Façon Aphrodite
63 pages
Français

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Description

Destins de femmes du monde et du cœur.

Cinq femmes aux destins complexes qui s’affrontent à la vie en partant toutes d’un même point, l’Amour. C’est l’Amour sous toutes ses formes, passion, calculs, arrangement, règlement de compte, des pièges qui se referment… Il n’est pas très loin de la folie et de la mort. Un paradis perdu sur fond de rêves brisés pour ces femmes fortes qui forgent une nouvelle humanité en cassant les frontières pour braver l’inconnu.
Des histoires parallèles, Tatiana la Roumaine au Congo, Yolande la Rwandaise du Nivernais, Magina l’Internationale séductrice et Khadi, des mariages mixtes, des vies dramatiques parfois, mais combien fondatrices d’un monde multiculturel.

Virginie Mouanda Kibinde signe cinq nouvelles touchantes et surprenantes où domine l'Amour par-delà les frontières.

EXTRAIT

C’était une silhouette filiforme que je remarquai plusieurs fois le long de la voie de chemin de fer, sur la ligne Paris-Nevers. Elle s’enfonçait dans les ronces, les rosiers et les fougères sauvages le temps que passe le train.
À chaque fois, elle m’arrachait un frisson et ce cri du cœur : « Mais elle est folle ? » Puis mon tressaille ment s’estom pait progressivement pour faire place, tout le reste du trajet, à un questionnement toujours plus obsédant…
« Que fait cette femme au milieu des voies ? »
J’embarquais à Cosne-sur-Loire, et le train la dépassait sur le tronçon entre Nogent et Montargis.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Romancière et conteuse, Virginie Mouanda est originaire du Congo et du Cabinda. Après avoir écrit sur le Cabinda pour témoigner de la tragédie de son peuple, elle nous raconte ici les destins de cinq femmes, en dévoilant une part d’elle-même. Des nouvelles qui nous embarquent dans la rencontre et le brassage des cultures, un monde métissé...

