Contes à l envers
60 pages
Français

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Description

Une présidente de la République féministe à qui un sondage révèle qu’une certaine Blanche-Neige est plus intelligente qu’elle… Une descendante du Petit Chaperon rouge vêtue de bleu marine qui se croit plus maligne que tout le monde, et enferme sa grand-mère dans la cage au loup du Jardin des Plantes… Un enfant maltraité par son oncle et dont chaque larme qui coule se transforme en cigarette… Vers 1980, Philippe Dumas et Boris Moissard furent les premiers à mettre en pièces, retourner, réécrire, en un mot à pasticher les contes classiques de Grimm et de Perrault pour mieux leur rendre hommage dans un recueil qui allait devenir un best-seller. Leur secret ? Décors et accessoires contemporains, langue châtiée.
Souvent imités, jamais égalés, ils ont décidé de fêter leur amitié et ses trente ans de bonheur en ajoutant à leurs cinq textes d’origine un inédit : Le pommier de Pomanchou.
Ils sont amis d’enfance. Boris Moissard était libraire quand Philippe Dumas est venu lui demander de rédiger des textes pour un projet d’album qui comptait alors quelques croquis, dont un Petit Chaperon vêtu de bleu. Aussitôt dit, aussitôt fait. Pour regarder d’un oeil étranger, sinon objectif, la pile de volumes diminuer sur son comptoir, le libraire prit un pseudonyme, qui est à lui seul, sous forme de contrepèterie, un hommage à la littérature (Maurice Boissard était un pseudonyme de Léautaud). Le couple légendaire Dumas-Moissard était né.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 juin 2019
Nombre de lectures 7
EAN13 9782211304108
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le livre
Une présidente de la République féministe à qui unsondage révèle qu’une certaine Blanche-Neige est plusintelligente qu’elle… Une descendante du Petit Chaperonrouge vêtue de bleu marine qui se croit plus maligne quetout le monde, et enferme sa grand-mère dans la cage auloup du Jardin des Plantes… Un enfant maltraité par sononcle et dont chaque larme qui coule se transforme encigarette…
Et si les contes de Grimm et de Perrault avaient eu lieuau XXI e siècle ?
Les auteurs
« Ma biographie n’a pas de quoi enthousiasmer les foules.Je n’ai été ni boxeur, ni chercheur d’or. Mon seul faitd’armes est d’être père de famille nombreuse. » Boris Moissard est effectivement le père de six enfants (quedes filles !) et de huit romans, sans compter des albumsen collaboration avec Michel Gay, et les fameux Contes àl’envers , concoctés avec Philippe Dumas. Il est né en 1942à Grenoble. Il a travaillé au Conseil d’État, a été libraire àDieppe et chroniqueur à L’Express. Il vit en Normandie,dans le pays de Caux.
 
D’une famille parisienne, Philippe Dumas est né àCannes en 1940. Diplômé de l’École des métiers d’art etde l’École nationale supérieure des beaux-arts, il a écrit etillustré de nombreux livres traduits en plusieurs langues etdont le succès a fait de lui un grand auteur contemporainpour la jeunesse. L’Angleterre et la Normandie ont étélongtemps ses lieux de vie et d’inspiration. Aujourd’hui, ilconsacre aussi du temps à la peinture.
Il a reçu le « Grand Prix de Littérature Enfantine »décerné par la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvreen 1987. C’est un auteur dont la puissance d’évocationtient souvent à sa retenue et à sa finesse d’analyse. Et quia toujours allié à une très grande délicatesse une véritableliberté d’écriture et de dessin, un réel anticonformisme.
 

Philippe Dumas et Boris Moissard
 
 


 


 
 

l’école des loisirs
11, rue de Sèvres, Paris 6 e

La Belle Histoire de Blanche-Neige
 
Il était une fois un pays merveilleux où lesfemmes avaient pris leur revanche sur leshommes, elles pouvaient enfin devenir maçon,plombier ou champion de boxe et laissaient àleurs maris le soin de torcher les enfants et derepriser les chaussettes.
La présidente de la République était unefemme remarquable qui prônait officiellementl’égalité des sexes, disant que si on donne auxgarçons les mêmes chances qu’aux filles, il n’ya pas de raison pour qu’ils ne réussissent pastout aussi bien.
Ceci dit, en son for intérieur, elle conservait quelque doute sur la valeur masculine, carelle était une femme douée d’une prodigieuse intelligence et d’une personnalité supérieure.C’est d’ailleurs à cela qu’elle devait son postede Présidente et chacune de ses apparitions enpublic plongeait la foule dans un grand respectà cause de la profondeur et de la subtilité de sesparoles. Et comme elle ne souhaitait rien tantque d’être réélue, elle étudiait soigneusementles sondages :

– À la question : Suis-je la personne la plusintelligente du pays ?
– 87 % des gens interrogés répondent : Oui,madame la Présidente.
– À la question : Ai-je la cervelle la mieuxfaite ?
– 78 % répondent : Sans aucun doute,madame la Présidente.
Et ainsi de suite, jusqu’au jour où le sondage répondit :
– Non, madame la Présidente, vous n’êtespas la plus intelligente car Blanche-Neige l’estautant que vous – et en plus, elle est belle !
 
