Fé verte

Amélie Dumoulin

Description

Et c’est ici que mon cœur explose… Cause du décès : un post-it rose, collé sur la vitre de la porte du salon de coiffure Rosa.
« Fermé pour des raisons amoureuses. »
Condamnée pour l’été à la « survie en campagne », Fé, ado née sur le bitume, fait face à de nouveaux défis : amour à distance, premier emploi, rénovations chaotiques. Enfermée dans sa roulotte kitch, elle rédige quelques chroniques et rêvasse en pensant à l’énigmatique fille Fantôme, à l’épais de chat Bovril et à la ville où elle a laissé son cœur.
Quand le décor change, est-ce qu’on change nous aussi ?
— Je veux juste… Je voulais m’excuser pour… (…) Je veux pas te déranger, c’est juste
que… Je suis venue en vélo, t’sais ? C’est loin…
— Ben reprends-le pis pédale dans l’autre sens !
— Écoute, c’est juste que je me sens responsable de ce qui s’est passé…
— Sacre ton camp, Gouine-Frite, pis arrête de te sentir responsable. Toute tourne
pas autour de toé, retourne dans ta ville pis câlisse-moi patience !
Je suis là, suante, tremblante, à quêter son pardon, pis elle me rejette encore ! Là, j’en
ai plein le derrière ! Merde ! Activation du piton VA CHIER.
— Tu veux que je m’en retourne en ville, han ?
— Ouais.
— Ça te ferait plaisir ça, han ?
— Ouais.
— Ben mets-en que je vais m’en retourner en ville !
— Bien.
— Sérieux, je sais pas ce que tu trouves à c’te place-ci, mais c’est d’la marde, d’la maudite marde de marde de maaaarde !!!
Ça y est, je hurle.
— Relaxe, là !
— Méchant trou ! Le monde c’est toutes des… Tout le monde se fout de tout le monde, tout le monde parle dans le dos de tout le monde. Ça nous traite de gouines, non mais faut-tu être bouché ?! (…) Je sais pas c’est quoi, ça doit être vraiment dur d’être lesbienne en campagne, le monde doit être plus moron avec ça ici qu’en ville…
— Je suis pas… Pis qu’est-ce que t’en sais, toi ? Les gens ici, la plupart en tout cas,
sont pas mal plus ouverts que tu penses.

Sujets

• LGBTQ+
• Juvenilee Fiction
• amour

Informations

• Publié par: Québec Amérique
• Date de parution: 06 septembre 2017
• Nombre de lectures: 3
• EAN13: 9782764434062
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

De la même auteure
Fé M Fé , Éditions Québec Amérique, coll Titan +, 2015.
• Lauréat Prix jeunesse des libraires 2016, catégorie Québec, volet 12-17 ans.
• Finaliste Prix littéraires du Gouverneur Général 2016, catégorie Littérature jeunesse – texte.
• Finaliste Prix Alvine-Bélisle 2016.
• Finaliste Prix des bibliothèques de Montréal 2016.
• Finaliste Prix Cécile-Gagnon 2016.
• Finaliste Prix Adolecteurs de Montréal 2016-2017.



Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice

Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Révision linguistique : Élyse-Andrée Héroux et Flore Boucher
En couverture : © Dominique Nadon-Fortin, Mea culpa
Objets graphiques : © Freepik
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
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Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Dumoulin, Amélie
Fé verte
(Titan +)
Pour les jeunes
ISBN 978-2-7644-3404-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3405-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3406-2 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Titan +.
PS8607.U49F42 2017 jC843’.6 C2017-940821-6 PS9607.U49F42 2017

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com




Je dis à mon oncle Daniel : « Tu me raconteras un jour c’est comment être homosexuel en campagne. »
Il me répond : « C’est super, il y a plein de beaux endroits pour s’aimer. »


Je me réveille dans le mauvais sens du lit, la tête en bas, un pied dans la minuscule fenêtre. J’ai l’impression que la roulotte penche de mon bord.
Je me laisse glisser sur le tapis rugueux et je rampe jusqu’au poêle (situé à côté du lit). Je me fais un thé dans une tasse qui sent les oignons. J’ouvre les rideaux en laine orange au-dessus du lavabo : un désert d’herbes, de boue et de machines rouillées martelées par une pluie violente. Je referme les rideaux. Ouvre, ferme, ouvre, ferme. Quand je les ouvre, ma désolante nouvelle existence apparaît, quand je les ferme, ma désolante nouvelle existence disparaît.
Ouvrir, fermer, ouvrir, fermer : c’est le seul pouvoir qu’il me reste en ce moment sur ma foutue vie.
f

