Chacal, mon frère
125 pages
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Chacal, mon frère , livre ebook

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Description

Deux frères que tout oppose endurent tant bien que mal l’existence de l’autre. La succession du père, qui a fondé une scierie prospère, vient cristalliser leur rivalité. Incapable de prendre la relève, l’aîné camoufle sa jalousie dans une fébrile activité poétique, où la puissance des mots esquisse toutefois des plans meurtriers.
Au coeur du Madawaska, dans un village forestier sans histoire, deux frères naissent à quelques années d’intervalle, Bruno dans le tumulte des eaux en crue, Étienne au moment de la floraison des lilas. Dès l’enfance, tout les oppose : l’un, au comportement étrange, semble habité par des démons ; l’autre est brillant, sensible et promis au succès.
Vient le moment d’assurer la succession du père, riche propriétaire de la scierie… Dès lors, la situation dégénère. La jalousie de l’aîné s’amplifie avec les conquêtes amoureuses du cadet, elle devient haine et… désir de destruction.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2010
Nombre de lectures 1
EAN13 9782895971597
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHACAL, MON FRÈRE
Prix des lecteurs Radio-Canada 2011
DE LA MÊME AUTEURE
Œuvres – Jeunesse
Un tintamarre dans ma tête (roman), Montréal, Chenelière/ McGraw-Hill, 2003.
Le vœu en vaut-il la chandelle? (roman), Montréal, Chenelière/ McGraw-Hill, 2003.
La Chandeleur de Robert (album, illustrations de Denise Bourgeois), Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.
Élise à Louisbourg (album, illustrations de Suzanne Dionne-Coster), Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.

Romans
Je regardais Rebecca , Moncton, Éditions d’Acadie, 1999.
L’antichambre , Moncton, Éditions d’Acadie, 1997.

Théâtre
Enfantômes suroulettes (jeunesse), Moncton, Michel Henry Éditeur, 1989.
Mon mari est un ange , Moncton, Michel Henry Éditeur,1988.
Les ans volés , Moncton, Michel Henry Éditeur,1988.
Le gros ti-gars (jeunesse), Moncton, Michel Henry Éditeur, 1986.
Gracia Couturier
Chacal, mon frère
Roman
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Couturier, Gracia, 1951-
Chacal, mon frère / Gracia Couturier.
(Voix narratives) ISBN 978-2-89597-126-9
I. Titre. II. Collection : Voix narratives
PS8555.O834C413 2010 C843’.54 C2010-901190-2
ISBN format ePub : 978-2-89597-159-7


Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l'Ontario, la Ville d'Ottawa et le gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada.
L’auteure remercie le Conseil des Arts du Canada (PICLO) et le Conseil des arts du Nouveau-Brunswick de leur aide financière par le biais de leur programme de bourse en création littéraire.

Les Éditions David
335-B, rue Cumberland
Ottawa (Ontario) K1N 7J3

Téléphone : 613-830-3336 / Télécopieur : 613-830-2819

info@editionsdavid.com
www.editionsdavid.com

Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1 er trimestre 2010
à Geneviève
ROMAN
I
B RUNO BELLEFLEUR se berce dans le vivoir de la grande maison familiale. Les jambes recroquevillées, le menton appuyé sur les genoux, immobile, il se berce à un rythme lent et régulier, comme si la berceuse se mouvait par elle-même sous l’hypnose du silence qui enveloppe la maison. Les yeux hagards rivés à l’écran de la télévision muette — Bruno déteste le bruit —, il regarde les tours du World Trade Center s’effondrer à l’écran. Les deux tours s’écrasent, l’une après l’autre, inlassablement, à intervalles presque réguliers. Il fixe l’écran, sans bouger.
Cette attitude figée n’a rien d’extraordinaire chez cet homme. Il a l’habitude de rester immobile durant de longues heures, le regard fixe devant lui. Ses yeux pers, recouverts en permanence d’un voile translucide, lui donnent un air absent, détaché du monde. Avec son teint grisâtre et son crâne chauve, il ressemble à une statue taillée dans le grès.
L’après-midi tire à sa fin. Depuis midi, Bruno regarde fixement le World Trade Center se détruire dans le silence de la maison Bellefleur. Chaque fois qu’une tour s’écroule au petit écran, l’homme de trente-trois ans se questionne sur la genèse de l’événement. Et il pense:

