Chroniques de la Gypco
146 pages
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Chroniques de la Gypco , livre ebook

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Description

La Gypco est une compagnie maritime qui gère, depuis son port d’attache aux Bermudes, une flotte de vraquiers transportant du gypse (gyprock) . Ses deux cargos jumeaux, le Gypco King et le Gypco Baron ont pour mission d’acheminer cette cargaison, extraite d’une mine de gypse canadienne, depuis le port de Hantsport (Nouvelle-Écosse) jusqu'à différentes installations sur la côte est des États-Unis. il y a, par mer, une distance d’un peu plus de 1200 milles marins entre les deux ports les plus éloignés. Mais au-delà la distance, il y a la vie à bord. Notre chroniqueuse, mécanicienne en second et responsable de son équipe de Philippins, nous narre ici des événements et anecdotes qui forment la trame du quotidien.


L’écriture de Marie-Andrée Mongeau, limpide et directe, humoristique et décalée, nous entraîne avec précision dans les cadres intrigants mais parfois déroutants d’un mode d’existence très particulier. Vite, on comprend que son lieu de travail incroyable, cette réalité alternative, cet ordinaire extraordinaire, existent... Et qu'il faut absolument les découvrir.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782924550434
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chroniques de la Gypco
Marie-Andrée Mongeau
© ÉLP éditeur, 2018 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com ISBN : 978-2-924550-43-4
Conception graphique : Allan E. Berger Image de la couverture: Marie-Andrée Mongeau, 2001
Avis de l'éditeur
Cet ouvrage d’ÉLP éditeur est pourvu d’un dispositi f de protection par filigrane appelé aussi tatouagewatermark en anglais) et, par conséuent, n’est pas verrouil par un DRM (Digital Right Management), verrou de protection nécessitant l’ouverture d’un compte Adobe. Cela signifie ue vous en êtes p ropriétaire et ue vous pouvez en disposer sans limite de temps ou sur autant d’appar eils (liseuses, tablettes, smartphones) ue vous voulez.
Cet ouvrage s’avère néanmoins protégé par le droit d’auteur ; en l’achetant, vous vous engagez à le considérer comme un objet uniue destiné à votre usage personnel et à ne pas le diffuser sur les réseaux sociaux ou les sites d’échange de fichiers. Veuillez prendre note ue cet avis ne s’appliue pa s si vous vous procurez cet ouvrage dans un écosystème fermé comme celui d’Amazon ou iT unes.
ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numériue fondée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada), ÉLP a toutefois un e vocation transatlantiue : ses auteurs comme les membres de son comité éditorial p roviennent de toute la Francophonie. Pour toute uestion ou commentaire co ncernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : ecrirelirepenser@gmail.com
Mot de l’auteure
Chroniques d’un temps révolu, où internet ne passait que par intermittence à travers une ligne téléphonique laborieusement connectée à c ertains ports, où les téléphones cellulaires n’existaient pas pour le commun des mor tels, où la poste par char à bœufs (dans les ports d’attache seulement) était presque le seul moyen de communication pour les marins…
Des illustrations vous intéressent ? Allez vous bal ader sur mon blogue:http://canard-a-vapeur.blogspot.ca/
Marie-Andrée Mongeau
Pont
Organigramme
Capitaine :seul maître à bord après le boss de la compagnie du bureau des Bermudes. Ne connaît pas grand-chose à la mécanique alors finalement c’est le Chef qui tire les ficelles.
Premier maître :représentant du capitaine pour le travail de pont. Effectue le quart de quatre à huit à la timonerie.
Deuxième et troisième maîtres : officiers mineurs, effectuant respectivement les quarts de douze à quatre et de huit à douze à la timonerie.
Maître d’équipage (ou bosun) : genre de super-matelot, représentant du premier maître auprès des autres matelots.
Matelots : expérimentés à des degrés divers, ils exécutent les ordres du premier maître, relayés par le maître d’équipage. O.S. (ordinary seaman) :exécute les menus travaux que les matelots répugneraient à faire.