Ma Félixe !
Pourquoi tu me réponds pas ? Ça fait trois jours que je survis en campagne et je ne suis pas certaine que je vais tenir une journée de plus ! J’ai besoin de toi, besoin de ta voix. Est-ce qu’il y a un problème avec ton téléphone ? Ou c’est à cause de ce que j’ai dit… ton poisson qui a l’air un peu mongol ? Je voulais pas l’insulter, je suis certaine qu’au fond, si j’apprenais à le connaître, je découvrirais qu’il a une super personnalité !
Please Félixe, m’oublie pas, je suis au milieu d’un champ, enfermée dans ma roulotte beige des années quatre-vingt. La pluie arrête plus ! C’est tellement humide que mon linge mouillé d’avant-avant-hier est pas encore sec. Mes parents passent leur temps à arranger la grange, colmater les énormes fuites du toit. Ils rentrent juste dans la roulotte pour dormir. No way qu’on va réussir à déménager dans cette bicoque cet été, je te jure ! On a même pas pu mettre notre stock dedans. Les déménageurs ont tout laissé sous des grandes bâches translucides, directement dans les hautes herbes. On dirait que nos boîtes jouent aux fantômes.
Pourquoi tu réponds pas ? C’est peut-être le cell de ma mère qui fonctionne mal. Reste juste l’ordi pourri, mon dernier espoir. Au moins Internet fonctionne. Enfin, ça marche quand je place l’ordi sur le micro-ondes, que j’allume à la fonction « Popcorn », en le maintenant légèrement incliné avec un ou deux livres, comme je fais présentement.
Mon père fait son retour à la terre, yé ! Ma mère vit son grand rêve Pinterest, hourra !
Pis moi, je survis enroulée dans des couvertes en mangeant des céréales pas de lait. Heureusement que j’ai ta valise de livres ! Ah, et j’ai trouvé dans la roulotte une console de jeu portative qui date de l’ère préhistorique. Je joue à Tetris comme s’il y avait pas de lendemain. Y’a pas de lendemain… han ? Tout un été !!! Dans cette roulotte ! Qu’est-ce que je vais faire ? Qui va prendre soin de mes cheveux ?
Toi, comment ça va ? T’as beaucoup de clients au salon cette semaine ? Parle-moi de la ville, des pigeons, même du trafic si tu veux, mais surtout, parle-moi.
Love, Fé

v
Tout a commencé comme ça : Jean, mon père, rat des champs, rencontre Martine, ma mère, rate des villes. Lui il s’installe à Montréal pour être plus près d’elle, se trouve un boulot plate mais correct, pendant qu’elle, elle ouvre son atelier de fabrication de t-shirts weird . Ils font un bébé Fé, né sur le béton, élevé dans les piles de tissu et nourri à la soupe tonkinoise et aux bagels. Puis un jour, papa se met à mourir, lentement, comme si on retirait quelques millilitres d’eau chaque jour de l’aquarium d’un poisson. Faut se rendre à l’évidence, l’animal n’est pas dans son habitat naturel, et il va en crever pour de bon si on ne fait rien. Alors toute la famille (sauf moi) prend une décision difficile : aller vivre tout l’été en campagne pour voir si on arrive à s’acclimater. Retour en ville prévu fin août.
Un couple d’amis de mon père, Daniel et Luc, ont une maison de campagne avec un immense champ. Au bout de cet immense champ, il y a une grange vide, et en face de la grange vide, il y a une roulotte laide et un boisé. L’entente, c’est que si on rénove la grange, on pourra l’habiter durant l’été (une fois les travaux terminés). Les étés suivants, on pourra y retourner quand bon nous semble. Ce sera un peu comme notre « loft de campagne ». Quand on y sera pas, Daniel et Luc vont essayer de louer la grange à des touristes. Je me souviens de la discussion. Daniel a dit :
« Vous pourrez rester dans la roulotte beige en face de la grange le temps des travaux. Vous pourrez venir prendre votre douche chez nous. La roulotte est vieille, mais y’a toute là-dedans : deux lits, une table, un mini frigo, un petit poêle, faut juste que je pense à vérifier le système pour la toilette sèche de la roulotte, j’espère que ça sentira pas trop fort. »
Une Fé de ville de 16 ans se sent généralement pas très bien dans ses shorts quand elle entend ça.
d

Allô Fé,
J’aime l’idée que tu doives faire du popcorn pour m’écrire !
Mon téléphone est mort. Je t’appelle dès que je peux.
La ville chie sans toi.
Love, Fé




h

Allô ma Fé !
Toujours pluie. Toujours pas de parents, mais je me mets en mode positif. Je suis pas atteinte d’un cancer mortel, je suis juste en campagne. On va se voir bientôt, un été c’est pas si long, et s’il arrête de pleuvoir, je vais même pouvoir cueillir un beautiful bouquet de fleurs et te l’envoyer… en photo. Je te jure, je suis tellement positive que je pense même que je vais sortir de ma couverte et m’habiller aujourd’hui !
Fais comme si j’étais pas pathétique, O.K. ?
Est-ce qu’Élisabeth II s’adapte à ta maison ?
x Fé

i

Salut Fé,
Élisabeth II porte sa propre maison sur son dos, ça va aller, elle s’adapte très bien. Toi non. Tu veux toujours pas que je vienne te chercher ? Je peux me trouver un lift.
x F