Confitures
129 pages
Français

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Description

Cet ouvrage est composé d’une suite d’ instants souvenirs de la chanteuse et réalisatrice Elaine Kibaro : Son enfance radieuse à La Goulette ou Tunis et son adolescence exaltante à Strasbourg, à travers lesquelles elle décrit sa découverte d’un état d’amour et d’harmonie souvent générateur de prodiges au quotidien. Chaque chapitre de ce livre peut aussi être lu indépendamment des autres, d’où son titre « Confitures ». « La vie est un voyage sans fin: regarder et retenir en pensée, comprendre et expliquer, définir et mettre les évènements dans des bocaux, tels des confitures; coller une étiquette sur chacune d’elles... Et quand un ami viendra demander un remède ou un peu de douceur sur sa tartine, j’ouvrirai un de mes pots: rose, prune, orange, choisis, c’est pour toi. On trouve tous les parfums chez moi...II serait navrant d’empêcher la matérialisation de certaines pensées, cela nous priverait de quelques confitures... »

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312041605
Langue Français

Extrait

Confitures
Elaine Kibaro
Confitures




















LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2016 ISBN : 978-2-312-04160-5
I « Yasmine »
« A Elodie »

« La vie pour Love est un voyage sans fin: regarder et retenir en pensée, comprendre et expliquer, définir et mettre les évènements dans des bocaux, tels des confitures; coller une étiquette sur chacune d'elles...
Et quand un ami viendra demander un remède ou un peu de douceur sur sa tartine, j'ouvrirai un de mes pots: rose, prune, orange, choisis, c'est pour toi. On trouve tous les parfums chez moi...II serait navrant d'empêcher la matérialisation de scertaines pensées, cela nous priverait de quelques confitures... »

(« God Mystère » de Elaine Kibaro)

I llu s t r a tio n s d e Mi k a ë l d e V i nci
Chapitre I
Confitures de Grenades

Il doit être près de cinq heures et un silence de plomb semble d’étendre sur la ville…La mer elle-même s’est tue. Dans la maison, il fait noir, soudain, et Nora allume des bougies.
Un coup de tonnerre ébranle le vieil immeuble. Là-haut, sur le minaret crient les mouettes.
C’est un orage de fin d’automne, comme il n’en sévit que dans la Sud, chargé de mystère et de violence contenue.
La petite ne parle plus. Elle a presque deux ans et elle écoute chaque bruit, chaque coup de vent qui frappe à la porte, qui siffle et se glisse par-dessous, finalement, dans la fente entre le bois et le pavé.

– Le courant a sauté, dit Nora en posant deux chandelles sur la table.
Il y a toujours un rire éclatant dans le verbe haut de Nora : devant les petits comme les grands, elle semble vouloir conjurer la peur.
Elle prend l’enfant par la main et l’entraîne dans la cuisine :
– Viens, Yasmine, je vais préparer des tartines grillées.

Nora allume le four, passe les tranches de pain sur le grill. Un éclair passe.
– Attention, dit Nora, bouche-toi les oreilles.
Et Yasmine, pressée contre la jupe en nylon cloqué de sa sœur, met ses paumes sur ses oreilles, rentre la tête dans ses épaules en riant.
Roulement de tambour.
– C’est fini, claironne Nora.

Elle sort les tartines du four, les badigeonne d’huile d’olive et les frotte avec une gousse d’ail…
Yasmine se délecte encore plus de l’odeur du pain grillé mélangée à celle de la terre mouillée, que du reste, semble-t-il. Elle renifle tout, tel un jeune chat.

Brusquement, l’électricité revient ; la lampe crue s’allume au plafond ; les nuages se dissipent, et avec eux, la magie de ce jour-là.

Toc-toroctoc-toctoc, on toque, et Nora ouvre la porte, non sans jeter au passage un coup d’œil à la glace piquée, au-dessus de la commode peinte…Ses dents trop grandes et trop blanches, prêtes à dévorer le monde, ses lèvres recouvertes de carmin, une plaie ouverte, perdue dans ce visage au teint foncé…Nora passe sa main avec rage dans ses courtes boucles noires : elle trouve ses cheveux crépus, et tire dessus, chaque jour, avec une brosse.
Nora a dix-huit ans et la beauté du diable, comme disent les anciens.
Dans la chambre d’entrée, la famille est au complet, et volent les baisers.

– Thérésa, tu veux goûter ma ta-tine ? demande Yasmine.
– Tartine, reprend Thérésa qui rentre de l’école.
– Taâtine…

Yasmine n’arrive pas à prononcer les "R", mais elle ne s’inquiète pas.
"Ce sera comme pour marcher, pense-t-elle, je m’exercerai en cachette et je leur ferai la surprise. "

En fait, elle n’aime être observée qu’au moment où elle réussit.

