L insoumise 1 - Enchaînée
99 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'insoumise 1 - Enchaînée , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
99 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Les trois juges se tiennent à cheval, immobiles. De leur visage cuit par le soleil on ne voit guère que les yeux durs et cruels. Les hommes portent leurs armes, car la sentence qu'ils doivent prononcer est la plus grave. Le crime est évident, énorme, et l'accusé ne le nie même pas.
Bannie de sa tribu pour avoir refusé d'épouser le fils du chef, la jeune guerrière Khojen doit quitter la steppe où elle est née. À la fois chasseuse et gibier, il lui faut fuir pour éviter la mort.
Partant à la recherche des dieux de sa tribu, qu'elle tient pour responsables de son sort, elle se rend compte que sa solitude fait d'elle une victime. Violente, têtue, courageuse, elle devra affronter un monde qu'elle ignore et qui la méprise. Des rencontres inattendues lui seront d'un précieux secours.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2012
Nombre de lectures 35
EAN13 9782894358764
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Page titre
LAURENT CHABIN
Crédits

Ce roman a été écrit à partir de la version originale publiée sous le titre de Wlasta aux Éditions Pierre Tisseyre.

Illustration de la page couverture : Boris Stoilov
Conception de la couverture et infographie : Marie-Ève Boisvert, Éditions Michel Quintin
Conversion en format ePub : Studio C1C4

La publication de cet ouvrage a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil des Arts du Canada et de la SODEC.
De plus, les Éditions Michel Quintin reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par procédé mécanique ou électronique, y compris la microreproduction, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

ISBN 978-2-89435-876-4 (version ePub)
ISBN 978-2-89435-568-8 (version imprimée)

© Copyright 2012

Éditions Michel Quintin
4770, rue Foster, Waterloo (Québec)
Canada J0E 2N0
Tél. : 450 539-3774
Téléc. : 450 539-4905
editionsmichelquintin.ca
1 - Le bannissement

