Le murmure des sorcières
74 pages
Français

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Le murmure des sorcières , livre ebook

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Description

On a beaucoup écrit sur les sorcières. Mais ce qu’on trouve dans les livres n’est qu’un tissu de mensonges. D’abord, contrairement à ce qu’a affirmé un certain Pierre Gripari, il n’y a jamais eu de sorcière qui voulait absolument manger une petite fille à la sauce tomate rue Mouffetard. La raison en est simple : les sorcières sont végétariennes. Vous ignorez sans doute aussi que les sorcières descendent du dragon de Komodo – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elles naissent avec un balai en guise de queue qui, une fois coupé, leur permet de voler. Lorsque la petite Kaï, contrainte de quitter son île natale, s’installe à Paris avec le reste de son peuple, elle est loin de se douter qu’elle va échanger sa vie avec celle d’une jeune humaine nommée Marie-Astrid…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 janvier 2019
Nombre de lectures 9
EAN13 9782211301824
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Vous le saviez, vous, que les sorcières étaientvégétariennes ? Qu’elles étaient très savantes, en langues eten mathématiques ? Qu’elles descendaient en droite lignedes dragons de Komodo ? Qu’elles portaient des nomsde trois lettres ? Qu’elles venaient d’une île du Pacifiqueengloutie par la montée des eaux ? Que c’est pour celaqu’elles s’étaient réfugiées sur les toits de Paris ?
Que la plus jeune d’entre elles s’appelait Kaï ? Et qu’ilétait tout à fait possible de la confondre avec Marie-AstridCaramel de Bellegarde, qui de toute sa vie n’avait connuque les beaux quartiers ?
Non ? Eh bien, il est grand temps que vous l’appreniez.
 
L’autrice
Ancienne élève de l’ENS et agrégée de lettres classiques, Marianne Renoir est enseignante à Paris IV et prépare unethèse sur les techniques d’anticipation dans la littératuredes XVII e et XVIII e siècles. Après La Cattiva et Comme Ulysse ,parus chez P.O.L en 2013 et 2015, Le Murmure des sorcières est son premier roman pour la jeunesse.
 

Marianne Renoir
 
 

Le murmuredes sorcières
 
 

l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 
L’auteur remercie la Villa Médicis,où elle a écrit cette histoire,ainsi que l’institutrice de l’école Buffonqui lui a permis de revenir en CM1,vingt ans après.
 

Ma mère me disait que les gens se divisenten deux catégories : il y a ceux qui sont presséset ceux qui sont précis. Je crois que cette histoire plairaaux précis, car elle est véridique, et qu’elle plairaaux pressés, car elle n’est pas trop longue.
1 Une mise au point sur les sorcières
 
À la fin du siècle où je suis née, il y avait encore unegrande île, au large de l’océan Pacifique, qu’on appelaitl’île aux Sorcières. Cette île comptait dix-neuf mille sixcent quatre-vingt-trois sorcières.
On a beaucoup écrit sur le peuple des sorcières,mais ce que j’ai lu dans les livres, ce que ma grand-mèrem’a raconté, n’est que bêtises et mensonges.
Par exemple, Pierre Gripari a affirmé qu’il y avaitune sorcière rue Mouffetard qui voulait absolumentmanger une petite fille à la sauce tomate. J’ai cru à cettehistoire quand j’étais enfant, mais je n’y crois plus.D’abord, en 1967, date à laquelle Pierre Gripari a écritson livre, il n’y avait pas de sorcière rue Mouffetard.Ensuite, si l’on excepte quelques cas tout à fait rares deschizophrénie et de démence sénile, on n’a jamais vude sorcière manger un petit enfant, pour la simple etbonne raison que les sorcières sont végétariennes .
Leur dégoût pour la viande va si loin que, leur présenterait-on une cuisse de petite fille, cuite à point, bienmoelleuse et bien juteuse, sur une assiette en porcelainedorée (les sorcières adorent tout ce qui brille), ellesferaient une grimace de dégoût, un geste de la main, etrefuseraient net. Quand les sorcières aujourd’hui vonten Italie, elles demandent des pizzas capricieuses senzacarne , ce qui signifie « sans jambon ». Bien sûr, elles mangeraient plus volontiers un morceau d’homme que devache ou de souris, mais elles préfèrent de toute façonse nourrir de fruits et de légumes.
Je voudrais donc rappeler quelques vérités sur lessorcières, avant d’entrer dans le vif du sujet.
 
