Le blues du prof de fac
241 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le blues du prof de fac , livre ebook

-

241 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Pour moi, le blues c'est de voir démanteler le service public d'enseignement supérieur, de le voir abandonner ses valeurs : égalité, laïcité, tolérance, progrès, amour du travail. Le blues du prof de fac, c'est le refus d'admettre l'insupportable contradiction entre le discours des élites et la réalité de son quotidien. L'université est-elle encore un lieu où l'on pense ou est-elle en train de devenir une entreprise de formation comme une autre ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 260
EAN13 9782296688919
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le blues du prof de fac
Questions Contemporaines
Collection dirigée par J.P. Chagnollaud,
B. Péquignot et D. Rolland


Derniers ouvrages parus

Arno MÜNSTER, Réflexions sur la crise : éco-socialisme ou barbarie ?, 2009.
Benoît VIROLE, Surdité et sciences humaines , 2009.
Xavier CAUQUIL, Phénoménologie politique de l’Europe , 2009.
Florence SAMSON, L’ombre de 1929 plane en cette année 2009, 2009.
Kamal BENKIRANE, Culture de la masculinité et décrochage scolaire des garçons au Québec , 2009.
Bernard BÉCLIN, Kathleen BOUILLIER, Jocelyne LOUME, Brigitte MANGIN, Hasnia MEDJDOUB, Gaëlle SALIOU (PF 93), Placement familial 93. Loin du prêt-à-porter, du surmesure , 2009.
Riccardo CAMPA, Langage et stratégie de communication , 2009.
France PARAMELLE, La lutte contre le crime à New York, 2009
Phillipe CADIOU, L’école, la culture, la démocratie , 2009.
Benoît BOUTEFEU, La forêt mise en scène. Jeux d’acteurs, attentes des publics et scénarios de gestion de la forêt , 2009.
Riccardo CAMPA, L’époque de l’information , 2009.
Jean-François BOUDY, Vivre de deux métiers. La pluriactivité , 2009.
Jean-Jacques TERRIN, Conception collaborative pour innover en architecture , 2009.
Guy ROUDIERE, L’illusionnisme, une réalité du discours politique , 2009.
Gilbert BÉRÉZIAT, Cambodge 1945 – 2005 : soixante années d’hypocrisie des grands , 2009.
Karl NESIC et Gilles DAUVÉ, Au-delà de la démocratie , 2009.
Antonio GRECO, France-Italie : quel avenir pour nos sociétés ? , 2009.
Claude Meyer


Le blues du prof de fac


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http ://www.librairieharmattan. com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10550-8
EAN : 9782296105508

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À Adan, Niels , Rose et Chloé mes petits-enfants.


Mille mercis à Lise-Laure
pour avoir réalisé ce joli dessin de couverture.


Mille mercis à Florence ,
pour sa relecture impitoyable.
Je reste persuadé que renseignement universitaire
n’a pas à s’inscrire dans une logique marchande.


Enseigner n’est pas vendre, c’est donner.
Introduction
J e suis prof de fac et j’ai le blues… le blues du prof de fac. Ce blues, c’est la tristesse de voir démanteler le service public d’enseignement supérieur, un service public qui a abandonné les valeurs qui étaient les siennes : égalité et équité, laïcité, tolérance, progrès, justice sociale et amour du travail… J’ai le blues parce que je vois que l’on ment assez souvent aux étudiants en leur faisant miroiter des formations de « haut niveau » qui conduisent fréquemment à des emplois subalternes parce que l’université n’a pas les moyens d’assurer de tels cursus. Le blues du prof de fac, c’est le refus d’admettre l’insupportable contradiction entre le discours des élites et la réalité de mon quotidien.

De mon point de vue, en Sciences de l’Homme et de la Société, ce n’est pas vrai que, grâce à la politique de contractualisation engagée par l’État à la fin des années 1980, l’université donne à des étudiants nombreux une formation de qualité. Ce n’est pas vrai que la professionnalisation fonctionne bien. Ce n’est pas vrai que, si la recherche n’est pas bien classée sur le plan international, c’est parce que les chercheurs français sont moins performants que leurs homologues britanniques, comme on le laisse entendre au plus haut niveau de l’État. Si nous sommes moins bons, c’est parce que, quand nous nous sommes acquittés de toutes les tâches auxquelles nous sommes astreints, il ne reste plus beaucoup de temps pour assurer une recherche de qualité. Celle-ci devient une activité de loisirs. Pas étonnant que, dans le classement mondial des universités établi par l’université Jia-Tong de Shanghai, ne figure qu’une seule université française parmi les cinquante premières.