Informations

Publié par
Date de parution 03 août 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9791094575079
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0032€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Grand merci à mon ami, mon frère de cœur, Rivain M’Foutou, qui est mon premier lecteur et mon critique, pour ses corrections et sa réflexion philosophique .
À toutes les femmes qui ont dû quitter leur pays, leur famille pour suivre un homme, toutes ces pièces rapportées qui souvent se sentent étrangères ou sont considérées comme telles… à toutes ces femmes qui me ressemblent !
À Ma Kikumbi, ma deuxième maman, qui un jour nous dit ceci :
« Kune mu kuènde mu kukotangue, ma mumona ko matubulu mpi ! » (Là où vous allez, ce que vous y trouverez vous ôtera les mots de la bouche !)
V. M. K.
La folle du Nivernais
C’ÉTAIT une silhouette filiforme que je remarquai plusieurs fois le long de la voie de chemin de fer, sur la ligne Paris-Nevers. Elle s’enfonçait dans les ronces, les rosiers et les fougères sauvages le temps que passe le train.
À chaque fois, elle m’arrachait un frisson et ce cri du cœur : « Mais elle est folle ? » Puis mon tressaillement s’estompait progressivement pour faire place, tout le reste du trajet, à un questionnement toujours plus obsédant…
« Que fait cette femme au milieu des voies ? »
J’embarquais à Cosne-sur-Loire, et le train la dépassait sur le tronçon entre Nogent et Montargis.
Où allait-elle ainsi, au crépuscule ? « Qu’est-ce qu’elle peut bien faire sur la voie ferrée ? Ma parole, elle est folle, totalement folle ! », me répétais-je sans cesse jusqu’à parler toute seule à haute voix, sans ébranler pour autant l’indifférence du passager en face de moi.
Je tentais d’attirer son attention en lui adressant un petit sourire… une fois, deux fois. Sans réaction de sa part, je continuais à soliloquer. J’avais presque honte de solliciter ainsi une personne qui n’avait aucune envie d’engager la conversation. Je retournais mon regard contre la vitre comme pour me consoler de son indifférence. Je ne cessais de m’interroger…
« Pourquoi court-elle parmi les ronces au lieu de monter en gare comme tout le monde ? »
Grande, mince, voire maigre, sa silhouette longiligne était bien celle d’une femme, malgré ses cheveux courts. Elle portait une jupe et une veste noires.
« Qu’est-ce qu’une femme noire fait là en pleine campagne, perdue toute seule au milieu de nulle part ? »
Je l’avais revue une deuxième, puis une troisième fois. Loin de m’habituer à cette silhouette fugitive, je me promettais d’en apprendre davantage sur cette femme. Que faisait-elle sur la voie de chemin de fer ? À chaque fois, je signalais sa présence en arrivant à Bercy, et aussi en rentrant à Cosne-sur-Loire.
Je la croisai un jour dans cette dernière gare. Je m’approchai d’elle pour lui adresser de fraternelles salutations entre « sœurs africaines »…
Mon œil ! Elle s’était aussitôt levée, sans faire cas de ma présence. Après m’avoir dévisagée, elle m’avait tourné le dos et avait allongé le pas tel un soldat à la parade.
Grande, un peu voûtée, les épaules affaissées, elle avait l’allure d’une personne fatiguée et semblait porter sur son dos un fardeau invisible.
À Cosne, j’allai voir des amis à qui je racontai cette histoire. Mon récit ne surprit personne. Tous semblaient connaître Yolande, la femme rwandaise.
Avant d’errer sur les voies, elle avait même vécu plusieurs mois chez Lise. Celle-ci eut bien du mal à s’en séparer. Lise avait beau être d’une grande générosité, la tâche la dépassait.
« Je ne pouvais pas l’aider plus, c’était au-dessus de mes forces ! », avoua-t-elle sur un ton à la fois plaintif et révolté.
Lise, une jeune Française très sympathique, le cœur sur la main, avait hébergé Yolande plusieurs mois lorsque celle-ci avait quitté son ménage sans savoir où aller. Lise ignorait que Yolande était folle. Hormis qu’elle buvait et parlait toute la nuit, rien ne la frappa. Elle-même ne dédaignait pas les soirées arrosées, allant jusqu’à s’en vanter.
« Le matin je ramassais les cadavres de bouteilles dans le jardin ! Elle les jetait sans vergogne par la fenêtre au fur et à mesure qu’elle les descendait. »
« Elle est comme ça, elle ne va pas bien cette femme, on sait pas quoi faire pour elle ! », confirma Marie, sa voisine africaine.
Mon enquête ne dépassa pas le seuil de chez Lise. Dans ces lieux perdus, les gens ne se livrent pas facilement.
La suite, c’est Sandrine, ma voisine à Cosne, qui me l’apprit un jour, m’affirmant l’avoir connue à l’époque où toutes deux vivaient dans le même village. Dans sa jeunesse, Sandrine avait fréquenté la fille du boulanger, le mari de la femme rwandaise.
« J’étais amie avec la fille du gars, tu vois ?… C’était même ma meilleure copine ! » Puis, après un silence, elle poursuivit : « Sa mère s’était suicidée dans leur maison même ! », sans que son visage ne trahisse la moindre émotion.
« Quel rapport ? », me dis-je.
J’eus beau la fixer, l’interroger du regard, plus rien ne sortit de sa bouche. Sandrine n’était guère loquace.
Tout ce que je parvins à tirer d’elle, ce fut un fou rire inextinguible. Entre deux hoquets, elle tentait de me décrire une scène où le boulanger faisait preuve de cruauté à l’encontre de la « Noire ». Elle avait ri un long moment puis avait conclu, sans éclairer ma lanterne : « Non, laisse tomber… C’était une brute, il était vraiment bête et méchant… ! » J’espérais qu’elle me fasse le récit de la vie de Yolande, ou du moins qu’elle repaisse ma curiosité de quelque anecdote.
« C’est tout ? fis-je, contrariée.
– Non, aussi… attends… plusieurs fois il avait ramené de la viande de chasse, du cerf ou… tu vois ? Ben… le gars… il allait la cacher dans le congélateur du voisin, pour pas qu’elle en mange… la Noire… ça, je te le dis, ça, je l’ai vu faire ! »
« Pouvait-elle seulement encore manger de la viande, de quelque origine que ce soit… ! », me dis-je à part moi.
Je fixais ma voisine, mon attitude me confondait, partagée que j’étais entre son fou rire et mon indignation… Je restais coite. Je la regardais… Comme j’aurais voulu en savoir plus ! Un sourire au coin des lèvres, je l’assistais tandis qu’elle se mouchait, puis éclatait de rire à nouveau… Je lui tendais un mouchoir, comme pour l’encourager dans son délire.
Ses souvenirs hilarants semblaient l’empêcher d’accéder à ma requête. À peine me regardait-elle qu’elle se mettait à pouffer. « Pardon, c’est pas toi, finit-elle par dire, désolée ! »
Elle continuait à s’exclamer et à replonger inéluctablement dans son fou rire. Je la soulageai en quittant son appartement sans demander la route.
« Ressemblerais-je à Yolande la Rwandaise ? Quand même, elle est bien grande à côté de moi ! », me demandais-je perplexe en chemin.
Le lendemain, je tombai sur ma voisine au pied de son bâtiment. Elle paraissait avoir tout oublié de notre semblant de conversation de la veille. Comme à son habitude, elle s’en allait nourrir les chats errants du centre-ville. Je tentai à nouveau de l’aiguiller sur la femme du boulanger. Elle me fixa dans les yeux avec un air de reproche. Sans doute pensait-elle en avoir trop dit.
Elle changea d’attitude, détournant son regard tout en se penchant sur la litière d’un chat. Elle marmonna quelque chose comme : « De quoi je me mêle ? »
Elle ne lâcha pas un mot sur la Rwandaise. Je n’insistai pas. Je ne voulais pas compromettre notre amitié. C’est avec elle que je parcourais à vélo les berges de la Loire. C’est elle qui m’avait fait découvrir le canal de la Loire, avec ses écluses. Elle se montrait très gentille avec moi. Elle me disait que j’étais sa grande copine, protestant sans cesse de son amitié.
Elle préférait me parler de ses chats, souvent des chats errants, abandonnés soit à la mort de leur maître, soit à la suite d’un déménagement, qu’elle avait recueillis.
C’était une vraie passionnée. Elle me racontait tout sur la vie de ces animaux qu’elle avait fini par adopter. Chacun répondait à son petit nom. Comment lui dire que les chats ne constituaient pas ma première préoccupation, quand bien même j’aimais les animaux…
Cette fois, c’était moi qui me détournais de ma voisi

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