Les foulards bleus
55 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Tout va mal. C'est dur : Caracal est perdue. Elle ne sait plus où est le camp des guides, et son foulard est trempé. Elle engueule le ciel. Il est 21 h 12, la prairie est vide. Sous les tentes, presque toutes les filles dorment. Mouette, la chef, cherche Caracal dans la nuit. Dorcas lit Crime et Châtiment de Dostoïevski pendant douze minutes, Poney discute avec Malamute.
La plus jeune, qui s'appelle Bénédicte et qui n'a pas encore de totem, écrit une lettre. Elle a peur. Elle écrit : « Ici, il y a quelque chose de cassé. » On ne retrouve toujours pas Caracal.
Et puis, au bout de trois jours on la retrouve.
Mais sa disparition reste obscure. Dans le camp des guides, il se passe des choses bizarres : des choses normales, comme dormir dans la paille, faire des kilomètres, ne pas avoir peur des chiens ni des guêpes, et des choses difficiles à faire.
Mais Bénédicte veut comprendre ce qui s'est passé avec Caracal.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 décembre 2015
Nombre de lectures 10
EAN13 9782211226998
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0014€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Tout va mal. C’est dur : Caracal est perdue. Elle ne sait plusoù est le camp des guides, et son foulard est trempé. Elleengueule le ciel. Il est 21 h 12, la prairie est vide. Sous lestentes, presque toutes les filles dorment. Mouette, la chef,cherche Caracal dans la nuit. Dorcas lit Crime et Châtiment de Dostoïevski pendant douze minutes, Poney discuteavec Malamute.
La plus jeune, qui s’appelle Bénédicte et qui n’a pas encore de totem, écrit une lettre. Elle a peur. Elle écrit : « Ici,il y a quelque chose de cassé. » On ne retrouve toujourspas Caracal.
Et puis, au bout de trois jours on la retrouve.
Mais sa disparition reste obscure. Dans le camp desguides, il se passe des choses bizarres : des choses normales,comme dormir dans la paille, faire des kilomètres, ne pasavoir peur des chiens ni des guêpes, et des choses difficilesà faire.
Mais Bénédicte veut comprendre ce qui s’est passé avecCaracal.
 

L’auteur
Entre deux explorations du quartier Mouffetard, un Paris-Belgique dans son Astra noire et un cross, Xavier Deutsh lit Baudelaire ou Maeterlink, Roland de Renéville ouRimbaud. Comme en témoignent les histoires qu’il écrit,il a presque le souffle coupé d’angoisse et d’espoir. Il esttimide et exubérant, aime l’Atlantique nord, les fauconsgerfauts et, plus que tout peut-être, la course à pied.
 

Xavier Deutsch
 
 

Les foulards
bleus
 
 

Neuf en poche
l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e
 

Pour la Saint-Bernard, 2 e Brabant wallon.
 
T out va mal, c’est dur. Caracal doit sedire que ce n’est pas simple. Elle tournela tête pour se reconnaître et se demande versquel côté se trouve le camp, dans quelle direction, mais l’obscurité a éteint les repères. Unmorceau de pluie lui descend dans la figurepour l’empêcher de réfléchir. De la mainCaracal écarte la pluie et recommence à regarder.
MAIS de nouveau le vent charge et lui jetteune secousse glaciale, carrée, et Caracal fermeles mains, plante ses yeux jusque dans le fonddu ciel. Alors le vent se retire, Caracal est trèsforte.
Caracal ne bouge plus, elle se dit : un,deux, trois, quatre, cinq... Comme ça jusqu’àquarante-quatre.
Elle se tourne, regarde un morceau du chemin qui se confond très vite avec l’obscurité. Le ciel craque, grandit, gronde, grossit, jettepar terre des morceaux de bruit froid. Caracalregarde mais elle ne voit plus rien. Voilà cequi est très important : Caracal ne voit PLUSRIEN. C’est très grave.
Elle ferme les mains de nouveau et regardeles nuages mais ça ne fait plus rien auxnuages, déjà de la fumée descend dans leregard de Caracal. Elle ferme les yeux, secoueles yeux. Elle frissonne, son foulard trempélui frotte le cou.
Elle se dit que ce n’est pas simple, qu’on sefout de sa gueule, qu’il faut bien que çafinisse.
Il faut te concentrer, Caracal. Réfléchis,pense, écarte les bouts de pluie, l’eau noire.
Caracal ferme les mains, regarde : l’autrecôté du chemin semble éteint, fini. De toutefaçon il faut marcher, Caracal. Si tu ne teremues pas, tu peux mourir en quatorzeminutes. C’est pour ça, tu dois faire trèsattention de marcher.
Elle regarde encore le chemin, ferme les mains, choisit la gauche et marche avec de lapluie qui lui descend le long des jambesjusque dans les bottines. Elle n’a rien d’autreà faire, la pluie, de plus intelligent ? Vraimentnulle. Trois collisions de nuages provoquentencore des bruits d’oiseaux bruns. La pluiedescend, le vent craque, c’est la fin du mondeet c’est tellement stupide que ça donne enviede pleurer de rage.
Tout à coup Caracal se fâche, engueuletout le ciel noir avec des mots, tous les salespetits mots pointus qu’elle arrive à trouver.Le ciel en prend plein la gueule, c’est garantique ça le choque et d’ailleurs il répond, ilbalance des claques énormes et noires commedes secousses. Il est inimaginablement con, leciel. Con, mais alors... con ! Il atteint Caracaldans la figure, elle titube en dessous du choc.Son foulard blanc et bleu reçoit des égratignures de pluie noire.
Alors Caracal crie avec toutes ses dents :
– Touche pas à mon foulard.
Elle crie ça au ciel mais si quelqu’un voyait Caracal crier des mots vers le ciel, c’est sûrqu’il se dirait : cette jeune fille a du mérite.
Elle en est là, les mains fermées, commeclouées, les yeux presque cassés à force deregarder dans l’ombre, quand, au fond de lanuit, dans son dos, les deux phares d’uneauto paraissent tout au bout du chemin.
Alors Caracal se retourne.
 