Le tribunal est dressé au centre du camp.
Ni estrade ni construction de bois ou de pierre, cependant. Ni greffier ni perruques poudrées ; ni avocat ni procureur ; pas le moindre décor pour rehausser la solennité ou la gravité du moment.
Rien. Rien d’autre que les cavaliers, figés comme des statues sous un soleil de plomb.
Les trois juges se tiennent à cheval, immobiles. Celui du milieu est le plus grand, les deux autres, un de chaque côté, sont légèrement en retrait. Trois guerriers, armés et casqués.
On les dirait prêts à partir en guerre plutôt qu’à rendre un verdict. De leur visage cuit par le soleil on ne voit guère que les yeux durs et cruels, car leur front bas est ceint jusqu’aux sourcils d’un bandeau de cuir.
Leur chevelure sale et hirsute émerge de l’espace étroit laissé entre le bandeau et le casque, également de cuir. Il en jaillit des ornements de corne ou d’os, qui représentent des figures grimaçantes ou des démons grossièrement sculptés.
Le reste de la figure est à l’avenant, hideux et terrifiant. La peau de leurs joues semble brûlée. Elle l’a été, en effet, et pas seulement par le soleil de la steppe. À la fin de l’enfance, on l’a frottée avec des charbons ardents jusqu’à tuer définitivement les poils naissants. Si ces trois-là occupent leur position aujourd’hui, c’est, entre autres, parce qu’ils n’ont pas crié tout le temps qu’a duré l’opération.
Il règne une chaleur insupportable ; cet été est particulièrement torride. Le camp est établi dans la plaine immense et dépourvue d’arbres. Il est écrasé par le soleil implacable, infesté par les mouches. Il est midi, il n’y a pas d’ombre.
Face aux trois cavaliers, à distance respectable, toute la tribu, à cheval, s’est rangée en un large demi-cercle autour duquel les chariots forment un rempart circulaire encore plus vaste. Les enfants, tapis derrière les roues des chariots, suivent la scène avec intérêt. On pourrait croire qu’on va assister à une pièce de théâtre.
Mais il ne s’agit pas d’un spectacle. Il s’agit d’un jugement, et d’un jugement exceptionnel. Les trois juges portent leurs armes, car la sentence qu’ils doivent prononcer est la plus grave.
Le chef de la tribu, qui préside le tribunal, vient de terminer son réquisitoire. Bref, empli de colère, il a été prononcé d’une voix gutturale dans une langue rude dépourvue de flexions et de métaphores. Une langue de guerriers.
Il est évident que le verdict est arrêté depuis longtemps. Les juges ont à peine délibéré entre eux, à voix basse. Simple rituel, mise en scène destinée à donner un peu de suspense au cérémonial.
Le crime est évident, énorme, et l’accusé ne le nie même pas.
Celui-ci se tient debout devant ses juges, tête nue, comme planté au milieu de cet immense demi-cercle vide et poussiéreux, accablé par l’atroce chaleur, harcelé par les mouches. Bien qu’il porte le vêtement des cavaliers, il est le seul à ne pas avoir de cheval.
Il sait, lui aussi, quelle sera sa punition, mais il ne dit rien. La foule ne voit pas son visage car il lui tourne le dos. Le silence est mortel.
Enfin le chef reprend la parole :
— Khojen, tu as défié nos lois et nos dieux. Malgré nos mises en garde, tu as persisté dans ton attitude criminelle, et nous voyons clairement que tu n’en éprouves aucun remords. Nos lois sont claires, tu mérites le châtiment le plus grave, et tu le subiras sans délai.
Pas un murmure ne s’élève de la foule assemblée. La condamnation est sans surprise. Dans cette tribu de guerriers, les sentiments n’ont pas leur place, on n’y connaît ni les larmes ni les soupirs.
Le chef poursuit :
— Le bannissement, Khojen. Aujourd’hui même tu quitteras le camp pour ne plus y revenir. Conformément aux traditions, tu auras le droit d’emporter tes armes, mais tu n’auras pas de cheval. Dans trois jours exactement, à midi, la chasse pourra commencer. Alors, quiconque te rencontrera, où que ce soit, dans les limites de notre territoire ou à l’extérieur, aura le droit de te tuer sans avertissement.
Le chef se tait. Il reste immobile. Les hommes savent tous que ce châtiment est terrible, car la plaine qui s’étend sans limites au-delà du campement n’est hantée en hiver que par des vents glacés, et, en été, elle est brûlée sans répit par un soleil de plomb.
— As-tu quelque chose à dire pour ta défense ? reprend le juge. Souhaites-tu exprimer ton repentir ?
Khojen le regarde droit dans les yeux. Son visage dur et fermé n’affiche qu’un sourire méprisant. Un seul mot sort de ses lèvres, résumant sa pensée :
— Non.
Le chef lève alors sa lance et, d’un geste plein de fureur, la plante juste devant les pieds du condamné. L’empennage de fourrure se balance un moment avant de pendre, immobile, dans l’air surchauffé. Plus un mot ne sera prononcé.
La foule s’écarte maintenant en silence. On n’entend que le martèlement assourdi des sabots dans la poussière. Comme dans un ballet réglé à l’avance, elle ouvre vers l’ouest un passage au condamné, une porte sur le vide de l’horizon.
La porte de l’exil.
Sans un mot, le banni se retourne et se met lentement en marche, sans un regard pour ceux qui l’entourent.
C’est une femme. Une toute jeune femme.
2 - Le peuple des cent mille chevaux

Khojen vient de quitter le camp. Elle sait qu’elle ne le reverra jamais.
Bientôt les chariots disparaissent derrière elle, sombrant au-delà de la ligne d’horizon qui tremblote sous la chaleur intense. La jeune bannie semble à présent minuscule et misérable dans l’immensité de la steppe.
Elle se dirige vers l’ouest, tête baissée car le soleil est toujours aveuglant, bien qu’il ait commencé à décliner.
Ce n’est pas la première fois qu’un membre de la tribu est frappé de bannissement, même si la chose est assez rare. La survie de la horde dépend de sa cohésion et de son obéissance aux lois.
Pourtant, Khojen se souvient d’un précédent. Elle avait une douzaine d’années, à l’époque, et un guerrier avait été exilé comme elle. Son nom lui revient en mémoire : Mangu.
Elle ignorait alors les raisons exactes de ce bannissement, même si elle les devine aujourd’hui – il n’existe au sein de la tribu que deux crimes reconnus : la trahison et l’insubordination aux lois.
Les traîtres, eux, sont exécutés sur-le-champ. On leur tranche la tête et leur corps démembré est ensuite dispersé dans la steppe, abandonné aux charognards. Nulle sépulture, nulle cérémonie n’est permise, car il faut éviter la survie de l’âme du défunt et son possible retour parmi les siens.
Tout souvenir du condamné, dont les armes et les possessions sont brûlées ou détruites, est également proscrit. Son nom est oublié et ses faits d’armes, pour glorieux qu’ils aient été dans le passé, sont purement et simplement rayés des mémoires. <

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents