Ces élèves en difficulté scolaire qui se disent d abord curieux du maître
309 pages
Français

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Ces élèves en difficulté scolaire qui se disent d'abord curieux du maître , livre ebook

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Description

Dans le contexte d'une « Economie de la Connaissance » qui voudrait lutter contre l'échec scolaire, à l'heure où l'Europe investit dans le développement du e-learning et tend à réduire le nombre d'enseignants, cet ouvrage interroge le désir de savoir et le rapport à l'altérité des élèves du primaire qui se disent d'abord curieux du maître. Si l'enseignant est l'une des figures de l'Autre incarnant la différence et le mystère, son altérité est-elle enseignante ou est-elle un obstacle pour la pensée de l'élève ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 348
EAN13 9782296800144
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ces élèves en difficulté qui se disent d’abord curieux du maître
Muriel Briançon
Ces élèves en difficulté qui se disent d’abord curieux du maître
L’HARMATTAN
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54095-8
EAN : 9782296540958
A Nathan, mon insatiable petit curieux
A tous les Maîtres qui ont nourri mon désir de savoir d’élève
Remerciements
Mes premières pensées vont aux centaines d’enfants qui ont répondu à mes questions « bizarres » et à tous les enseignants et collègues qui m’ont chaleureusement accueillie dans leur classe.
Je remercie ensuite Monsieur Gandois, Inspecteur de l’Education Nationale de la Circonscription de Vitrolles-Rognac, dont le soutien bienveillant m’a donné accès à un magnifique terrain de recherche.
Je voudrais remercier aussi Mesdames Jeanne Mallet et Christiane Peyron-Bonjan qui m’ont dirigée, ainsi que Messieurs René Barbier et Jean-Bernard Paturet qui m’ont soutenue et encouragée.
Enfin, mes relecteurs attentifs, Messieurs Nicolas Go et Sylvio De Franceschi, ont également grandement contribué à cet ouvrage par leurs remarques et leurs corrections.
INTRODUCTION
Le désir de savoir se trouve au cœur de la condition humaine. Dans la tradition judéo-chrétienne, la Genèse relate la création du monde et la chute de l’Homme provoquée par son désir de savoir : en mangeant du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, celui-ci transgresse les règles divines pour accéder au savoir 1 . Ce désir qui joue avec l’interdit, la transgression et la mort a inspiré certaines parmi les plus grandes œuvres littéraires : Schéhérazade ne doit-elle pas la vie sauve à la curiosité qu’elle réussit à éveiller et à maintenir durant Mille et Une Nuits chez le roi de Perse Chãhriyãr ? Faust ne vend-il pas son âme au diable en échange du savoir ? Le désir de savoir a d’abord été marqué par le rejet. Serait-ce pour nous protéger des conséquences toujours terribles de ce désir que le dicton populaire surgit chaque fois que la tentation apparaît ? La curiosité reste « un vilain défaut ». Assimilée à la frivolité et à l’instabilité, la curiosité a longtemps provoqué la méfiance. Recouvrant un peu de légitimité au siècle des Lumières en devenant synonyme d’éveil et d’attention portée au monde, la curiosité n’est complètement réhabilitée que par les psychologues qui soulignent que son absence marque le signe d’une inhibition (Delamarre, 2002). Le désir de savoir se mue ensuite en qualité, notamment dans le champ de l’éducation. Il constitue maintenant une clé essentielle pour comprendre le rapport au savoir de l’élève. L’équipe du CREF 2 a ainsi souligné que le désir de savoir était l’un des concepts centraux dans la théorisation du rapport au savoir. En écartant certains concepts proches, Jacky Beillerot 3 a donné plus de poids et de légitimité au « désir de savoir » (Beillerot et al. , 1996).
Or le désir de savoir est une notion jeune, encore floue, qui suscite de multiples interprétations. Quelle est la signification du « désir » ? Le désir , mot polysémique difficile à cerner, renvoie à différentes notions : manque, besoin, pulsion, motivation, aspiration, volonté, espoir, recherche, etc… L’étymologie du mot renvoie à l’idée forte de regret, qui s’est ensuite effacée derrière une idée plus prospective. Historiquement en effet, le mot désirer est issu par réduction phonétique (1050) du latin desiderare , composé par de (à valeur privative) et sidus, -eris « astre » (Rey, 1998). Le verbe latin signifie ainsi littéralement « cesser de contempler » (l’étoile, l’astre), d’où moralement « constater l’absence de » avec une forte idée de regret. L’idée première de « regretter l’absence » s’est