le soleil se lève parfois sur la rive ouest de la rivière
Cette rivière qui s’insinue dans la forêt dense file son chemin vers la mer, paisiblement, comme insouciante du drame qui se passe dans la maison Bellefleur.
La poussière emplit les rues de New York. Les gens courent partout, silhouettes grises de cendres. Les décombres suivent en débandade. Les gens se sauvent. Toute cette agitation rappelle à Bruno des images de printemps, quand la rivière en crue charrie tout ce qu’elle ramasse sur son passage. Chaque printemps, il passe des heures devant la fenêtre du salon à regarder la rivière déchaînée, réminiscence de sa propre genèse qui s’est écrite un soir d’avril, il y a trente-trois ans.
La rivière en crue commençait à sortir de son lit. Irène Bellefleur regardait l’eau progresser vers la maison. La pluie ne semblait vouloir cesser, pas plus que le tourbillon qui s’agitait dans son gros ventre. Assise dans sa chaise berceuse, Irène comptait les blocs de glace qui descendaient le courant devant la maison, en même temps qu’elle comptait les petits coups de pieds frénétiques contre ses côtes. Parfois elle mélangeait le nombre de blocs avec les ardeurs intermittentes du fœtus. La rivière en débâcle rythmait le tumulte de ses entrailles.
Figée dans sa contemplation, Irène goûtait cet instant de solitude, paradoxalement paisible. Elle ferma les yeux, continua un léger bercement. S’abandonnant à la somnolence, elle ne comptait plus ni les petits icebergs ni les coups de pieds. Dans le confort de son salon, à la chaleur du foyer en pierre des champs qui crépitait comme un matin d’hiver, elle ne sentit pas la température extérieure descendre brusquement, elle ne vit pas la pluie se changer en neige et la route se fermer progressivement à la circulation.
À la scierie du village, Georges était occupé à préparer les équipes de drave et ne vit pas, lui non plus, le temps changer. D’ailleurs, ce n’était pas une petite neige qui l’aurait inquiété; il en avait vu d’autres, et des pires. C’est en sortant de l’usine à la fin de la journée qu’il constata le réel état des choses: sa voiture était ensevelie aux trois quarts sous la neige et il ne distinguait plus le chemin qui menait à la route du village.
Mais les gens avaient l’habitude de ces tempêtes dans les hautes terres du Madawaska et chacun avait sa solution de rechange: les raquettes, les motoneiges et autres véhicules patentés selon l’ingéniosité et les moyens. Les employés rentrèrent donc chez eux en se dépannant les uns les autres. Georges chaussa ses raquettes qu’il gardait toujours dans un placard et entreprit son trajet. À peine deux kilomètres, en piquant à travers le bois. Les arbres le protégeaient du vent. Une belle marche, au fond, mais c’était sans compter la crue des eaux: la rivière avait envahi le sentier qu’il avait défriché en ligne droite parmi les arbres, reliant sa maison à son usine. Il bifurqua à travers les conifères et se fraya un chemin plus haut, mais la neige mouillée et pesante ralentissait considérablement son pas. Il arriva chez lui une heure plus tard, trempé jusqu’à la moelle et trouva sa femme en plein travail, le front dégoulinant de sueur.
— Déjà!
Irène avait des contractions de plus en plus rapprochées; c’étaient d’ailleurs ces douleurs lancinantes qui l’avaient tirée de son sommeil.
Si Georges avait sorti plusieurs fois de gros hommes de bourbiers dangereux et soigné des blessures graves du temps qu’il était bûcheron dans les chantiers, il n’avait aucune espèce d’idée quoi faire avec une femme sur le point d’accoucher. Irène lança un cri de douleur, paralysée par une forte contraction.
— Irène!
— L’hôpital…
— Les routes sont bloquées!
Irène reprit son souffle, regarda son mari droit dans les yeux et sur un ton de reproche qu’il ne lui connaissait pas:
— Ben, lui a décidé de naître aujourd’hui et ça, Georges Bellefleur, tu peux pas le négocier.
La remarque était blessante pour le jeune homme à l’aise et aux coudées franches qui faisait son chemin dans le monde des affaires depuis une dizaine d’années. Mais là, il se retrouvait dans un univers inconnu et il était seul à pouvoir intervenir. Il lui fallait réfléchir et vite: la ville et le médecin le plus proche sont à plus de cinquante kilomètres. Irène hurla de douleur. Il sauta sur le téléphone et appela son ami Rodney Jessop, en espérant qu’il ait eu la chance de se rendre chez lui.
— Ma femme est en train d’accoucher! Qu’est-ce que je fais?
Rodney consulta son épouse qui avait accouché deux fois. Georges haletait au bout du fil, heureux d’avoir fait installer le téléphone chez Rodney qui n’en voyait pas l’utilité. Rodney est un ami des chantiers qu’il avait convaincu de venir travailler pour lui et il voulait avoir son homme de confiance à portée de téléphone, malgré les réticences d’Irène qui lui reprochait d’empiéter sur la vie privée de ses employés.
— Tu vois, ma belle, dit-il à Irène en mettant la main sur le récepteur, c’est utile à autre chose que la scierie, le téléphone à Rodney.
Pour toute réponse à la pointe de son mari, elle hurla en se pliant en deux. Rodney entendit la plainte d’Irène et cria à son tour qu’il arrivait en skidoo et qu’ensemble, ils la transporteraient chez la vieille Élise.
— Elle en a eu quatorze, elle doit savoir quoi faire. Georges, ma femme dit qu’il faut pas qu’elle pousse. Faut pas qu’Irène pousse.
— Pousse pas, chérie, répéta Georges à Irène. Faut pas que tu pousses.
— Je voudrais t’y voir, toi, le bulldozer!
Georges encaissa le coup, ce n’était pas le temps de discuter. Le changement subit dans le caractère de sa femme l’énervait presque autant que l’urgence de trouver quelqu’un pour les aider. Dehors, on aurait dit que la rivière se retenait du mieux qu’elle pouvait, comme si elle voulait atténuer l’angoisse des riverains. Mais elle ne se dégonflait pas pour autant. Rodney arriva au bout de ce qui sembla une éternité pour le couple qui était sur le point de voir naître son premier enfant. Il entra dans la maison en coup de vent.
— Ça passera pas chez la vieille Élise, la rivière a emporté le petit pont.
Georges Bellefleur n’est pas homme à se laisser abattre. Il ne savait peut-être pas comment aider sa femme à accoucher et que faire du bébé une fois sorti, mais il connaissait la rivière depuis qu’il était enfant.
— Y a juste une solution, Rodney. La rivière.
— Pas pire que la drave.
Rodney Jessop aimait les défis. Georges encouragea Irène du mieux qu’il put. Mais le seul mot drave suffisait à l’inquiéter. Elle savait que Georges avait failli y laisser sa vie et que c’est justement ce qui l’avait incité à ouvrir sa scierie. À moins qu’il lui ait raconté cette histoire pour faire le faraud quand il avait voulu la convaincre de quitter la ville pour venir vivre avec lui. Avait-il eu besoin de se donner une image de valeureux pour se sentir à la hauteur de cette be

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