Marroca & Autres nouvelles
151 pages
Français

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Marroca & Autres nouvelles , livre ebook

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Description

Regrouper dans un même opuscule des nouvelles - ou des contes, plus longuement élaborés - sous le titre de « Nouvelles africaines » impose, dès l’abord, la résolution de quelques questions : pourquoi l’ « Afrique » ? Quelle Afrique ? Et quels sont les caractères communs qui ont présidé au choix d’un tel florilège ? Questions simples en apparence, difficiles lorsqu’il s’agit de dégager une unité de couleur et de cohérence entre des textes qui racontent des histoires différentes, en des lieux – mais c’est le cas, au moins, pour Tombouctou – qui ne sont point africains.

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Publié par
Date de parution 07 novembre 2018
Nombre de lectures 11
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

GUY DE MAUPASSANT MARROCA & Autres nouvelles
Je dois au directeur des Editions Arcantère, aujourd’hui disparues, la découverte de ces nouvelles passionnantes de Guy de Maupassant. Il m’a encouragée à publier ce livre au Maroc ; c’est chose faite, aujourd’hui sur Youscribe. Les textes et la langue de cette si belle écriture en valaient largement la peine… R. E. K.
MARROCA Présentations Regrouper dans un même opuscule des nouvelles - ou des contes, plus longuement élaborés - sous le titre de «Nouvelles africaines» impose, dès l’abord, la résolution de quelques questions : pourquoi l’ « Afrique » ? Quelle Afrique ? Et quels sont les caractères communs qui ont présidé au choix d’un tel florilège ? Questions simples en apparence, difficiles lorsqu’il s’agit de dégager une unité de couleur et de cohérence entre des textes qui racontent des histoires différentes, en des lieux – mais c’est le cas, au moins, pour Tombouctou – qui ne sont point africains. L’Afrique, un besoin, une nécessité : « je quittai paris le 6 juillet 1881, écrit Maupassant, pour le soleil. Je voulais voir cette terre de l’Astre de jour et du sable en plein été, sous la pesante chaleur, dans l’éblouissement furieux de la lumière… ». L’écrivain ne fait alors que reprendre,
trois ans après, son texte paru dans le ‘Gaulois’ du 17 juillet 1881,Alger à vol d’oiseau: « voir l’Afrique était un des mes vieux rêves ; et je voulais la voir, cette terre du soleil et du sable … » Cette terre qui est celle de « l’Afrique vraie, brûlante, terrible » (le ‘Gaulois’,Autour d’Oran, 26 juillet 1881), l’Afrique du « désert silencieux », de « la dure lumière qui vous calcine la peau » (Dans ledésert… paysages d’Afrique, 20 septembre 1881)… Nous voici donc bien installés dans le rêve de Maupassant qui répond à une personnalité qu’il définissait dans une lettre parue au début de cette même année, et qu’il adressait à Gisèle d’Estoc, maîtresse aussi ardente que mystérieuse : « Je suis un corrompu des civilisations ; et je ne le cache pas, j’aime la beauté sous tous ses aspects. J’ai des sens que je cherche sans cesse à aiguiser (…) Je suis un gourmand enthousiaste, un gourmand solitaire qui mange pour manger, pour sentir les exquises sensations de nourritures saines, pour percevoir les saveurs diverses, les arômes légers ; les parfums fugitifs d’aimer.
Les sentiments sont des rêves dont les sensations sont des réalités (…) Oui, je suis faune et je le suis de la nuit, sur l’eau, tout seul, toute la nuit, le jour, dans les bois ou dans les vignes, sous
le soleil furieux et tout seul, tout le jour (…) J’aime la chair des femmes, du même amour que j’aime l’herbe, les rivières, la mer. Je vous répète que je suis un faune. De là peut être l’exaspération où me jettent la société, les réunions du monde, la médiocrité des conversations, la laideur des costumes, la fausseté des attitudes. » Une lettre qui explique en grande partie les Nouvelles « africaines », des nouvelles méditerranéennes, l’Algérie, de la Côte au désert. Un vaste pays où le «faune» va satisfaire sa boulimie de sensations, de toutes les sensations et cénesthésies, son « adoration » de la beauté, de toutes les beautés, son incoercible besoin de solitude et son amour de la femme, de toutes les femmes, sur le chemin de la plus vaste découverte amoureuse qu’on puisse concevoir chez un homme tenaillé par de lourds appétits sexuels. L’Afrique c’est, pour Maupassant, l’occasion « unique », dira-t-il, de se réaliser, de donner à ses « vieux rêves » de faune un contenu véritable, mais surtout une intensité, une tension jamais égalée. L’Afrique sera pour lui la terre des paroxysmes. Celle des satiétés. Frileux, il découvre le soleil implacable ; curieux, il veut
