant de nombreuses disciplines qui se complètent, s’interpénètrent et parfois s’opposent. D’emblée, trois statuts distincts de ma‘nādégagent nettement. D’abord, se ِurّƗnī traite lema‘nā comme des notions potentiellesdérivant des sens premiers des mots hors contexte, des sens des catégories grammaticales, des intentions signifiantes avant
1 L’article défini (al-) des noms arabes est maintenu. Nous omettrons celui d’al-ِurّƗnī, désormaisِurّƗnī, car ce nom revient très couramment. Sur la vie et l’œuvre de ِurّƗnī, voir al-Asnawī,Tabaqāt al-šāfi‘iyya, II, p. 491-492 ; al-BƗharzī,Dumyat al-qasr, p. 188 ; Ibn al-AnbƗrī,Nuzhat al-alibbā, p. 434 ; al-Kutubī,Fawāt al-wafayāt, I, p. 297; HaّّīHalīfa,Kašf al-zunūn ‘an asāmƯ al-kutub wa-al-funūn,I,pp. 83, 212, 602, 759, II, p. 1179; Ibn al-‘ImƗd,Šadarāt al-dahab; al-Qift, III, p. 340 ī,Inbāh al-ruwāt, II, p. 188; al-Subkī,Tabaqāt al-šāfi‘iyya al-kubrā, III, p. 242; al-Suyūtī,Buƥyat al-wu‘āt, II, p. 106 ; TƗš KubrīZƗda,Miftāh al-sa‘āda, I, p. 218 ; al-YƗfi‘ī,Mir’āt al-ğinān, III, p. 103; Ibn TaƥrīBirdī,al-Nuğūm al-zāhira, V, p. 108; YƗqūt al-Hamawī,Iršād al-arƯb ilāma‘rifat al-adƯb,I, p. 217, V, p. 182, p. 249, p. 415, VI, p. 342 ;ِ. ZaydƗn,Tārihādāb al-luƥa al-‘arabiyya, III, p. 44 ;al-Ziriklī,al-A‘lām, IV, p. 48-49;C. Brockelmann,G. A. L,I, pp. 287, 341 ; sup. I, p. 503 ; K. Abu Deeb,art. « DjurdjƗnī», dansE.I.², sup. I, p. 277; le même,Poetic, p. 18-23. 2 Le sens du termema‘nādoit être explicité selon la discipline qui l’emploie. Dans la tradition culturelle arabe, K. Versteegh relève seize sens techniques pour ce terme, cf.The Emergence of Semantics,Ma‘np. 228. Il convient de souligner que les auteurs de l’article « Ɨ» dans l’Encyclopédie de l’Islamont définima‘nāselon trois perspectives distinctes : la grammaire, la philosophie et la poésie. Cela montre le caractère problématique de ce concept renvoyant à des notions qui relèvent de domaines du savoir extrêmement variés. Cf. C. H. M. Versteegh, O. N. H. Leaman et J. E. Bencheikh, art. «Ma‘nƗ» dansEI², V, p. 330-333. Conscient de la difficulté de restituer en français les acceptions techniques de ce concept, nous utiliserons le termema‘nādans sa forme originale.
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expression et des thèmes et motifs informes d’adab. Les entités qui constituent cette première catégorie n’existent qu’en puissance dans le système conventionnel d’une langue/culture donnée. Ensuite, lema‘nā est considéré comme desformes actualisées par les procédés expressifs, à savoir le choix du vocabulaire, les procédés syntaxiques, les artifices rhétoriques et les jonctions assurant la cohésion textuelle. Ce second statut relève plutôt du discours, c’est à dire de la réalisation individuelle de l’énoncé. Enfin, lema‘nāest présenté comme un messagereçu, se reconstruisant grâce à l’intervention interprétative du destinataire. Ce dernier volet est inhérent aux modalités subjectives de la réception. Cette conception tripartite diverge considérablement de celle proposée par les prédécesseurs et même les successeurs deِurّƗnī: ce qu’ils appelaient 1 lafz(forme) est aux yeux de l’auteur, non seulement une partie indissociable duma‘nā, mais aussi la structure qui lui confère à la fois son caractère logique et sa force expressive. En effet,ِurّƗnīle terme emploie ma‘nāpour désigner à la fois les sens lexicaux des mots séparés, l’effet formel des catégories grammaticales les reliant, les artifices de style (principalement la métaphore,isti‘āra,la comparaison,tašbƯhet l’analogie,tamtƯl) qui parent le discours, les catégories logiques rendant ce dernier sensé, la forme particulière (sūra) que la poésie et la prose dessinent dans un sens général, l’interprétation qui en ressort et enfin les principes théologiques assurant sa concordance avec les dogmes musulmans. Beaucoup moins fréquemment, ِurّƗnī utilise le termema‘nā pour désigner en outre les modalités de signifiance élaborées dans les fondements du droit musulman (usūl al-fiqh), les sens dévoilés selon les règles de l’exégèse (tafsƯr), et enfin ce que les 2 philosophes appelaient « déterminant causal intrinsèque» . Dans une moindre mesure,ِurّƗnīemploie d’autres vocables proches, renvoyant aux mêmes notions évoquées par le motma‘nā dont les plus représentatifs se rapportent à la langue, au discours et à la pensée. Parmi ces vocables, nous relevons en particulierdilāla,maqsad,ƥarad,mafhūm,tafsƯretmahsūl. Ici, il ne s’agit nullement d’une polysémie excessive ou d’une extension incontrôlée du conceptma‘nā, mais plutôt d’une terminologie précise qui désigne, à chaque fois, un aspect particulier des faits relatifs au sens.