Petit un. Les noms des sorcières
 
Quand un enfant va naître, je veux dire un enfanthumain, les neuf mois de la grossesse se passentsouvent dans des disputes infinies sur le choix duprénom.
Mme Caramel de Bellegarde, par exemple, voulaitappeler sa fille Astrid, tandis que Monsieur voulaitl’appeler Marie. « Votons », dit le père, qui étaitconvaincu des mérites de la démocratie, même s’ildescendait d’une archiduchesse décapitée pendant laRévolution française.
– Je vote pour Astrid, dit la mère.
– Je vote pour Marie, dit le père.
Ils eurent beau recommencer le vote jour après jour,le résultat demeura inchangé. Si bien que la nuit del’accouchement, quand la sage-femme demanda comment s’appelait le bébé… « Marie ! » déclara le père,« Astrid ! » cria la mère. « Marie-Astrid », nota la sage-femme dans le registre des naissances.
Mes parents aussi se sont disputés quand je suis née,mais les traces de la discorde ont été miraculeusementeffacées. Ma mère voulait m’appeler Marie, mon pèreAnne, si bien que le matin de l’accouchement…« Marie ! » a crié ma mère, « Anne ! » a crié mon père,« Marianne », a noté la sage-femme dans le registre desnaissances. De là, je conclus que ma mère aurait dûépouser M. Caramel de Bellegarde, que je me seraisappelée Marie Caramel de Bellegarde, et que toutaurait été plus simple.
J’ai connu des parents qui ont divorcé avant la naissance de leur enfant parce qu’ils ne parvenaient pas à semettre d’accord. Mais revenons à nos sorcières.
 
Quand une sorcière naît, c’est facile. Le bébé sorcière pousse un cri. Ce cri peut être transcrit par troislettres, et ces trois lettres donnent son nom. C’est automatique. Il y avait donc, sur l’île aux Sorcières, une sorcière nommée Kuk, une autre qui s’appelait Arg, uneautre encore Pif, et voici Glg, je vous présente Pop, là c’est Our, War, Kim, Vap, Sad, Xxl, bref, vous avezcompris le principe.
Par exemple, la sorcière qui sera notre héroïne s’estécriée joyeusement, en sortant des fesses de Nap (oui, unesorcière naît par les fesses) : « Kaï ! » Alors elle s’est appeléeKaï. Il ne peut pas y avoir sur l’île aux Sorcières deux sorcières qui portent le même nom. C’est pourquoi, aumoment où Kaï poussait son cri, la vieille sorcière quis’appelait aussi Kaï, et qui vivait à l’autre bout de l’île, estmorte, sans douleur, juste comme ça, comme si elles’endormait. Elle n’a pas eu le temps de finir sa pomme.La nature est bien faite, en ce qui concerne les sorcières.
Il se trouve que Kaï et Marie-Astrid Caramel deBellegarde étaient nées le même jour (le 7 octobre), àla même heure (23 h 17), l’une sur l’île aux Sorcières,l’autre à la maternité Port-Royal, à Paris.
 
Maintenant, interrompons-nous un moment pourun petit problème de mathématiques.
Les sorcières ont vingt-sept lettres dans leur alphabet, elles portent des noms de trois lettres, et n’ontjamais d’homonymes (je veux dire que deux sorcièresvivantes n’ont jamais le même nom). Tous les noms detrois lettres sont portés. Combien y a-t-il de sorcièressur l’île aux Sorcières ?
Vous pouvez vous mettre à compter, à faire toutesles combinaisons possibles :
 
Aui Jrt Iop Qhw
Bib Kwi Jux Njq
Ouk Qio Kir Zed
Eud Poc Vak Ooh
etc.
 