Cadet de pont :moins que rien, est là pour apprendre devenir éventuellement seul maître à bord après Dieu. Fait les travaux que le O.S. ne veut pas faire.
Salle des machines
Chef mécanicien :du café et jase avec le personnel de la galley, surtout à l’époque où boit c’était du personnel féminin. Accessoirement responsable de la salle des machines, mais surtout côté bureaucratie. Second mécanicien : responsable de la bonne opération et de l’entretien de la salle des machines. Travaille de jour. Troisième, quatrième et cinquième mécaniciens : officiers mineurs, effectuant respectivement les quarts de quatre à huit, douze à quatre et huit à douze.
Fitter :genre de super-huileur, représentant du second mécano auprès des autres huileurs.
Huileurs :à des degrés divers, ils exécutent les ordres du second mécano, expérimentés relayés par le fitter. Wiper :exécute les menus travaux que les huileurs répugneraient à faire.
Cadet de machine :moins que rien, est là pour apprendre à devenir éventuellement celui qui boit du café et qui jase avec le personnel de galley, surtout si ceux-ci sont de sexe opposé. Fait les travaux que le wiper ne veut pas faire.
Galley
Cuisinier :il fait la cuisine.
Assistant cuisinier :aide le cuisinier à cuisiner.
Messman:faitlecafédesofficiers,faitleslitsdesofficiers,faitleménagedesofficiersetfait
Messman:faitlecafédesofficiers,faitleslitsdesofficiers,faitleménagedesofficiersetfait la vaisselle de tout le monde.
Chronique1 La Gypco
Gyprock Co. Ou « Gypco », comme nous l’appelons fam ilièrement… La compagnie de navigation où j’ai fait mes premières armes comm e cadet mécanicien dans la marine marchande…
À part Hantsport, en Nouvelle-Écosse, où l’on charg e de la roche de gypse, nous accostons aussi, pour décharger, dans quelques port s de la côte est des États-Unis : Boston, Stony Point, Baltimore, Norfolk, Jacksonvil le. Nous allons là où les besoins sont criants, faire notre contribution à la civilis ation américaine : aider à produire des panneaux degyprock(gypse), qui finiront en bungalow de banlieue. Nob le destinée.
Bon, il n’y a pas de sot métier, après tout.
C’est là que j’ai navigué pendant mes premières ann ées de cadet, avec un équipage canadien-anglais et quelques autres cadets québécoi s. Petits cadets deviendront grands, nous finissons par monter en grade et deven ir officiers, de pont ou de machine, pour prendre notre place graduellement parmi les Ca nadiens-Anglais, venant pour la plupart de Hantsport même ou des alentours. Nous ét ions sous pavillonbritish, qui, pour des fins d’économie, a été finalement délogé p ar le pavillon des Bermudes. C’est là maintenant que le siège social s’est installé.
Puis le goût de l’aventure m’a menée ailleurs : nav ires grecs au Venezuela, navire américain dans le Golfe Persique, navire canadien d ans le Grand Nord, navire français en Algérie… la belle existence de nomade, quoi !
Pendant mon absence, l’équipage québéco-canadien-an glais s’est soudain fait déloger à son tour, toujours pour des raisons d’éco nomie, par un équipage philippin. Seuls sont restés à bord les officiers dits supérie urs : le capitaine et son premier maître, le chef mécanicien et son second mécano. Et pendant mon absence, je suis aussi montée en grade, et suis devenue second mécan icien.
C’est ainsi qu’un jour, Dianna-des-Bermudes, la nou velle déesse des ressources humaines de la Gypco, m’appela.
