Une leçon d'amour dans l'élégie 6 (fiche - Terminale L - Terminale S - Terminale ES)
Pour nombre de poètes de la génération des élégiaqu es,l'amour est un libertinage galant. C'est un art dont il faut apprendre les règles et les techniques. Ovide n'a-t-il pas rédigé un ouvrage pratique,l'Art d'aimer, dans lequel il donne toutes sortes de conseils aux femmes pour se faire aimer ? Si Tibulle donne ici une leçon d'amour dans la trad ition élégiaque, comme l'attestent les trois verbes «docui» (v. 10), «didicit» (v. 11) et «doce» (v. 67), et s'il se pose à son tour en «magister amoris »ar, il se distingue cependant de ses contemporains. C l'amour qu'il enseigne au mari de Délie (v. 15-42), puis à Délie elle-même (v. 57-86) est d'un tout autre ordre. 1. Les recommandations du poète La situation d'énonciation particulière de l'élégie 6 où l'amant s'adresse à l'époux de Délie à partir du v. 15 estune mise en scène littérairequi exprime l'amertume de Tibulle, éprouvant avec le mari trompé une solidari té masculine aussi soudaine qu'inattendue, comme l'atteste l'expression «me quoque servato» (v. 16) : que Délie soit à présent fidèle sert désormais les intérêts d u mari trompé comme de l'amant délaissé.
Une partie importante du discours du poète s'appare nte àune véritable confession, au parfait et à l'imparfait de l'indicatif, dont l'objectif semble double : d'une part, enseigner au mari cet art de tromper qui l'a si sou vent abusé par le passé, pour ne plus en être victime à l'avenir, et, d'autre part, obten ir son pardon («ignosce fatenti», v. 29). Le poète cherche d'ailleurs à se disculper en invoq uant la volonté divine dans une question rhétorique : «jussit Amor : contra quis ferat arma deos ?» (v. 30), ce qui explique cette défense paradoxale : «non ego te laesi prudens» (v. 29).
En gage de bonne foi, Tibulle n'hésite pas à prodig uer ses conseils au mari de Délie. Ses recommandations sont adressées au subjonctif et à l'impératif. L'impératif parfait (en -to), utilisé habituellement dans les formules juridiq ues, en parodie ici la solennité, renforcée encore par la répétition anaphorique des négations :