Mais rangez-moi un peu cette liste :
 
Aaa Aba Bba Baa
Aab Aca Bbb Bab
Aac Ada Bbc Bac
Aad Aea Bbd Bad
etc.
 
Voilà. Et maintenant comptez. Ou alors réfléchissezà la manière dont on calcule cela : pour la premièrelettre du prénom, il y a vingt-sept possibilités. Pour ladeuxième lettre, il y a encore vingt-sept possibilités.Pour la troisième lettre, vingt-sept possibilités. Il y avaitdonc vingt-sept fois vingt-sept fois vingt-sept sorcièressur cette île. En langage mathématique, vingt-sept foisvingt-sept fois vingt-sept se dit : vingt-sept puissancetrois. Et s’écrit : 27 3 . Comme 27 est déjà égal à trois foistrois fois trois, 27 équivaut à trois puissance trois, 3 3 , etvingt-sept puissance trois est donc égal à trois fois troisfois trois fois trois fois trois fois trois frois toi froid toi,bref à trois puissance neuf, 3 9 .
Les paresseux pourront aller à la deuxième phrasede cette histoire, où la réponse a déjà été donnée : 27 3 = 3 9  = 19 683.
 
Petit deux. La reproduction des sorcières
 
Dix-neuf mille six cent quatre-vingt-trois sorcièresvivaient donc sur l’île aux Sorcières, pas une de plus, pasune de moins. Vous me direz peut-être que des sorcièresauraient pu tomber malades, avoir un accident, mourirbêtement, et que leur nombre en aurait été réduit. Jevous répondrai : le moyen de tomber malade quand onne mange que des fruits et des légumes que dameNature fait pousser dans la joie, sans y être forcée pardes engrais ni par des pesticides ? Le moyen d’avoir unaccident quand on ne sait pas ce que c’est qu’un couteau, une voiture, un four ou une allumette ?
Non, une sorcière ne tombe pas plus malade que deson balai. Il y en a simplement qui, de temps à autre,lorsqu’un qu’un bébé naît, meurent sans faire de drame,doucement, comme ça, le plus souvent à des âges fortavancés (la nature est bien faite). Étant donné que l’âmede celle qui meurt se perpétue plus ou moins dans cellequi naît, il n’y a pas de quoi pleurer. De toute façon, lessorcières ne savent pas pleurer.
Et les sorciers dans tout cela ? N’y en a-t-il doncpas ? « Les sorciers sont peu de chose », a dit quelqu’un quelque part. Les sorcières en tout cas ont appris à s’enpasser, et à se reproduire par parthénogenèse : je veuxdire qu’elles savent faire leurs bébés toutes seules. Celapeut paraître étonnant, mais il y a beaucoup d’animauxdans la nature qui se débrouillent sans le mâle ou sansla femelle. Et, soit dit en passant, cela évite beaucoup dedisputes.
C’est le cas des nématodes, des oligochètes, desnémertiens, des gastrotriches, mais aussi d’animaux plusconnus, comme les pucerons. Ainsi que de certains reptiles, je pense notamment au dragon de Komodo. Etjustement, parlons-en, des dragons de Komodo, car cesont eux les ancêtres des sorcières.
Tandis que les êtres humains descendent du singe(c’est du moins ce que m’a appris ma maîtresse de CE2,qui était très savante), les sorcières, elles, descendent deslézards, et plus précisément des dragons de Komodo.Les dragons de Komodo habitent en Indonésie, maisj’en ai vu un au zoo du Jardin des Plantes et un autreau zoo de Vincennes. Ce sont les plus gros lézards dumonde. Ils mesurent de deux à trois mètres et pèsentenviron soixante-dix kilos. Leur queue est grandecomme la moitié de leur corps.
Les dragons de Komodo sont vert foncé, gris ounoirs, ce qui leur permet de se fondre dans leur environnement et d’approcher plus facilement leurs proiesafin de les surprendre. Les dragons de Komodo ont une queue longue comme la moitié de leur corps, je viensde le dire, et une mâchoire immense, avec soixantedents, qui tombent et repoussent sans arrêt

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