Mémoire d une colline
81 pages
Français

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Mémoire d'une colline , livre ebook

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Description

Témoignage de l'histoire sociale africaine

Mémoire d’une colline est une fenêtre ouverte sur la savane africaine d’où l’on observe les migrations des populations à l’intérieur de l’Afrique…
C’est aussi le monologue d’une vieille dame solitaire qui déambule au milieu de la savane. Elle raconte son histoire, le parcours des réfugiés, l’imposture de la guerre au Cabinda, une guerre sans issue dans laquelle s’est enfermé son fils, guérilléro du FLEC.

Virginie Mouanda Kibinde dépeint un tableau saisissant des conséquences de la guerre méconnue de sa région d'origine, le Cabinda. Un ouvrage saisissant !

EXTRAIT

Dans ma case, j’ai reçu un grand nombre de personnes fuyant la guerre, en route pour l’exil, en route pour nulle part.
Au début, ils arrivaient par petits groupes. Plus tard, ils sont venus par vagues de dizaines voire de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. Où vont-ils, et d’où partent-ils ?
Des créatures frêles et fugitives. Anonymes et affamées. Je leur ouvre la porte de ma case, elles mangent, se désaltèrent, puis poursuivent leur route. D’autres s’arrêtent pour se reconstruire une vie.

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

[Virginie Mouanda] se révèle une fois de plus dans un témoignage intime raconté parfois avec humour sur une réalité tragique. On y découvre l’empreinte de la conteuse. Un récit bouleversant… - François Durpaire, historien

À PROPOS DE L’AUTEUR

Romancière et conteuse, Virginie Mouanda est originaire du Congo et du Cabinda. De sa terre natale, elle a gardé l’art de la narration, que ce soit oralement ou par écrit. Son dernier ouvrage, Façon Aphrodite, un recueil de nouvelles, est paru en 2016 chez le même éditeur.

