Sidonie, ou Le Français sans peine
99 pages
Français

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Sidonie, ou Le Français sans peine , livre ebook

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Description

Ma chère Sidonie,Vous avez un petit dictionnaire ; voici une grammaire en douze lettres. A quoi vous serviront ces deux livres ?Votre dictionnaire est une liste de mots français, rangés suivant l’ordre de l’alphabet ; il vous enseigne la manière correcte de les écrire, c’est-à-dire l’orthographe (du grec orthos, droit, et graphè, écriture) ; il vous enseigne aussi ce qu’ils signifient, par les explications ou les exemples qui les accompagnent.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 14
EAN13 9782346027422
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Salomon Reinach
Sidonie, ou Le Français sans peine
À TOUTES LES SIDONIES
UNE JEUNE DAME PAR DROUAIS (MUSÉE DE CAËN)
AVANT-PROPOS
 
Aucune langue ne doit plus que la nôtre à cette école de raffinement mutuel qu’est la conversation. Non pas la conversation des rues, des camps ou des collèges, qui a exercé son action sur toutes les langues, mais celle des salons que fréquentent les deux sexes, berceaux de l’affabilité, de la gaîté contenue, des mœurs douces, où M lle de Scudéri voulait, dès le milieu du XVII e siècle, qu’un certain “ esprit de joie ” s’alliât à “ l’esprit de politesse. ” Il m’a semblé que je rendais encore hommage à l’aimable origine de la plus sociable des langues en l’enseignant, du mieux que j’ai pu, sur le ton des entretiens qui l’ont formée.
S.R.
LETTRE PREMIÈRE
Ma chère Sidonie,
Vous avez un petit dictionnaire ; voici une grammaire en douze lettres. A quoi vous serviront ces deux livres ?
Votre dictionnaire est une liste de mots français, rangés suivant l’ordre de l’alphabet ; il vous enseigne la manière correcte de les écrire, c’est-à-dire l’orthographe (du grec orthos, droit, et graphè, écriture) ; il vous enseigne aussi ce qu’ils signifient, par les explications ou les exemples qui les accompagnent.
Beaucoup de mots de notre langue changent d’aspect suivant le sens qu’on leur attribue dans une phrase ; le dictionnaire ne vous donne pas toutes ces formes différentes. Vous y trouverez, par exemple, le mot aimer, mais non pas j’aimerai, j’aurais aimé, j’étais aimé  ; vous y trouverez les mots cheval et œil, mais non pas les mots chevaux et yeux.
Ce que le dictionnaire ne vous dit pas, la grammaire vous l’enseigne. Elle vous apprend surtout — car elle vous apprend encore autre chose, comme vous le verrez — à donner aux mots variables la forme et la place qui leur conviennent pour exprimer clairement votre pensée.
Vous parlez déjà le français et vous le lisez ; c’est donc que vous avez appris, sans vous en douter et par l’usage, ce qu’il y a d’essentiel dans le dictionnaire et dans la grammaire. Si vous étiez une étrangère, ne parlant pas le français, je me garderais de vous enseigner d’abord la grammaire et de vous faire apprendre par cœur un dictionnaire ; je commencerais par vous mettre dans la tête cinq cents petites phrases. Il vaut toujours mieux exercer la mémoire sur des phrases que sur des mots isolés. Les langues vivantes, c’est-à-dire celles qu’on parle encore — à la différence du grec ou du latin, langues mortes qu’on ne parle plus — doivent s’enseigner d’abord par la conversation et par l’usage ; c’est ainsi que vous avez appris le français.
Mais il ne suffit pas de parler une langue et de comprendre ceux qui la parlent ; il faut la parler et l’écrire correctement. Pour cela, il est indispensable d’en savoir les règles, c’est-à-dire la grammaire, comme on apprend les principes d’un jeu pour le bien jouer.
Si la grammaire doit être apprise et sue, le dictionnaire doit seulement être consulté. Des 30,000 mots que contiennent nos petits dictionnaires, il n’y en a pas plus de 3,000 qui soient usuels ; les apprendre tous demanderait beaucoup d’efforts et ne servirait pas à grand’chose.

