Le grand numéro
41 pages
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Le grand numéro , livre ebook

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Description

Elle comme lui s’apprêtent à voter pour la première fois. Alors ils ont décidé de faire le tour des candidats. Tous, même De Beer. De Beer, l’extrémiste, le xénophobe, le leader charismatique au discours vénéneux.
De ce meeting angoissant, où se mêlent la peur et le dégoût, ils ne vont pas revenir indemnes.
Sophie Adriansen a publié une quinzaine d'ouvrages en littérature générale et jeunesse, dont Je vous emmène au bout de la ligne (éd. Max Milo) et Max et les poissons (éd. Nathan).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 juillet 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782363154538
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0010€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le grand numéro
Sophie Adriansen
ISBN 978-2-36315-158-2

Avril 2012
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit modernes et grand public, pour un nouveau plaisir de lire.

Table des mati res

Un
Deux
Trois
Quatre
Cinq
Six
Sept
Huit
Neuf
Dix
Onze
Douze
Treize
Biographie
Un


Il n’est pas permis de briser les ailes de la jeunesse

Elle était pour moi, cette putain de place. Il disait que j’avais le profil idéal. Il avait même parlé de m’embaucher à la fin de mes études. Pourquoi est-ce qu’il faut toujours que quelque chose merde ?
Et en plus, il attend le dernier moment pour me prévenir. Je devais démarrer lundi, j’étais déjà juste niveau timing, la plupart ont signé sa convention il y a plusieurs semaines, certains ont même déjà commencé, je vais jamais pouvoir faire mes quatre mois de stage maintenant, si jamais j’en trouve un autre le temps de régler les détails et de signer les papiers ça me fera pas débuter avant mi-mai, plus quatre mois ça me fait louper les deux premières semaines de cours, les inscriptions, le choix des groupes…
Et si je fais pas ce putain de stage, je valide pas mon année ! Il y a pas de solution, c’est trop tard, foutu, je n’ai aucune autre piste, pas de plan B… Et comment aurais-je pu prévoir un plan B ? Puisqu’il m’avait dit que la place était pour moi ! Pourquoi aurais-je continué à chercher ? C’est déjà pas facile de trouver un stage quand on s’appelle Mabrouck, tout est moins facile quand on s’appelle Mabrouck, même si on habite en centre ville — encore heureux qu’à la fac on ne refuse personne.

Le pire, c’est que je sais que rien de tout ça ne va s’arranger. Ceux qui flippaient flippent encore plus, et ceux qui ne flippaient pas se mettent à flipper. Parce que si ce porc est élu dimanche, y aura intérêt à ne pas faire de vagues. Et une Sandrine Lardeau passera mieux qu’un Mabrouck El Hasni comme stagiaire.
D’où elle sort, d’abord, cette fille ? Comment a-t-il pu continuer à chercher un étudiant alors qu’il m’avait moi ? Y en a qui n’ont vraiment aucune parole. Des collabos en puissance.

Et en plus, voilà que le porc vient me narguer jusqu’ici, dans la ville où je suis né et où j’ai grandi, alors que si on l’écoute je ne devrais rien avoir à faire sur ce territoire. Il voudrait que je rentre « chez moi », mais « chez moi », là-bas, on m’envie, on me jalouse de toutes les possibilités que j’ai et qu’ils n’ont pas. Les « possibilités » ! Le travail, l’argent, la vie de rêve. Mais j’arrive déjà pas à me trouver un putain de stage ! Un stage pas payé, même pas un ticket resto, même pas la carte de métro remboursée ! Même ça, on me le refuse !

J’ai vraiment la rage. Comme je l’ai jamais eue. Ce coup de fil pour me dire non, c’est la fin de mon avenir. J’ai plus d’horizon. Plus rien. Si je redouble, je dégage, mes parents m’ont prévenu. Et sans stage, je redouble, obligé.
Faut que je sorte. Si je reste ici, je vais péter un truc. Je suis pourtant pas quelqu’un de violent.
Mais putain, comment ne pas le devenir ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter un tel rejet ?
Je sors. J’ai décidé, Allah Alâadim . Je vais aller foutre la merde chez lui, puisque lui la fout chez moi. Œil pour œil, comme on dit.

De toute façon, j’ai plus rien à perdre.