J’étais positivement ravie ! Après toutes mes pérég rinations un peu partout, le petit village de Hantsport, port d’attache de la compagni e, me manquait. Ainsi que ces coursives que j’avais tant parcourues, la vaste sal le des machines aux turbines rutilantes, tous ces petits recoins que je connaiss ais par cœur, cette poussière de gypse omniprésente, ceboum-boum-badaboum que fait la roche de gypse en en tombant des convoyeurs de chargement jusque dans no s cales… Une immense nostalgie m’habitait.
Bien sûr, je savais que l’équipage ne serait plus j amais le même. Je n’allais tout de même pas laisser ce détail ternir ma joie puisque c ’était surtout les navires eux-mêmes, lesS.S. Gypco King etS.S. Gypco Baronme manquaient… Par ailleurs, qui Dianna-des-Bermudes s’est fait un plaisir de m’énum érer, parmi les survivants de ce putsch, le chef mécanicien Jojo.
Jojo!Unefigurelégendaire
demonpassé.
Insaisis sable,
pince-sans-rire,
Jojo!Unefiguregendairede mon passé.Insaisis sable, pince-sans-rire, légèrement arrogant, mais rassurant. Un problème da ns la salle des machines ? Jojo sait tout. Pas toujours facile, pourtant, d’aller l e voir, penaud, pour lui avouer qu’on ne sait pas quoi faire.
Un jour, j’avais brisé un réceptacle électrique qui valait assez cher, par pure maladresse de ma part. Quelle torture que d’aller v oir Jojo pour lui avouer mon crime ! Je me sentais comme une petite fille qui a peur d’ê tre punie… Finalement, il a mis ses lunettes, a regardé ça, a tripoté un peu l’objet et a trouvé une solution, l’air très satisfait de lui-même. Ooh ! J’en étais baba ! Mais je me sen tais ensuite comme une petite fille dont le papa est merveilleux, ce qui est pire comme sensation !
Mais cette faculté qu’il a de nous faire sentir tou t petit est bien motivante pour tenter de trouver une idée pour nous tirer du mauvais pas par nous-mêmes, ne serait-ce que pour se soustraire à son sourire railleur ou patern el, selon son humeur. Sa devise ? «Just try and see what happensvait» [1]. Dianna prend la peine de préciser que Jojo a l’air «quite happyrque, bien que(hum… plutôt content ?) que ce soit moi qui emba  » «You were not the best of friends». Nous n’étions pas les meilleurs amis du monde… Ah oui, d’accord…
Le capitaine est aussi une figure bien familière : le capitaine McDougall, affectueusement surnommé « Macdo ». Un Écossais pur e laine, bon vivant, aimé de tout l’équipage. Savoir qu’il serait à bord me rass urait beaucoup.
Le premier maître serait Miller, encore une figure connue. C’est un homme pédant, qui se dit British et en affecte les manières, mais nous le soupçonnions d’être d’origine canadienne, tout simplement. Je ne voyais pas ce qu ’il y avait de plus glorieux à être British plutôt que Canadien, mais lui semblait le s avoir. S’il se prenait déjà pour un autre à ce moment, qu’est-ce que ça allait être lor squ’il serait promu capitaine ! Et le second mécano, eh bien c’était moi. Ma propre prése nce aussi me rassurait beaucoup !
Toute fière de mon embarquement imminent, je m’empr essais d’aller m’en glorifier auprès de quelques collègues, anciens de la Gypco e t maintenant enseignants à l’école de marine. Un contrat de trois mois ! L’un d’eux, probablement un jaloux, me dit que vraiment je ne savais pas dans quoi je m’embarq uais, qu’un équipage philippin était comme pas d’équipage du tout, qu’une horde d’ étrangers à bord changerait toute l’ambiance, que je devrai faire face à une escouade d’inconnus hostiles et qu’il me souhaitait sincèrement bonne chance.
Pfft !
