Laura
63 pages
Français

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Description

Comment donner une bonne tournure à une mauvaise nouvelle ? Comment s’y prendre pour s’enraciner dans la vie ?
Laura vit seule avec sa mère dépressive et voit très rarement son père, un écrivain célèbre. Tandis que sa meilleure et seule amie s’apprête à déménager, Laura se sent perdue. En ces temps troubles, la vie n’est pas tendre pour elle et bien des surprises l’attendent au tournant. Entre l’hôpital et les quartiers chics ; les virées à vélo et les passages au parc ; entre la famille, l’amitié et la solitude, Laura tente de prendre sa place dans sa propre vie.
Je vis seule avec ma mère.
Mon père nous a quittées quand j’étais enfant. Je n’ai aucun souvenir de l’époque où il vivait avec nous. Il réapparaît chaque année pour mon anniversaire, mais jamais à la date précise où je suis née, comme s’il l’avait oubliée. Ma mère dit que mon père est un homme très occupé. Il se pointe en général une ou deux semaines plus tard. Les choses se sont passées ainsi pour mes dix ans, mes onze ans, mes douze ans, et pour mes treize ans, ce ne sera sûrement pas différent. D’habitude, il stationne sa voiture sport de l’autre côté de la rue, là où c’est interdit. Il s’assoit au salon dans le fauteuil à une place et se lance dans un long monologue que ma mère et moi écoutons en silence. Il parle de la température, de ses voyages, de ses romans, de ce qu’on a écrit sur lui dans les journaux. Ma mère montre des signes évidents de nervosité. Elle fait tourner son alliance autour de son doigt, anneau brûlant qu’elle s’obstine à porter et dont il s’est sans doute débarrassé il y a longtemps. Moi, je me contente de l’observer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 février 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782764432785
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice

Conception graphique : Claudia Mc Arthur et Nathalie Caron
Mise en pages : Interscript
Révision linguistique : Chantale Landry
En couverture : Photomontage réalisé à partir d’oeuvres de : © Henrique Félix / Unsplash.com et © Olga_spb / Freepik.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Turcot, Louise
Laura
(Titan)
Pour les jeunes.
ISBN 978-2-7644-3276-1 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3277-8 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3278-5 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Titan jeunesse.
PS8589.U612L38 2017 jC843’.6 C2016-942112-0 PS9589.U612L38 2017

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com




À Catherine, ma fille.