ensuite effacée derrière l’idée positive de « chercher à obtenir, souhaiter » déjà usuelle en latin et qui correspond au sémantisme astral (« demander la lune » par exemple). Cet indice est tout à fait intéressant et même surprenant. En effet, le désir de savoir signifierait au sens originel le regret passif et proche du fantasme face à ce qui n’est plus su, c’est-à-dire l’ignorance, l’inconnu, l’inintelligible, avec l’idée d’une perte et d’un passé. Le désir de savoir serait-il alors nostalgie d’une connaissance antérieure qui aurait mystérieusement disparu ? Pourtant, de regret, le mot a évolué vers un sens actif, proche d’une recherche, d’une visée, d’un vouloir, d’une aspiration. Désirer serait maintenant « tendre consciemment vers ce que l’on aimerait posséder » dans le futur, avec l’idée de conscience de soi et de possession. Le désir de savoir est-il donc fantasme nostalgique face à la disparition inexpliquée d’une connaissance autrefois entrevue ou bien conscience tournée vers la possession instrumentale d’un savoir dont on voudrait se saisir ? Ecartelé entre des évolutions étymologiques différentes, le désir de savoir semble également tiraillé entre des conceptions théoriques fort diverses voire contradictoires. Tandis que les recherches du CREF de l’Université Paris X, par exemple, revendiquent une approche psychanalytique du désir de savoir, les travaux de l’équipe ESCOL 4 de l’Université Paris VIII s’orientent vers une sociologie du sujet. De son côté, la didactique développée par l’UMR ADEF 5 de l’Université de Provence tient compte du désir de savoir de l’élève à travers le concept de « dévolution de problème ». Toutes les conceptions théoriques s’affrontent.
Convaincue que la compréhension du désir de savoir de l’élève est au cœur de toute réflexion sur l’éducation et de toute pratique enseignante, nous cherchons à mieux comprendre cette notion écartelée par tant de courants théoriques qui en revendiquent la définition. Réconcilier les différents points de vue pour redonner une unité à ce phénomène mystérieux qu’est le désir de savoir et qui concerne autant l’élève, que l’enseignant et le chercheur en sciences de l’éducation est-il possible ? Est-ce pertinent ? Notre désir de redonner un corps unifié à un phénomène qui apparaît comme désagrégé au niveau théorique passe-t-il par une approche multiréférentielle ? Notre questionnement s’inscrit dans le cadre de la pensée complexe. Bien que la complexité humaine ne puisse être modélisée, nous donnons à voir ici et là les schémas qui ont servi à faire avancer notre raisonnement. Le lecteur ne s’y laissera pas enfermer et pourra suivre avec plus d’acuité les étapes de notre recherche.
De paradoxe en paradoxe, notre questionnement sur le désir de savoir à l’école interrogera les postulats du système éducatif, les exigences des enseignants et le dire des élèves. Il mettra en évidence le caractère problématique et mystérieux d’un phénomène dont la compréhension est essentielle pour les praticiens de l’éducation. Nos recherches exploratoires, méthodologiquement variées, affinent, précisent, construisent et problématisent progressivement l’objet de recherche. En effet, qu’est-ce que le désir de savoir ? En recueillant sur le terrain, le ressenti exprimé par quelques élèves, nous tenterons une première revue de littérature pluridisciplinaire de cette notion, qui va apparaître écartelée entre des théorisations contradictoires. Adoptant alors une approche multiréférentielle et une méthodologie plurielle, toutes deux rendues nécessaires par le regard complexe que nous portons sur l’objet de recherche, nous tenterons de modéliser ce dernier au niveau théorique avant de revenir au terrain et de tester ce nouvel outil de compréhension.
Nos résultats exploratoires, issus d’entretiens cliniques, d’une enquête par questionnaire et de débats collectifs, montreront leurs limites mais relanceront aussi, chaque fois, notre questionnement. En détruisant au passage quelques idées reçues, ces résultats empiriques se révèleront utiles pour cerner l’objet de recherche autour d’un lien potentiel existant entre le niveau scolaire des élèves et leur curiosité pour l’enseignant : les élèves en difficulté scolaire pourraient bien être plus curieux du maître que du savoir… Le travail de problématisation passera ensuite par une lecture critique des recherches récentes sur la relation Maître-Elève et la place de l’affectivité dans la relation pédagogique. Si ces travaux soulignent la pertinence de cette question et nous fournissent un matérie

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