Avoir le blues, c’est entrer en résonnance avec cette musique puissante et nostalgique jaillie des champs de coton du Tennessee. Elle exprime la tristesse, l’adversité, les coups durs, un état d’âme mélancolique et peut-être tout au fond, la recherche de la note bleue , l’espoir d’un monde meilleur. Mais, à mon grand regret, je ne suis pas un bon musicien. Alors je dis ma souffrance du bout des mots. J’ai aussi tenté de les manipuler, de les triturer pour jouer des métaphores et débusquer les paradoxes dans l’espoir de pointer du doigt certaines formes de barbarie parfois érigées en code d’honneur. Sans l’écriture, je me serais réfugié dans une solitude désemparée.

Pour certains, un professeur d’université est une sorte de mandarin, haut fonctionnaire nommé par le président de la République, qui donne sept ou huit heures de cours par semaine, parcourt le monde de congrès en colloques, amasse fortune et honneurs grâce à sa notoriété, aux conférences qu’il donne et aux droits d’auteur que lui procurent ses ouvrages. Quelques universitaires correspondent sans doute à cette image, mais pas moi, prof de base.

Pour d’autres, professeur d’université évoque Le Cercle des poètes disparus , le film de Peter Weir dans lequel Robin Williams incarne le rôle de John Keating, un enseignant de littérature singulier et un peu démagogue qui, à l’Académie de Welton, enseigne à ses étudiants ce qui ne figure dans aucun manuel : l’amour de la vie, la liberté de penser par soi-même, la passion pour la poésie… Ne déchire-t-il pas justement les pages d’un manuel qui proposait une méthode d’évaluation scientifique des poèmes ? Carpe diem, la fameuse devise d’Horace et les accents d’épicurisme qu’elle évoque dans sa traduction littérale n’ont pas leur place dans l’université d’aujourd’hui, une institution de masse sous influence de l’idéologie gestionnaire et du libéralisme, une institution dans laquelle le terme culture ne fait plus beaucoup sens.

Dans ce livre, je conjugue « l’imparfait du subjectif » pour reprendre l’expression de Jacqueline Rousseau-Dujardin. J’ai voulu relater mon expérience personnelle, concrète quotidienne parce que la plupart des ouvrages qui traitent de l’université sont souvent abstraits et que j’ai souhaité m’en démarquer. Je n’ai pas l’habitude d’un travail subjectif parce qu’en tant que chercheur, je m’astreins à la rigueur sans laquelle mes travaux perdraient bien vite leur légitimité. Comme tout enseignant-chercheur, les textes que je publie habituellement sont accompagnés de tout un appareillage d’explicitation : citation précise des sources, renvoi, références, un appareillage qui est ressenti comme pesant et fastidieux et rebute souvent le grand public. C’est pourquoi il n’existe pas ici. Pour les références livresques, le lecteur peut toujours se reporter à la bibliographie en fin d’ouvrage.

Est-ce à dire que l’intérêt de ce livre se limite au fond obscur de ma subjectivité ? Le « je » que j’emploie souvent n’est pas un « je » narcissique, mais plutôt un « je » qui observe l’entrelacs des réseaux de pouvoir avec la précision, voire l’obsession d’un entomologiste. C’est un « je » qui prend distance pour tenter de comprendre parce que le témoignage que je rapporte ici dépasse le cadre de mon Institut Universitaire de Technologie. J’ai observé des récurrences, des constantes, des ressemblances dans certaines universités. Elles me laissent à penser que, même si chaque université est le produit de son histoire, de son environnement politique et social, mon vécu est partagé par de nombreux collègues qui, souvent, refusent d’en parler. Ils vont retrouver, je pense, dans ces pages un peu de la vie qui est la leur.

Dans les chapitres un à quatre, je témoigne de mon quotidien dans l’institution. Cette première partie ne pouvait s’appeler que Mélancholia. Si tous les faits sont réels, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite parce que j’ai procédé à un casting de personnages conceptuels au sens de Deleuze. Je les ai constitués à partir de traits de caractères rencontrés de-ci, de-là. Nul ne peut donc se reconnaître. Comment des universitaires au demeurant pas sots ont-ils pu se laisser imposer la logique des bureaucrates et des gestionnaires au point d’en devenir les thuriféraires serviles ?

Voilà une question à laquelle j’éprouve bien des difficultés à répondre. Pourtant dans la seconde partie, j’ai essayé de comprendre comment nous en sommes arrivés là : c’est toute une histoire (les chapitres cinq 

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents