Contes fantastiques
236 pages
Français

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Contes fantastiques , livre ebook

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Description

Extrait : "Hélas ! disait en pleurant l'infortunée créature, Dieu n'aura-t-il jamais pitié de moi ! Voilà trois ans que mon homme, en allant à sa vigne, trouva sur sa route un sac d'argent dont le bon emploi nous promettait quelque aisance. Il achète un coin de terre, avec un maisonnette, et, à peine installés, voilà que tous les malheurs nous arrivent."

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 29
EAN13 9782335007350
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335007350

 
©Ligaran 2014

Cinabre

I
Au bord d’un champ de genêts fleuris, que baigne, en fuyant vers le nord, l’eau rêveuse du Rhin, près d’un village dont les toits épars s’enfoncent, comme des nids d’alouettes, sous des massifs de verdure embaumée, une femme jeune encore, aux traits doux, mais flétris par la misère, venait de tomber, en plein soleil, à côté du fardeau de bois mort qu’elle avait péniblement ramassé dans les broussailles voisines.
« – Hélas ! disait en pleurant l’infortunée créature, Dieu n’aura-t-il jamais pitié de moi ! voilà trois ans que mon homme, en allant à sa vigne, trouvait sur la route un sac d’argent dont le bon emploi nous promettait quelque aisance. Il achète un coin de terre, avec une maisonnette, et, à peine installés, voilà que tous les malheurs nous arrivent. Un orage coupe nos récoltes, le feu dévore la grange ; des créanciers sans pitié nous dépouillent du reste, et, pour comble de désolation, je mets au jour un petit monstre qui fait la risée de tout le monde. Ah ! c’est trop de chagrin pour une seule vie ! mon Dieu ! mon Dieu ! que je voudrais mourir ! »
En achevant cette plainte mêlée de sanglots, la paysanne cacha son front dans ses mains, et pleura si longtemps, qu’épuisée par la chaleur et la soif, elle s’endormit peu à peu, d’un sommeil qui ressemblait à l’évanouissement.
Tout près d’elle rampait sur l’herbe, avec des grognements de chat, une petite masse de chair affublée de haillons. Figurez-vous une tête en forme de melon chevelu, d’où se détacherait, entre deux yeux ronds et rouges, un nez en bec de cigogne, rabattu sur une bouche taillée jusqu’aux oreilles. Cette tête, couturée de rides comme l’écorce des vieux chênes, s’emboîte, sans cou, dans un buste sculpté en courge, et que terminent deux minces fuseaux qui lui tiennent lieu de jambes. Si cette hideuse machine n’avait pas en de mouvement, on eût pu la prendre pour une souche d’arbre noueux, ou pour un gros radis fendu.
En ce moment vint à passer, au retour de sa promenade quotidienne, une jeune femme admirablement belle, et aussi célèbre, dans toute la contrée, par ses bienfaits que par les grâces ravissantes de sa personne.
C’était mademoiselle de Rosabelverde, chanoinesse d’un chapitre dont la noblesse orgueilleuse prétendait remonter aux Croisades.
Le triste spectacle qui s’étalait à ses yeux éveilla dans son cœur une émotion compatissante. Elle s’arrêta et parut réfléchir. « Pauvres gens, murmurait-elle à voix basse, je lis votre avenir ; mais je ne puis le changer. Le ciel, qui distribue les destins, vous réserve jusqu’à la tombe une vie d’épreuves et de fréquente détresse. L’argent vous serait un secours inutile, car il n’adoucirait vos privations que pour les rendre ensuite plus pénibles. Travaillez donc, et que la résignation vous soit légère ! Quant à cet enfant difforme, il ne lui est pas même permis de racheter sa laideur par les dons de la force, ou de l’intelligence ; mais j’essaierai de le protéger, pour qu’il vous soit moins à charge. »
Et se penchant vers l’avorton, qui s’était accroupi presque sous les jupes de sa mère, la chanoinesse étendit lentement et doucement les mains, à plusieurs reprises, sur la forêt de cheveux roux dont il s’enveloppait. Sous ses passes magnétiques, cette crinière enchevêtrée se démêla peu à peu, et se partagea en deux bandeaux, soyeux et lisses, qui ondoyèrent en boucles fines. Cette opération faite, mademoiselle de Rosabelverde tira de sa poche un flacon plein d’une eau dorée, en aspergea la mère et l’enfant, et s’éloigna d’un pas rapide, en descendant un chemin creux à l’angle duquel elle disparut.