1 Les critiques arabes estiment que lema‘nā apparaît grâce à la formulation artistique. Selon eux, cette dernière est non seulement séparable du fond, mais elle est aussi le domaine de l’excellence littéraire. Cf. al-ِƗhiz,HayawƗn,III, p. 130-132; le même,BayƗn,IV, p. 24; QudƗma,Naqd, pp. 4, 8, 10 ; Ibn Qutayba,Ši‘r, p. 13-15, 36; ‘Abd al-ِabbƗr,MuġnƯ, XVI, p. 197-199 ; Ibn SinƗn,Sirr,p. 53-54 ; Ibn Rašīq,‘Umda, I, pp. 16, 20, 80 ; A. Trabulsi, Critique,p. 165-170. 2 O. N. H. Leaman, art. «Ma‘nƗ», dansE. I.², V, p. 331, l. 17.
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Or, pour reconstruire méthodiquement ce vaste champ sémantique couvert 1 par le motma‘nā et ses équivalents, nous nous heurtons à des difficultés majeures. Selon les occurrences, ce terme s’applique en effet à vingt-cinq réalités, contrastant non seulement avec les acceptions des prédécesseurs de ِurّƗnī, mais aussi avec les siennes. D’ailleurs, nous pouvons expliciter cette catégorisation comme suit :
I – Lema‘nƗcomme notions potentielles
1.Sens lexical des mots séparés,maƥzā(Dalā’il, pp. 6, 71),asl al-ma‘nā, (Dalā’il, p. 101),nafs al-ma‘nā(Dalā’il,p. 71). 2.Valeur sémantique issue de la morphologie d’un mot selon qu’il soit un nom, un verbe ou une particule (Asrār,p. 51). 3.Sens issu des catégories grammaticales,ma‘ānƯal-nahw(Dalā’il, p. 83-84). 4.Modalités de discours (assertion, interrogation, exclamation, injonction…),ma‘ānƯal-kalām(Dalā’il, p. 55) 5.Le vouloir dire, avant l’expression,niyya(Dalā’il, p. 64),ƥarad (Dalā’il, p. 258). 6.L’acte même de penser, «al-kalām ma‘nāqā’im fƯal-nafs»,(Dalā’il,p. 49). 7.Sens général à l’état brut,dāt al-ma‘nā(Dalā’il, p. 71). 8.Thème fictif,ma‘nātahyƯlƯ,(Asrār,p. 264). 9.Thème rationnel,ma‘nā‘aqlƯ(Dalā’il, p. 15,Asrār,p. 264). 10.Genre poétique,ƥarad ši‘rƯ(Dalā’il, p. 24).
1 Equivoque, le termema‘nāest tellement riche qu’aucun mot, dans les langues européennes, ne peut rendre parfaitement toutes ses connotations précises. Pour le traduire en français, on dispose essentiellement des termes « sens » et « signification ». Or, ces deux termes ne recouvrent pas exactement tous les volets suggérés par le vocable arabe. Quant à la traduction allemande d’Asrār, établie par H. Ritter, elle révèle le caractère problématique de ce terme et la variété déroutante de ses acceptions. Selon le contexte, il le traduit par « Gedanke» (idée), pp. 10, 339, « Gedankemotiv » (idée-motif), p. 25, « Auszudrückend Gedanke » (idée à exprimer), p. 118, « Sinninhalt » (contenu), p. 284, « Sinnmotiv » (pensée), p. 285, « Eigenschaft » (caractéristique), p. 291. La traduction anglaise de certains passages de l’œuvre deِurّƗnī rendma‘nāK. Abu Deeb,« meaning »,  par Poetic; M., p. ix, l. 20 Larkin,Theology, p. 63. Dans les travaux en langue française, J. E. Bencheikh utilise, dans un même passage, sept « équivalents » gravitant autour du conceptma‘nāà: sens, message, « venir » du discours, registre, thème, motif et pensée,Poétique, p. 151, l. 27-31. Sur les acceptions du mot « sens », A. Martinet affirmant que ce terme désigne six sens différents : Sens1: la relation entre la chose et le nom ;Sens2 : la relation entre signifié et signifiant; Sens3: la situation dans laquelle le locuteur émet l’énoncé et le comportement-réponse que cet énoncé tire de l’auditeur ;Sens4: la forme du contenu;Sens5: relation de subordination entre sons et sens. On parle pour être compris ;Sens6« Le  : rapport social dont l’établissement est le but de l’acte de parole »,La linguistique, Guide alphabétique, p. 336-344, éd. Denoël, 1969.
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