***
Deux


Le soleil rend plus scintillants les espoirs que l’on voit dans l’air

L’air est encore plein de soleil, les ombres s’étirent à peine, on respire une tiédeur printanière au parfum d’éternité. Ils ont séché le dernier cours de la journée pour ne pas être en retard. Contentieux international , la théorie se rattrape aussi bien avec des photocopies.
Quand, guillerets mais tâchant de refréner leur excitation, ils descendent l’escalier extérieur ouvert sur la cour, une cour typiquement provençale dominée par un orme centenaire, ils sentent sur eux les regards des autres restés à l’étage, postés au balcon, ceux qui les accompagnent d’habitude mais qui, exceptionnellement, ont décliné la proposition — qui, pour la plupart, ne comprennent pas leur décision, pour ce soir.
Vous ne devriez pas.
On ne sait jamais.
Cette fois, c’est pas pareil.
Ils sont sur le parvis de l’université en un sourire. La suite est planifiée, minutée presque : ils prendront le métro jusque chez Nicolas, récupèreront sa voiture avec laquelle ils iront jusqu’au lieu de la manifestation.
— Bon, fait Nicolas en mettant le contact.
Ariane se penche un peu pour voir les chiffres qu’affiche l’horloge du tableau de bord inondé de reflets. Elle est rassurée, ils sont dans les temps.
Ils grignotent en chemin des biscuits au chocolat qui patientaient entre une peau de chamois et des cd de rock dans la boîte à gants.

Le monstre ne ressemble à aucun autre, avec son arche en pierre brute et sa structure de métal colorée qui fait s’interroger le quidam sur l’état d’avancement des travaux, quand la construction est en réalité achevée depuis longtemps. Il paraît à la fois suspendu dans les airs, engin spatial ayant tout juste pris son envol, et solidement implanté dans le sol, tel un vaisseau ressuscité.
Le complexe est excentré, comme s’il était sorti de terre un peu au hasard, champignon poussé sur le fertile bitume d’un quartier au nom de fleur, et que les hommes avaient, autour, repris leurs habitudes au fil du temps, tout en gardant leurs distances, par crainte ou par respect. On peut faire entrer sept mille personnes dans ce lieu qui est le théâtre de concerts et de spectacles folkloriques autant que d’évènements sportifs.
Qui accueille des rassemblements politiques de grande ampleur, aussi.
C’est ce Palais des sports, c’est la ville de Marseille que Jacques-André De Beer a choisis pour son unique meeting de l’entre-deux-tours.
On dit entre-deux-tours comme on dirait entre-deux-guerres.
De Beer a voulu frapper fort, et d’après lui une seule réunion, colossale, magistrale, aura plus de force que dix, quinze rencontres de proximité — le choix de l’autre . Une pierre écrase davantage qu’une pluie de grains de sable.
Marseille, ça n’est pas le fruit du hasard. La ville l’a toujours aimé, De Beer le lui a toujours rendu. Une terre d’élection , comme on dit. Ce soir encore, plus que jamais, il fait la démonstration de sa reconnaissance, et de ce qu’il ose tout — tenir son meeting dans l’une des cités les plus caractérisées par le cosmopolitisme, ce cosmopolitisme qui précisément en fait le charme, l’une des cités les plus marquées par l’immigration, la délinquance, le chômage, enfants bâtards du défaut de cette préférence nationale dont il a fait très tôt son cheval de bataille.

La circulation n’est pas dense, ils arrivent vite à leur destination. Nicolas tourne à gauche, ils longent une première fois le bâtiment, l’observent en silence. Il y a là quelques petits groupes, parfois avec banderoles et drapeaux impatients d’être dépliés, agités ; pour les banderoles et les drapeaux aussi, c’est l’heure de gloire. Il y a là des voitures, aussi, mais surtout des cars, beaucoup de cars, couleurs fades et promesses de voyages, alignés sagement le long des trottoirs.
Dans les yeux d’Ariane et de Nicolas, les slogans explosent. Les biscuits au chocolat leur restent sur l’estomac.
— Je me sens bizarre, dit Ariane.
Nicolas lui jette un regard rapide. Tout va bien, juste le sourire de travers. Ariane n’est pas du genre à se dégonfler, ni à tourner de l’œil. Lui aussi, d’ailleurs, s’il s’écoute, se sent bizarre de ne pas savoir ce qui les attend.
Il propose de garer le véhicule un peu derrière, Ariane est d’accord, ils ont le temps, et puis ils peuvent bien marcher quelques minutes, ça n’est pas comme s’ils étaient en habits de soirée ; au contraire, ils ont veillé à porter pour l’occasion des vêtements passe-partout — c’est bien la première fois qu’ils se concertent sur leur tenue —, des couleurs neutres, des jeans bleus et coupés droit, des baskets, rien d’ostentatoire, rien qui leur vaille de se faire remarquer.
— C’est parti,

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