*
* *
Je vous ai dit qu’il faut recourir au dictionnaire pour connaître l’orthographe des mots et leur sens. Ceci comporte quelques explications.
L’orthographe des mots, longtemps incertaine, a été fixée par une société d’écrivains appelée l’Académie française, qu’un grand ministre de Louis XIII, le Cardinal de Richelieu, institua en 1635. L’Académie publie un dictionnaire qui fait autorité ; elle en a donné, depuis 1694, plusieurs éditions dont chacune se distingue de la précédente. Ce dictionnaire n’accueille que les mots en usage chez les bons auteurs et les gens bien élevés ; il en définit le sens et indique la manière correcte de les écrire. L’orthographe de l’édition de 1878 n’est pas la même que celle de l’édition de 1694 ; sous l’influence des grands écrivains du XVIII e siècle, de Voltaire surtout, l’Académie y a introduit des réformes et l’a rapprochée de la prononciation usuelle.
Malheureusement, dans cette bonne voie, elle n’a marché qu’à pas comptés et timides. L’orthographe que l’Académie nous impose fourmille de difficultés inutiles. Pourquoi écrire honneur avec deux n et honorer par un seul ? Pourquoi mettre deux t à carotte et un seul à compote  ? Pourquoi écrire affection, appétit, attention avec des lettres doubles, alors que, suivant l’Académie elle-même, les lettres doubles ff, pp, tt se prononcent toujours comme des lettres simples ? Pourquoi écrire manger, juger, et non manjer, jujer, puisque le g se prononce dur dans grand, glapir, galant ? Pourquoi écrire photographie alors qu’on prononce fotografie et que les Italiens, plus sages que nous, écrivent fotografia ?
Mais, dit-on, photographie vient de deux mots grecs (phôs, lumière, et graphè, écriture ou peinture) où il n’y a pas d’ f , lettre que les Grecs ignoraient, mais un signe qui manque à l’alphabet français (le φ ), que les Romains ont transcrit ph. Voilà une belle raison ! Nous écrivons le français, non le grec ou le latin. L’Académie adopte d’ailleurs l’orthographe fantôme (les Anglais, plus arriérés encore que nous, écrivent phantom), alors que le mot grec d’où ce mot dérive commence aussi par un φ (ph). Concluons donc, ma chère Sidonie, qu’il faudrait écrire fotografie, ortografe, téléfone  ; qu’il faudrait n’écrire les lettres doubles que là où on les prononce, comme dans immense, inné, assassin, jeunesse, mais non pas là où on ne les prononce pas, comme dans attraper, tonner (on écrit détoner), donner (on écrit donateur), etc. ; concluons tout cela, mais soumettons-nous, en attendant des jours meilleurs, à l’orthographe adoptée par l’Académie. Quand vous serez grande — intelligente comme vous l’êtes, instruite comme vous le serez — vous ferez de la propagande pour l’orthographe raisonnable, celle qui affranchira les enfants de la nécessité où ils sont d’apprendre l’orthographe déraisonnable de centaines de mots. L’Académie, cette vieille dame peu amie des nouveautés, finira par donner gain de cause aux réformistes ; jusque là, apprenons et pratiquons l’orthographe qu’elle prescrit, mais ne jugeons pas sévèrement, comme on a la mauvaise habitude de le faire, ceux qui s’en écartent.
Vous savez, en effet, ou vous saurez un jour, que les gens cultivés se fâchent ou se moquent quand ils trouvent des fautes d’orthographe dans une lettre. Cette rigueur est le plus souvent déplacée. Il faut distinguer entre les fautes contre la grammaire et les fautes contre le dictionnaire. Si j’écris : “Les services que je vous ai rendue,” alors qu’il faut rendus, c’est une grosse faute, ce qu’on appelle un solécisme, parce que c’est une faute contre une règle logique que je vous enseignerai ; mais si j’écris sculteur au lieu de sculpteur, ou gibelote au lieu de gibelotte (on écrit bien matelote avec un seul t ), ces barbarismes, qui offensent le Dictionnaire de l’Académie, n’ont aucune importance et la déconsidération qu’ils jettent sur moi est injuste. Réservons nos gronderies à ceux et à celles qui écrivent de longues phrases obscures et prétentieuses, qui donnent dans le jargon ou le charabia, qui emploient les mots à contre-sens, qui méconnaissent ce qu’on peut appeler le génie de la langue, fait de clarté et de probité ; mais ne jetons pas la pierre à ceux qui écrivent les mots comme ils les prononcent, à la condition toutefois qu’ils les prononcent bien.
J’ai parlé de mots employés à contre-sens : en voici un exemple. Vous entendrez dire : “Il m’a raconté son affaire compendieusement, sans me faire grâce d’un détail.” Or, compendieusement vient d’un mot latin qui signifie abrégé ; le mot français signifie brièvement, et non autre chose. Celui qui s’en sert dans le sens de longuement commet une faute ridicule. Le dictionnaire doit donc être consulté non seulement pour connaître l’orthograp

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