Le vent ne peut pas mentir. À ce moment,s’il étouffe la prairie sous des balles depénombre, c’est peut-être pour la punir. Unehistoire entre la terre et l’ombre, que leshommes ne comprennent pas.
Les tentes des guides, sur la prairie, sontinnocentes. D’un côté, sur un long arc decercle, les cinq tentes des cinq patrouilles dela Compagnie : les Alouettes, les Pumas, lesRenards, les Mustangs et les Éperviers. Surtout de l’immobilité. Rien ne bouge sinon lapluie, mais la pluie bouge sans bruit. Seulcompte le bruit.
De l’autre côté, les tentes des cheftaines, du matériel, de l’intendance où brillent del’inquiétude et des lueurs mouillées.
Il est 21 h 12, la prairie est vide complètement.
La tente des Alouettes est la première surl’arc de cercle des cinq patrouilles. Chez lesAlouettes pas une des guides ne dort, malgréle silence. Assises, couchées, dans la demi-lueur des lampes leurs yeux se portent surMouette, la CP, chef de patrouille. Parce queles Alouettes sont la patrouille de Caracal.Caracal-la-drôle, Caracal-la-terrible, qui dribble même les garçons, les cuistots, avec uneballe de foot, Caracal qui grimpe aux arbrescomme un garçon manqué, marche presquesur les mains et peut jongler avec cinq ballesde tennis. Caracal qui ce soir reste pour lesAlouettes Caracal-la-disparue. Dans la tenteles guides écoutent les détonations du ventsur la prairie, et regardent Mouette.
Mouette a passé une grosse veste, elle réfléchit. Elle se retourne et dit à Milan, saseconde :
– Je reviens, là.
Sans un mot des guides, elle sort de latente, referme les battants pour l’eau, pour levent, pour la nuit.
Mouette, sortie de la tente, reçoit unesecousse du froid sur les yeux, mais ça nel’arrête pas, elle se durcit. Sur sa droite lapremière tente, à vingt mètres, est celle desPumas, un cube de toile rude. La toile destentes est rude. Elle est verte. Lorsqu’elle estmouillée, la toile s’alourdit, se rebelle. Ons’arrache des ongles à la tirer, la plier, lafermer. Elle se refuse, la toile, elle s’oppose.Les cordes passent dures, les crins se raidissent, mordent les mains.
Sous la tente des Pumas dorment presquetoutes les Pumas, sauf deux dernières quis’apprêtent à tout fermer. Le lumogaz donnedes signes de faiblesse, des hoquets depénombre, et la petite flamme de gaz blancfaiblit comme une agonie. Sa lampe de pocheà la main, agenouillée sur son duvet, Renardeau remue du papier, des chaussettes, au fond de son sac, à la recherche d’un pull-overintrouvable. Le lumogaz décide de mourir.On entend « merde » au fond de la tente, avecdouceur. Un corps endormi se retourne.Renardeau retrouve le pull-over dont unemanche est trempée, qu’elle essore. Elle seglisse dans son duvet, éteint sa lampe, soupireet s’endort. La tente des Pumas en toile rudedescend dans le calme étonnant de la nuit.
Mouette voit la tente des Pumas puis celledes Renards, vingt mètres plus loin. Mouettese dit que les Renards dorment. Elle lève sesyeux vers le ciel où forcément rien ne brille,puis regarde encore la tente des Renards et sedit que sans doute les Renards dorment.
Plus loin les Mustangs, et la tente desMustangs est remplie de lumière silencieuse.Dorcas est la CP. Enveloppée de trois épaisseurs de pulls et de duvet, Dorcas lit. Les CPsont ainsi : elles n’ont de libres que dix àquinze minutes par vingt-quatre heures, oùpassent au-dessus d’elles les coups de frissonsde la Compagnie. Dorcas, la CP des Mus tangs, utilise ces douze minutes pour lire : Crime et châtiment de Dostoïevski. Elle a calculé qu’à raison d’une page et demie parminute, de douze minutes par jour, elle mettra quatre-vingt-deux virgule trois jours àfinir le roman.
À côté d’elle, Poney, sa seconde, parle avecMalamute, tout bas. Couchée sur le côté, uncoude à terre et la tête sur la main. Unmalamute, c’est un chien polaire, esquimau ;ça lui va bien, à Malamute, son totem, sûrement à cause de ses yeux. Dorcas, Malamuteet Poney sont les trois plus grandes

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