La Relation éducative au siècle des Lumières
256 pages
Français

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La Relation éducative au siècle des Lumières , livre ebook

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Description

Le siècle des Lumières fait renaître un profond intérêt pour l'éducation. Les lettrés d'alors relisent Plutarque et Quintilien où ils puisent des principes éducatifs inédits. Si Rollin questionne la bonne organisation de l'enseignement secondaire, Rousseau éduque l'Homme et construit son identité sociale, tandis que Condillac élabore une archéologie des savoirs afin de métamorphoser Ferdinand de Parme en prince éclairé et que Mme de Genlis prône les pleins pouvoirs de son éducation familiale. Ces quêtes convergent unanimement vers l'idée implicite que seule une relation éducative de qualité garantit la réussite de toute éducation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2015
Nombre de lectures 20
EAN13 9782336385525
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Éducation et philosophie
Collection dirigée par Bernard Jolibert et Jean Lombard

Education et philosophie accueille les études et les textes philosophiques qui traitent des problèmes généraux de la formation des hommes et qui visent à élucider les conditions et les démarches de l’action éducative.

Déjà parus

Jean LOMBARD Bergson, création et éducation, 1997.
Bernard JOLIBERT L’éducation d’une émotion. Trac, timidité , intimida-tion dans la littérature , 1997.
ROLLIN Discours préliminaire du Traité des études , 1998.
Claude FLEURY Traité du choix et de la méthode des études , 1998.
Jean LOMBARD (études présentées par) Philosophie de l’éducation, questions d’aujourd’hui : l’Ecole et la cité, 1999.
Bruno BARTHELMÉ Une philosophie de l’éducation pour l’école d’aujourd’hui, 1999.
Gérard GUILLOT Quelles valeurs pour l’école du XXI ème siècle ? , 2000.
Jean LOMBARD (études présentées par), L’Ecole et les savoirs , 2001.
Bernard VANDEWALLE Kant, éducation et critique , 2001.
Yves LORVELLEC, Éducation et culture , 2002.
Jean LOMBARD (études présentées par) L’école et l’autorité, 2003.
Jean LOMBARD Hannah Arendt, éducation et modernité , 2003.
Bernard JOLIBERT Auguste Comte, l’éducation positive , 2004.
Jean LOMBARD L’école et les sciences , 2005.
Sylvain MARÉCHAL Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes, 2007.
Jean LOMBARD (études présentées par) L’école et la philosophie, 2007.
Anne-Marie DROUIN-HANS Relativisme et éducation , 2008.
Bernard JOLIBERT Montaigne, l’éducation humaniste, 2009.
Jean-Louis VIVÈS L’éducation de la femme chrétienne , 2010.
Jean-Louis VIVÈS Les devoirs du mari , 2011.
Michel SOËTARD Méthode et philosophie, 2012.
Bernard JOLIBERT De l’usage des mots en - isme en philosophie, 2014.
Jean LOMBARD La démarche et le territoire de la philosophie. Six parcours exotériques , 2014.
Titre
Josiane GUITARD-MOREL






La Relation éducative
au siècle des Lumières
Copyright

© L’Harmattan, 2015
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris

www.harmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-73563-4
Une mosaïque de pratiques éducatives
Au XVIII e siècle, en France comme dans la plupart des pays européens, une grande partie de la population échappe, on le sait, à l’institution scolaire même si le pourcentage des analphabètes tend lentement à diminuer au cours de cette période : « 79% de non-signants en 1686-90, 63% en 1786-90» 1 . Dans cette civilisation qui accorde une primauté à l’oral, à la gestuelle et peut-être à l’ouïe et au toucher, les échanges sociaux et loisirs collectifs s’effectuent dans un contexte où s’inscrivent également les jeux et la danse. « Le poids de l’analphabétisme est donc un fait majeur qui assigne leur originalité aux formes de pédagogie et de sociabilité d’un monde que bouleversera la pratique quasi universelle de la lecture ». Dans cette société peu alphabétisée, l’école primaire et plus encore le collège ne concernent qu’une élite exigüe. L’éducation apparaît alors fréquemment reléguée à l’espace familial ou à un système ‘mixte’ dans lequel famille et collège se partagent l’instruction des jeunes générations, comme en témoigne l’exemple de Jean Grosley :