Les murs de la véranda sont peints à la chaux et la chaleur trop forte les craquelle. Yasmine ne s’en plaint pas : elle vient d’inventer un nouveau jeu. Il s’agit de décoller des lambeaux entiers de chaux, de les broyer dans le creux de la main, d’y ajouter quelques gouttes d’eau en grimpant sur le tabouret devant le lavabo : à ce moment-là, la poussière de chaux devient une pâte que l’on peut pétrir des heures ; Yasmine s’y occupe consciencieusement.

– Où est Yasmine ? Demande la mère.
– Ici, dans la salle à manger ! Je fais du "Pâti-belli".
– Du quoi ?
– Du pâti-belli.

Un coup d’œil jeté aux murs révèle à Maya la provenance des silences de sa fille. Ses autres enfants eurent des distractions plus banales : Thérésa préférait les débordements du bidet tandis qu’y voguait un bateau en papier.

– Il ne faut plus éplucher mes murs ! Crie-t-elle.

Pour Maya, la parole ne se conçoit pas sans le cri. Cela est courant chez les gens de petite taille : afin de ne pas se laisser dominer par les plus hauts qu’eux, ils deviennent des monstres d’autorité. Leurs vociférations fatiguent tant que chacun cède plus ou moins rapidement.
Maya, brune éclatante, chante du matin au soir dans sa cuisine. Sa beauté l’a toujours sauvée de la misère. Bonne preuve, cet homme magnifique, de vingt-cinq ans plus âgé qu’elle, qui lui a donné Thérésa et Yasmine et un troisième en cours.
Il s’appelle Charles, mais Maya l’appelle "Papa", devant les petits, pour leur apprendre, prétend-elle, comment l’on nomme un père.
Charles en profite pour l’appeler "Maman" à son tour.
Visiblement, ils n’en sont qu’au début de leurs amours…
Charles, émerveillé d’avoir une épouse si jeune, explique à ses amis que le manque d’instruction de celle-ci le repose après son travail.
Maya, elle, se gonfle de fierté devant ses voisines. Petite couturière affairée, elle ne vit aujourd’hui que pour le plaisir de son aristocrate de mari. Elle s’habille maintenant comme une reine : une capeline pour chaque jour.

Yasmine adore le sommeil dans le lit de sa mère, au creux des bras et du cou, là où la peau est si douce. Elle ne s’ennuie jamais, même dans le train qui va de plage en plage : elle emploie son temps à embrasser le visage et le décolleté de Maya.
– T’es belle, Maman, chuchote-elle.

Et dans le wagon les gens admirent le joli tableau. Après avoir détaillé la mère, on regarde la fille au teint si blanc par rapport à celui de Maya…Infailliblement, Yasmine devine que quelqu’un va parler de la tache marron glacé qui orne un coin de son visage.
Et comme d’habitude, certains disent « lorsqu’elle sera grande, on pourra l’effacer…La chirurgie esthétique commence à faire des miracles."
Mais Yasmine pense que toujours elle la portera : un cadeau du Ciel ! Si drôle !!!!
Maya va bientôt expliquer qu’elle a eu pendant sa grossesse une envie inassouvie de glace au caramel…
Un vieux Monsieur ajoute alors que la tâche forme une sorte de corne d’abondance sur la tempe de Yasmine.

"C’est exactement cela", pense la petite.

Confitures de Jujubes

Nora, chaque jour davantage, devient le pôle d’attraction des garçons de la plage. Elle n’accepte leurs invitations que lorsqu’ils correspondent à ses goûts. Autrement, elle prétend que ses terribles parents lui interdisent toute sortie même l’après-midi. Pourtant si l’un d’eux détient une allure assez virile, elle sait toujours prendre Yasmine par la main et annoncer à Maya que la petite a besoin d’air pur. C’est ainsi que Yasmine se retrouve assise aux côtés d’un beau-jeune-homme, sur un haut tabouret de bar. Evidemment, on achète son silence en lui payant des glaces.
Yasmine s’enorgueillit à la pensée d’avoir à garder un secret. Thérésa, elle, a charge de mystère plus souvent, car elle est le chaperon de la plus âgée des deux filles : Diane.
Et Yasmine, de nature jalouse, boude lorsque Thérésa lui raconte ses sorties secrètes avec Diane.

– Et pouquoi pas moi ? C’est toujou toi qui a des glaces !
– Tu es trop petite pour savoir garder un secret, répond Thérésa glaciale.

Mais aujourd’hui, Yasmine tient sa revanche, et quelle revanche !
Outre la glace à la pistache, elle découvre non loin du bar désert, en ce début d’après-midi sur Khérédine assoupi, une extraordinaire cheminée en carton-pâte.
Cette cheminée, construite comme une maison, ouvre sa porte sur une salle de séjour m

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