La pauvre paysanne ne s’éveilla qu’au coucher du soleil, toute surprise de sentir une force inconnue, qui pénétrait ses sens d’une vie nouvelle et d’un bien-être ineffable. « Ô doux Jésus ! s’écria-t-elle, que je vous bénis du repos que vous m’avez envoyé ! Ce sommeil réparateur m’a rafraîchi le sang et rendu le courage. Allons, petit Zach, lève-toi, nous n’avons que le temps de gagner notre chaumière avant la nuit. Eh, mais, bonté divine ! qui donc t’a peigné si joliment pendant que je dormais ? c’est un ange ou le diable en personne : Dieu le bénisse en tout cas ! Allons vite, vite, petit, grimpe derrière moi, sur mon fagot… »
Et la paysanne se rechargeait, sans plus songer au poids qui l’avait accablée. Mais le petit Zach, au lieu d’obéir, se prit à sauter sur l’herbe comme une grenouille gonflée, en répétant d’une voix très claire, avec mille grimaces : « – Je ne veux plus être à cheval sur ce fagot, je veux courir. »
« – Miséricorde ! il ne grogne plus, il parle en vraie personne naturelle, et il marche comme s’il avait des jambes ! oh ! oh ! puisque tu gazouilles si bien, et que tu sautes encore mieux, tu devrais bien aussi changer de figure ! mais le bon Dieu ne te fera pas celle grâce. Allons, que sa sainte volonté soit faite ! » Et en disant cela, la femme l’entraîna par la main, et se remit en route, d’un pied ferme et dispos.
En passant devant l’église du village, elle rencontra le pasteur qui prenait le frais sur un banc de pierre, en jouant avec un bel enfant aux cheveux blonds, à peine âgé de trois ans. « Eh ! bonsoir, mère Lise, lui dit-il avec un doux sourire ; venez-vous de loin, si chargée ? Reposez-vous donc une minute ; ma gouvernante va vous verser un coup de vin. »
Mère Lise ne demandait pas mieux ; elle jeta son fagot devant la porte, mais ce mouvement fut si brusque, que maître Zach, qui se cramponnait à ses jupes, fit une pirouette et alla rouler dans les jambes du pasteur. « Ah ! le délicieux enfant que vous avez là, mère Lise, dit l’homme de Dieu en relevant l’avorton ; comme vous devez être heureuse de ce présent du ciel ! ce petit ange est une bénédiction sur votre ménage ! »
La paysanne resta stupéfaite, et regarda le pasteur avec des yeux effarés ; elle le crut fou. De son côté, le petit Zach se débattait comme une araignée, et, poussant des cris rauques et sauvages, il s’efforça d’égratigner le nez du pieux vieillard qui voulait l’embrasser. « – Oh ! la maudite bête ! » s’écria Lise, pourpre de honte et toute déconcertée.
« – Comment donc, répliqua le pasteur, pouvez-vous traiter de la sorte un petit être si merveilleusement gentil ? tenez, je le vois bien, vous êtes une mauvaise mère ; eh bien, je veux me charger de cet enfant ; laissez-le-moi, je l’élèverai, je l’instruirai, j’en ferai un homme accompli, tandis que, chez vous, il s’étiolerait dans la misère et la stupidité ! »
« – Mais, monsieur le pasteur, reprit la paysanne hors d’elle-même, malgré tout le respect que je vous porte, vous vous moquez des gens ou vous avez la berlue ! que feriez-vous jamais de cet affreux petit singe qui ne sait que grogner, griffer et mordre ? »
« – Allez, vous êtes folle, ou indigne des dons de Dieu ! s’écria, en se levant, d’un air sévère, le digne ecclésiastique ; ce que j’ai dit est bien dit ; ne vous inquiétez plus de cet enfant ; je l’adopte avec joie, et je vous en ôte le souci. »
À ces mots, il emporta dans ses bras le petit Zach, qui grognait comme un chien hargneux, et rentra au presbytère, dont il ferma la porte au nez de Lise. « Décidément, se dit la paysanne, en reprenant son fardeau de ramée, notre pasteur a perdu la tête ; mais je serais bien sotte de le contrarier. Qui vivra verra. Mon homme sera fièrement aise de la bonne aubaine qui nous arrive, et les gens du village ne me montreront plus au doigt. »

II
Cette scène un peu étrange m’oblige de confier au lecteur, avant d’aller plus loin, certaines révélations sur la mystérieuse chanoinesse qu’il vient d’entrevoir.
Douée d’un port de reine, cette belle personne unissait à la majesté des formes une physionomie dont la bienveillance ordinaire se voilait parfois d’une ombre sinistre, surtout dans les temps d’orage. Mais pendant toute la saison des roses, quand le cie

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