Je vis seule avec ma mère.
Mon père nous a quittées quand j’étais enfant. Je n’ai aucun souvenir de l’époque où il vivait avec nous. Il réapparaît chaque année pour mon anniversaire, mais jamais à la date précise où je suis née, comme s’il l’avait oubliée. Ma mère dit que mon père est un homme très occupé. Il se pointe en général une ou deux semaines plus tard. Les choses se sont passées ainsi pour mes dix ans, mes onze ans, mes douze ans, et pour mes treize ans, ce ne sera sûrement pas différent. D’habitude, il stationne sa voiture sport de l’autre côté de la rue, là où c’est interdit. Il s’assoit au salon dans le fauteuil à une place et se lance dans un long monologue que ma mère et moi écoutons en silence. Il parle de la température, de ses voyages, de ses romans, de ce qu’on a écrit sur lui dans les journaux. Ma mère montre des signes évidents de nervosité. Elle fait tourner son alliance autour de son doigt, anneau brûlant qu’elle s’obstine à porter et dont il s’est sans doute débarrassé il y a longtemps. Moi, je me contente de l’observer. Quand je croise ses yeux, je baisse les miens. Il m’in timide. Il est beau. Intelligent. Brillant. C’est mon père. À l’école, j’invente toutes sortes d’histoires sur lui pour le rendre bien réel. « — Pourquoi tu racontes toutes ces affaires-là qui sont même pas vraies ? Tout le monde s’en fout ! me lance Camille — T’en as un père, toi, pourquoi pas moi ? »
Ma mère attend toujours le moment opportun pour lui montrer mon bulletin scolaire dont elle est très fière. Il y jette un œil distrait. Elle insiste sur mes excellents résultats. « Très bien, Laura », répète-t-il chaque fois.
Puis il se lève, va vers la fenêtre et déclare qu’il ne devrait pas tarder à partir sinon il risque une contravention. Je remarque que ma mère, de plus en plus anxieuse, tremble un peu, elle se hâte de lui réclamer les chèques de sa pension alimentaire d’un ton qui se veut autoritaire. La tension qui règne dans le salon est si intense qu’elle me prend à la gorge. Je manque d’air. J’ai les mains moites et j’ai hâte qu’il s’en aille. L’air contrarié, il se rassoit, sort son chéquier en cuir, sa belle plume noire qui brille, et s’exécute sur la table à café. Ma mère prend les chèques, les examine et va les ranger dans sa chambre. Mon père en signe un dernier qui m’est destiné. « Bon anniversaire, Laura ! » me dit-il en me tendant le bout de papier. Il range son chéquier et sa plume et retourne vers la fenêtre.
Ma mère revient avec son appareil photo. Rituel annuel auquel on ne peut se dérober. Nous allons sur le balcon pour qu’elle nous capte en pleine lumière. L’an dernier, mon père, très fier de sa nouvelle acquisition, une voiture sport d’un rouge éclatant, a insisté pour qu’elle apparaisse en arrière-plan sur la photo. Ma mère s’est prêtée de mauvaise grâce à ce caprice et, comme chaque année, elle a prononcé la phrase qui est censée transformer cette scène en un mo ment parfait d’amour filial : « Mais rapprochez-vous, voyons ! » Mon père passe alors son bras autour de mes épaules, seule et unique marque d’affection à mon égard. S’il y en a eu d’autres, je les ai oubliées. Son eau de toilette citronnée me donne un peu le tournis. Il fixe l’objectif avec cette expression de bonne humeur forcée qu’on lui reconnaît sur toutes les photos. Puis il s’en va très vite. Il s’enfuit à bord de son bolide, et d’un geste distrait de la main nous balaie de sa vie. Le bruit de son moteur résonne dans la rue déserte, et peu à peu le silence revient dans notre petit logement. C’est fini. Il est parti.
Ma mère ne dit rien. Elle encaisse sa vie comme elle encaisse ses chèques.
Après chaque visite, elle va à la salle de bain prendre son médicament. Le bruit du flacon de pilules, l’eau qui coule et le choc du verre contre le lavabo, ça aussi ça fait partie du rituel. En suite, elle se retire dans sa chambre et reste là tout l’après-midi à sommeiller grâce à ses précieux cachets qui transforment le marécage de sa vie en un beau lac tranquille, où elle flotte sur le dos en fixant un ciel sans nuage.
Maman ! J’vais faire un tour au parc avec Camille. J’serai pas partie longtemps. OK ?
Oui, oui…
Je m’enfuis moi aussi. C’est chaque année la même chose.

Camille est ma meilleure amie… ma seule amie, en fait. Camille et Laura ! L’une ne va pas sans l’autre ! Tout le monde sait ça. Elle est la sœur que j’aurais aimé avoir. On est si étroitement liées qu’aucune fille de l’école n’oserait s’immiscer dans notre bulle et réclamer nos faveurs. Comme Camille me le répète souvent : « Quand on a une vraie amie, on n’a besoin de personne d’autre. »
Il paraît que dès notre premier contact – c’est ce que nos mères nous racontent, parce que nous on s’en rappelle pas, on avait trois ans –, on a tout de suite communiqué elle et moi. On a peut-être été jumelles dans une autre galaxie et accumulé des tonnes d’informations réciproques qui rendent les mots inutiles. Dans le bac à sable du parc, nos mains se sont agglutinées dans la boue rugueuse, on s’est reconnues et on est devenues inséparables ; même quartier, même école, même horaire, on a grandi sans s’égarer dans les détours de nos différences. Camille trace sa vie à grands traits avec des couleurs franches bien à elle tandis que moi je barbouille le contour de la mienne avec un HB anémique qui tend à disparaître quand on juxtapose le dessin de nos deux univers. Camille et Laura ! Petites, déjà, nous nattions nos cheveux en semble pour que nos mères n’osent pas nous séparer. Elles ne pouvaient que se réjouir de voir leurs deux filles se compléter d’une manière si harmonieuse. Les mères, ça les rassure quand on se fait des amies.
Mais bientôt, notre amitié va subir une épreuve. Camille ira vivre à Saint-Hilaire et moi je resterai ici. C’est triste, et plus que ça encore. C’est la fin de quelque chose.
C’est loin Saint-Hilaire ?
À peu près à 30 minutes de Montréal.
En voiture ?
Bien oui !
Et en autobus ?
Un peu plus long…
De toute façon, ma mère voudra pas que je prenne l’autobus toute seule.
On va se débrouiller autrement.
Eh oui ! On se verra de moins en moins et à la fin on ne se verra plus du tout… Mon cœur s’est déjà mis en mode chagrin.
Qu’es

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