Informations

Publié par
Date de parution 03 août 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9791094575093
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0035€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À ma tante Lita HZussi ,
à toutes les femmes veuves ou épouses
de guérilleros du FLEC ,
à toutes les femmes réfugiées ou exilées de guerre ,
à toutes les femmes qui souffrent…
Note liminaire
Situé entre le Congo-Brazzaville et la République démocratique du Congo en Afrique centrale, le territoire de Cabinda (ancien protectorat portugais) a été annexé militairement par l’Angola en 1975. Depuis, le FLEC (le Front de libération de l’enclave du Cabinda) mène une lutte armée contre l’occupation militaire de l’Angola. C’est l’une des plus anciennes guerres de libération du continent africain. Pendant plus de trente ans, ce conflit a continuellement poussé les populations à l’exil, leur faisant connaître l’errance à travers la forêt, les camps de réfugiés, les villages relais, etc.
Le Cabinda est le deuxième producteur de pétrole en Afrique après le Nigeria.
Principales forces en présence au Cabinda
FAA (Forces armées angolaises)
FAPLA (Forces armées populaires de libération de l’Angola)
FLEC (Front de libération de l’enclave du Cabinda)
FNLA (Front national de libération de l’Angola)
MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola)
PIDE (Police internationale de défense de l’État)
UNITA (Union pour l’indépendance totale de l’Angola)
La légende dit ceci
Au commencement, il y avait la terre, la mer et les hommes. Au commencement il n’y avait pas Cabinda .
Il existait trois royaumes à côté du « Grand Kongo ». Ngoyo, Kakongo et Loango. Ils s’étendaient de l’océan Atlantique jusqu’à la forêt du Mayombe et bien au-delà des collines. Ces royaumes avaient été créés par des héritiers du trône du grand royaume Kongo .
Les tribus qui peuplaient ces petits royaumes étaient des Ba Loango. Ils parlaient la même langue ki fioti, avec différentes variantes en vili, lindji, woyo, yombé, lumbu, punu, kakongo, kotché, etc.
Dans les villages et principautés de ces terres, les populations travaillaient le fer, tissaient le raphia, fabriquaient l’huile de palme, le savon et bien d’autres choses .
Ils pratiquaient la chasse, la pêche, la cueillette et aussi, ils travaillaient la terre .
Un jour dans la plaine côtière, alors qu’une paysanne cultivait son champ en compagnie de sa petite fille, elle vit sortir de la mer un homme blanc. Cette soudaine apparition provoqua chez la femme une panique et une frayeur terribles. Jamais de son existence elle n’avait vu un tel phénomène… une forme humaine d’une blancheur hallucinante .
La femme prit la fuite en criant : « Hbinde… hbindé… hbindé è è bènuè hbinde… » Ce qui signifiait : « Malédiction… malédiction… malédiction… »
Elle saisit sa fille par le bras et partit en abandonnant tout. Elle cria aussi fort qu’elle put pour alerter les paysans des plantations voisines. L’homme blanc était un navigateur portugais. Il venait d’amarrer son voilier et voulut s’adresser à la femme mais celle-ci, affolée, courut droit devant elle en hurlant à la malédiction .
Le Portugais fit débarquer son équipage de conquistadores. Ils pénétrèrent non sans mal dans la plaine côtière, puis traversèrent la savane et les collines. Les tribus de ces terres savaient défendre leurs royaumes ; malheureusement, les Portugais avaient apporté de la poudre à canon et des armes à feu. Ils conquirent ces territoires et y plantèrent le drapeau du Portugal .
Sur ses cartes et sur ses cahiers, le navigateur portugais consigna le mot tel qu’il avait cru l’entendre : Cabinda .
Il rapporta ainsi la nouvelle conquête à la couronne portugaise qui, après des siècles d’esclavage et de traite négrière, consentit à faire du Cabinda un protectorat portugais .
La suite, c’est l’histoire du Cabinda et de ses prédateurs, sur mer comme sur terre, une histoire qui reste à raconter aux enfants et aux adultes d’aujourd’hui…
I
Du haut de mon vieil âge et de mes mèches blanches, depuis que ma mère m’a mise au monde, je n’ai jamais vu une telle débâcle !
J’en ai traversé des périodes de l’histoire de ce pays, des moments de guerre, j’ai vu les ravages de grandes pandémies… J’ai connu des campagnes de soins où nous servions de cobayes, qui ont laissé pour morts nombre d’enfants…
Mais jamais je n’ai vu une telle décomposition de l’intérieur même du ventre de l’Afrique !
Dans ma case, j’ai reçu un grand nombre de personnes fuyant la guerre, en route pour l’exil, en route pour nulle part.
Au début, ils arrivaient par petits groupes. Plus tard, ils sont venus par vagues de dizaines voire de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants. Où vont-ils, et d’où partent-ils ?
Des créatures frêles et fugitives. Anonymes et affamées. Je leur ouvre la porte de ma case, elles mangent, se désaltèrent, puis poursuivent leur route. D’autres s’arrêtent pour se reconstruire une vie.
« Matondo koko , merci grand-mère ! » : je les reconnais. Ceux-là viennent de la région de Brazzaville. Harcelés, maltraités et dépouillés par les milices des Ninjas et des Cobras, ils ont traversé les plateaux et contourné les cataractes du fleuve Congo. Les coupeurs de route leur ont arraché tout ce qu’ils possédaient. Ils ont survécu, ont franchi les massifs et les crêtes de la forêt pour rejoindre la mer ; blessures et crevasses aux pieds, ils continuent à marcher.
Que Dieu vous bénisse, mes enfants !
« Adios vovo ! » ; ceux-ci sont arrivés par la forêt de Yongulo cette nuit.
Ils ont essayé de survivre dans la ville de Tchowa, acceptant tortures, discriminations et humiliations de la part des enfants soldats des Fapla (Forces armées populaires de libération de l’Angola). Ils ont échappé aux mines antipersonnel et aux guets-apens de la guérilla. « Dieu vous garde, mes enfants ! »
« Kwa heri mama… ! », « assanti mama… ! » ; des Swahili ? !
Ils ont traversé les immenses étendues de savanes, les montagnes et les interminables forêts de l’est du Zaïre. Là-bas, la terre est immense. Montagnes et plateaux infranchissables se partagent le relief éminemment complexe de ce pays. Les rebelles leur ont tout pris, jusqu’à la dernière chemise. Tout juste leur reste-t-il un morceau de pagne drapé au corps. Ils ont survécu aux atrocités des guerriers Maï-Maï et autres milices gardiennes des exploitations minières. Les soldats venus du Rwanda et de l’Ouganda les ont chassés de chez eux pour le compte de leurs États respectifs.
Le Zaïre, gigantesque territoire devenu la proie des prédateurs, ne compte plus ses morts ni ses exilés.
Des Swahili, des Luba, des Kongo… Ils viennent des régions de l’Ituri, du Kassaï, du Kivu, avec des paquets sur la tête. Combien de cadavres laissent-ils derrière eux ?
Combien d’embuscades ont-elles été dressées sur leur chemin ?
Il y a parmi eux des militaires, des déserteurs qui fuient l’enfer de la guerre orchestrée par des hommes en costard cravate, qui se gardent bien de patauger dans l’effroyable et indescriptible merdier africain.
Il se peut aussi qu’ils viennent du Rwanda ou du Burundi. Peut-être des Interahamwé génocidaires du Rwanda : indésirables chez eux, ils errent par ici, dans les terres lointaines.
Cet homme, très fatigué, me confie une bouteille bien lourde : du mercure. Que vais-je donc faire avec cela ? Que puis-je faire de ce liquide, mon enfant, que dois-je faire pour t’aider ?
Comment ? Trouver un client ?
Je commence par où ? À qui vais-je poser la question pour te trouver un quelconque trafiquant de cette espèce, mon enfant ?
Moi-même, je ne suis ni trafiquante, ni faussaire, que vais-je donc faire de ce mercure ?
Trouver un faussaire ?
Il y a bien eu des multiplicateurs de billets qui sillonnaient jadis les villages… Ils ont escroqué nombre de paysans et de commerçants avides d’argent facile pour copier les manières des hommes politiques. Ils ont confié toutes leurs économies. Tous ruinés… pour certains la vie a continué et, pour d’autres, ce fut la fin. Jamais ils ne se sont remis de ce piège. Les temps sont durs, mon enfant !
Que dis-tu ? Il suffit de demander… ?
Comment savoir ?
Il y a tant de gens. Des chercheurs de pierres précieuses mandatés par les grands joailliers de Genève ou d’Anvers, des découvreurs d’essences de plantes pour le compte des laboratoires am

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