connaître et comprendre l’autre race, jusqu’en son « Ame », et les campagnes coloniales en Tunisie et en Algérie lui en donnent l’occasion ; journaliste, grand reporter, il veut témoigner ; peintre, il veut voir ; amoureux, il veut aimer dans la plénitude de ses sens inépuisables. Il sait que toutes les tentations s’offrent à lui comme autant de pièges : il est prêt à les affronter comme à s’offrir en victime clairvoyante, tantôt désabusée, tantôt amusée, prêt à y laisser toutes ses forces car, écrit-il dans la même lettre à Gisèle d’Estoc : « j’ai horreur de tout ce qui est fade, timoré, inexpressif ». En lisant cet aveu : « dans un salon, à Paris, je souffre dans tous mes instincts, dans toutes mes idées, dans toutes mes sensibilités, dans toute ma raison », l’on s’assure sans grande difficulté que le « vieux rêve » est pour lui recherche d’un bonheur nouveau, plus vrai, plus authentique dans sa violence – peut être sa sauvagerie – et jusqu’en ses excès : liberté sans retenue, instincts débridés, beauté sans fard et jusqu’au rire inextinguible de ce Tombouctou, si fort éloigné de ses bases africaines, mais qui est resté africain dans ses instincts qu’il applique sans fausse honte aux lieux et aux situations qu’il traverse. Qui veut la fin veut les moyens : ceux – primitifs – de la roublardise, du savoir faire, du courage tranquille jusqu’à la cruauté et – pourquoi pas - ceux qui n’admettent aucune limite, de la
bestialité des «anthropophages» à la divine bonté et générosité des justes. Dans la joie la plus énorme, comme dans les farces de la plus « haute gresse ». Des images qui vont rejoindre celles de Marauca : « Son œil frémissant, ses grandes lèvres entrouvertes, ses dents pointues, son sourire d’amour féroce, tout cela me montrait la hachette à fendre le bois dont le tranchant aigu luisait… ». Et parce que les situations ne sont jamais trop excessives, qu’un brin de sadisme doit s’y montrer, une hachette qui pourrait fendre la tête d’un mari trop soupçonneux. Et tout cela en étouffant de « gaieté ». Avec cette conclusion lapidaire : « Et voila, mon bon, comme on aime en Afrique ! » (p.34).  Avec les mêmes ingrédients : l’extrême nervosité, la gloutonnerie avide – et non plus la gourmandise européenne – la férocité instinctive qui libèrent des forces intactes dans leur primitif besoin de satiété, la cruauté vibrante qui ne demande qu’à s’exprimer dans la pleine lumière (« le tranchant aigu luisait ») et l’intensité d’une satisfaction qui s’exprime dans le rire le plus fou ou … le sourire le plus entendu. C’est bien dans ce pays nouveau, celui « du soleil, du bonheur, de l’instinct à l’état pur, nerfs
affolés (p.22) », que Maupassant est parti en chasse comme le fera Georges Duroy lâché sur le boulevard parisien avec ses habitudes de chasseur d’Afrique. Un autre Tombouctou, mais plus complexe dans son ambition effrénée et sans générosité aucune. Les Nouvelles africaines de Maupassant révèlent l’homme aussi bien que ses techniques d’écriture. L’homme apparaît dans ses désirs, dans ses besoins et élans les plus essentiels, dans ses passions les plus violentes, dans une totalité primitive brutale comme l’est toute expression frénétique. L’Afrique, c’est le vieux rêve du bonheur « absolu » enfin assouvi quand l’être se sent écrasé, dévoré, absorbé par la nature, le vieux rêve de nudité, une familiarité avec le désert et l’instinct quand la mort rôde. Un apprentissage quotidien qui efface les angoisses et apprend la dignité. L’Afrique c’est la rencontre attendue avec cet autre monde révélateur de beauté et d’authenticité, pour l’être de chair un sorte de retour à ses racines profondes, à la part la plus « primitive » de lui-même. L’homme qui avoue : « je suis né avec tous les instincts et les sens de l’homme primitif » (Amour, II, 845), n’a que mépris pour la civilisation occidentale décadente. Les Barbares et leurs luttes(L’Orient, p.47), une civilisation qui ne sait
apporter que ses habitudes les plus corrompues, que ses luttes illusoires où dominent la « ruse » et la « défaite» (L’Orient, p.47). Denise Brahim dans sa belle présentation de‘Maupassant au Maghreb’exprime l’idée avec une grande justesse : « On sait qu’une certaine animalité (celle de l’arabe des tentes) dans les attitudes et même dans les traits est toujours, chez lui, source d’attirance et d’éloge car elle est la marque d’une limite à l’érosion subie par les civilisés » (p.21). L’Afrique devient alors ouverture sur une pensée coloniale véritable, une interrogation sur un monde « primitif » que l’homme comprend jusqu’en ses excès avec cette certitude qu’existe une « infranchissable et secrète barrière que la nature incompréhensible a verrouillée entre les races » et qui se mesure si bien dans la cruauté de Marroca, dans l’infidélité d’Allouma, fille du vent et du désert, dans la terrible insouciance de Mohammed – fripouille, comme dans le rire de Tombouctou. Qu’on y prenne garde cependant : ce « racisme » n’a rien de spéculatif : Maupassant en constate l’existence et s’interroge, conscient des douloureuses ambiguïtés qui pèsent sur des problèmes qui semblent bien se définir en fonction d’une totale responsabilité de la nature, qui s’est employée à isoler les hommes – corps et esprit – par une « barrière infranchissable ».
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