Euh…
Ouais…
Bon, allez, j’y vais quand même, bravement, je vais faire mes bagages, quoique avec un peu moins d’enthousiasme. J’entame mon traj et, selon l’itinéraire décrété par Dianna-des-Bermudes. Je me débrouille pour rejoindr e le petit aéroport de Mont-Joli, à quelques kilomètres de Rimouski, de là un avion mèn e à Québec, puis un autre vol de Québec à Halifax, capitale de la Nouvelle-Écosse, e t enfin, l’agent vient me chercher pour m’amener à Hantsport, à une heure de route et où j’arrive passablement en avance pour prendre mon bateau.
Chronique2 Retour à Hantsport
J’ai occupé successivement pour Gypco les postes de cadet de pont, troisième maître (eh oui, j’étais autrefois un « gars de pont » !), cadet de machine (enfin revenue à mes sens), huileur, cinquième mécano, quatrième m écano et troisième mécano avant d’aller voir ailleurs si j’y étais, sur d’autres navires, pour d’autres compagnies.
Me revoilà donc à Hantsport, six ans plus tard. Voi là six ans que je n’ai pas mis les pieds dans ce petit village si familier autrefois, ce port d’attache du navire sur lequel j’ai fait mes premières armes, mes premières gaffes et m es premiers pas titubants de petit cadet effronté.
Hantsport est tapi au fond de la baie de Fundy, en Nouvelle-Écosse, là où les marées sont parmi les plus hautes du monde, soit pr ès de quatorze mètres. Il possède une carrière de gypse qui a fait vivre les deux-cen t-cinquante habitants.
Je suis arrivée en début de matinée, par un gros so leil qui plombe sur le village à moitié endormi. L’agent m’a déposée à la porte de l a petite cabane blanche qui sert de bureau au personnel de terre. Il n’y a personne pou r l’instant et le quai, en contrebas, est désert. Je laisse mon bagage et mes tracas à la porte du bâtiment et décide de profiter du moment. Le navire que j’attends, le S.S . Gypco Baron, doit arriver par la marée du soir, vers vingt-deux heures. Ça me laisse du temps pour savourer ce retour. À chaque pas que je fais dans le village, plein de fantômes viennent me murmurer des choses à l’oreille et réveillent des souvenances en dormies depuis longtemps…
Pas de restaurant dans cette minuscule localité, qu ’à cela ne tienne, je vais faire quelques petits achats auFoodland, le supermarché local. Je me prépare un pique-nique et je me mets en quête d’un petit banc de boi s qui, dans mon souvenir, tapi dans les fourrés au sommet de la falaise, offrait une jo lie vue sur la Baie de Fundy. Je retrouve l’endroit. Les arbres sont encore là, quoi que moins nombreux que dans mon souvenir. Par contre, l’herbe est toujours aussi do uce. Le petit banc de bois gît par terre, en pièces détachées. Qu’à cela ne tienne, je prends ma clé ajustable qui ne me quitte jamais (ce que tout sac à main de jeune fill e doit contenir) et je fixe les quelques boulons qui s’étaient détachés. Le voilà presque co mme neuf, prêt à recevoir mon postérieur reconnaissant. Je m’y assieds quelques h eures pour me rappeler les bons moments…
Plus tard, une réminiscence impromptue me pousse à téléphoner à un des membres d’équipage de l’époque, un dénommé Micky, aux yeux bleus et au comportement vraiment très amical, quoique ambigu… Je retrouve s ans peine son numéro dans le bottin d’une cabine téléphonique, il habite dans un village pas très loin d’ici et il est là ! Il répond sans surprise apparente, comme si nous no us étions quittés la veille plutôt qu’il y a six ans. Mais comme c’est dommage, son ca mion est au garage alors il ne pourra pas venir me voir. Il m’assure qu’il sera au rendez-vous au prochain passage du navire, à quinze heures vingt, dans six jours (nous connaissons les heures des marées par cœur pour les prochains jours). Bon. Au fond de moi, je ne regrette pas d’avoir la journée à moi, j’ai trop de choses dans lesquelles m’imprégner.
Lerestedel’après-midisepasseplutôtbien.Puis ,àmesurequelesoleilsecouche,
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