Né le 18 novembre 1718[…] élevé sous les yeux de mon aïeule, j’eus pour instituteur, gouverneur et précepteur, une vieille servante. […] Quoiqu’elle ne sût point lire, c’est elle qui me l’a appris […]. J’étais obligé de recommencer chaque phrase tant qu’elle ne l’entendait point de manière à en saisir le sens, qu’elle m’amenait par là à sentir moi-même. […] J’allais prendre les principes du latin chez un vieux maître d’école […]. […] Par ses soins […], j’entrai au collège en cinquième, à l’âge de sept ans. […] Entrant au collège à l’âge que j’ai dit […], il m’échut pour régent un Père Montisson, qui me conduisit jusqu’à la rhétorique, que je fis sous un petit Breton […] [qui] expliquait Tite-Live d’après l’unique traduction française qu’on eût alors de cet historien […] ; et toute explication qui ne s’y trouvait pas conforme était impitoyablement rejetée. Nous jugeâmes à notre régent, sur cet attachement servile 2 .
Dans ce cursus éducatif, il n’y a pas de maître véritable mais la participation conjointe d’une domestique, d’une grand-mère et d’un instituteur qui, chacun à sa manière, veillent à la mise en place des premiers rudiments de savoirs. Se dessine ainsi un enchevêtrement complexe de rapports familiaux, de hasards, de stratégies et d’arts de faire dans lequel l’enfant apprend à lire avec la servante analphabète pour être ensuite scolarisé dans un établissement secondaire avec des régents plus ou moins limités dispensant une instruction collective. Les pratiques éducatives du XVIII e siècle forment donc un ensemble composite d’habitudes et de procédés directement liés à la condition sociale, au corps de métier et, pour l’essentiel, à la famille. Elles consignent la relation éducative dans le cadre quotidien d’une tension entre les parents, les enseignants et la société. Le Cardinal de Bernis (1715-1794) est à cet égard éclairant :

Ma mère me donna les premières instructions du christianisme et […] de lecture et d’écriture. Bientôt après on mit auprès de mon frère et de moi un précepteur, honnête homme et instruit. J’appris de lui les principes de la langue latine, et je lui dois le goût que j’ai conservé pour la lecture des bons livres. Dès que je sus lire et prononcer, la cadence et l’harmonie des vers frappèrent mon oreille […] on s’en aperçut et l’on m’ôta soigneusement les livres de poésie […] [sauf] un vieux Ronsard, que j’avais caché sous mon lit […]. Il fut donc mon premier maître en poésie. 3

Si Bernis acquiert d’abord des connaissances élémentaires et fondamentales (religion, lecture et écriture) d’une mère instruite, il a ensuite accès à l’éducation d’un précepteur, honnête homme qui, fidèle aux idéaux humanistes, enseigne le latin et les écrivains anciens, ces auteurs de bons livres. Les pratiques éducatives privées appliquées dans cette famille proviennent de deux figures complémentaires, l’une maternelle, l’autre d’origine préceptorale , plus professionnelle si l’on peut dire. À ce mélange s’adjoint une troisième forme instructive relevant de l’autodidaxie car le jeune garçon s’instruit secrètement des écrits de Ronsard. Mais, éloignée du parcours tracé par les parents, cette autoformation tourne court et malgré ses aptitudes poétiques, l’élève se détourne du genre et abandonne cette voie déconsidérée par sa famille. Le garçonnet est alors confié à un maître ‘séminariste’ :

Ce bon personnage me faisait jeûner […] la veille des grandes fêtes, m’ordonnait de laisser la moitié de mon dîner pour mon bon ange, me faisait faire l’oraison quatre fois par jour à genoux sur des pointes de fer, m’ordonnait de porter des bracelets […] également pointus, me donnait la discipline, […] pour me nourrir […] de pénitence. Ç’aurait été un grand crime de se plaindre, et […] puni très sévèrement.

La narration témoigne à la fois d’une norme éducative avec la règle du châtiment corporel et d’un regard très critique sur une pédagogie réduite à un zèle religieux extrême et des atteintes au corps de l’élève. Dans la réminiscence de ce passé éducatif marqué de rudesses transparaît la volonté d’en découdre avec des procédés violents et haineux :

J’avertis ici les pères et les mères qu’ils devraient défendre aux précepteurs de leurs enfants de les corriger par le fouet, la discipline. Sans être plus espiègle qu’un autre, j’ai passé trois ans sous les verges 4 .

Lançant un appel aux parents afin que cessent les supplices physiques, le Cardinal condamne les châtiments corporels et les auteurs de ces pratiques inhumaines et cruelles pour en appeler à une autorité parentale plus attentive aux maîtres engagés. Tandis que le mémorialiste narre ses souffrances endurées sous la férule, Rousseau brosse un tout autre tableau de ses premières années de formation :

J’étais né presque mourant. […] Une sœur de mon père, fille aimable et sage, prit si grand soin de moi qu’ell

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