Pour un mauvais résultat c’était un mauvais résultat, et même assez désagréable. LaPrésidente fit aussitôt venir un homme quitravaillait au palais comme « bon à tout faire »et lui ordonna, pleine de rage contenue, de semettre sans délai à la recherche de Blanche-Neige pour la tuer.
Ce bon à tout faire n’était pas un mauvaisbougre mais il comprit l’importance de la mission et tout le profit de carrière qu’il pourraiten tirer. Il songea à sa pauvre femme qui étaitdirectrice d’une chaîne de grands magasins ettrimait dur pour élever leurs quatre enfants : elle serait bien contente, bien fière si sonpetit homme se distinguait tant soit peu dansson emploi ! Sans compter l’augmentation desalaire à espérer en cas de réussite.

Il dit donc : « À vos ordres, madame la Présidente, je vous apporterai le cœur de Blanche-Neige demain sans faute avant la nuit, vouspouvez compter sur moi », et cet homme, quis’appelait M. Catherine Lecœur (du nom deson épouse, suivant l’usage du pays) se mit enroute sans perdre une seconde.
Il n’eut aucune peine à rencontrer Blanche-Neige. Elle était connue comme le loup blanc,tant elle différait des autres femmes : elle ne portait pas de lunettes, ne fumait pas la pipe, nejurait pas comme un charretier ni ne passait sontemps au bistrot à jouer aux cartes. Au contraire,la plus gracieuse jeune fille qui se puisse imaginer, d’une modestie confondante, gentillecomme un cœur, toujours souriante – principalement avec les hommes, auxquels jamais ellen’infligeait le sentiment de leur infériorité.
Bref, Blanche-Neige était unique, et tout lemonde pouvait vous dire où la trouver.
– Bonjour mademoiselle Blanche-Neige,lui dit M. Lecœur en l’abordant, quelle bellejournée, n’est-ce pas ?
À quoi il lui fut répondu avec un charmantsourire qu’effectivement c’était un très beaujour, et que la belle saison semblait prendreun bon départ.
M. Lecœur, encouragé par cet accueil, proposa une petite promenade. Les voilà donclui et Blanche-Neige bras dessus bras dessous,marchant dans la rue sous le soleil qui chauffait le ciel ce matin-là. Il offrit à la jeune filleun cornet de glace à la vanille, puis l’emmenafaire un tour en canot sur le lac où il pensaitpouvoir perpétrer son infamie à l’abri desregards. Mais à vrai dire, à mesure que passaientles quarts d’heure, la gentillesse de Blanche-Neige lui ôtait tout courage (on a dit quec’était un bon bougre), et il se sentait de moinsen moins fiérot à l’idée que tout à l’heure il luifaudrait poignarder sa victime.

Pour finir, il n’y tint plus :
– Mademoiselle Blanche-Neige, avoua-t-il,je suis chargé de vous supprimer. C’est la Présidente qui l’exige en vertu de la raison d’État.Mais vous êtes si mignonne que je ne m’ensens pas la force. La situation est grave ! Je vousen conjure, sauvez-vous vite et ne réapparaissez plus !
Blanche-Neige se sauva donc et M. Lecœur,de son côté, passa à la boucherie avant de rentrer au palais et acheta un cœur de veau. Il l’apporta à la Présidente sur un coussin de velours,et la Présidente, qui n’était pas très calée en viscères, n’y vit que du feu : elle prit ce cœur pourcelui qu’elle attendait.
Elle félicita M. Lecœur et dit qu’il était unexemple pour tous et que si tous les autreshommes mettaient autant de zèle à l’accomplissement de leurs missions, la vie serait tellementplus simple (mais sa reconnaissance se borna là,elle ne parla pas d’augmentation de salaire).
Cependant Blanche-Neige s’était enfoncéedans la forêt et avait couru droit devant elle pendant des heures, si bien que, vers le soir, elleatteignit une clairière où était une maisonnetteà toit de chaume, entourée d’un jardin fleuri.
Blanche-Neige était morte de fatigue et defaim. Elle frappa à la porte, comptant demander asile. Mais personne ne répondit. Commele verrou n’était pas mis, elle entra. Elle alladans la cuisine, but abondamment au robinet etmangea tout ce qu’il y avait dans le Frigidaire.Après quoi elle s’installa confortablement surle grand canapé devant l’âtre où rougeoyaientencore quelques tisons, et bientôt s’endormit.

Lorsque les habitants de la maison s’enrevinrent, la vue de cette personne du sexeféminin installée chez eux sur le canapé leur fittout d’abord extrêmement peur. C’était là unepetite bande d’hommes des temps anciens quiavaient fui la civilisation moderne et quiétaient venus se réfugier au milieu de cetteforêt, où ils vivaient hors la loi : ils ne goûtaientguère les visites à l’improviste. Ils craignirentque Blanche-Neige ne fût quelque huissier ouinspecteur des impôts ayant fini par retrouverleur trace, ou quelque policier ou quoi que cesoit de plus abominable encore. Après avoirdélibéré en épiant l’inconnue par le carreau, ilsprirent la décision de s’approcher d’elle à pasde loup et de l’assommer d’un coup de pioche.
Dieu merci, quand ils furent au-dessusd’elle, ils reconnurent Blanche-Neige, dont larenommée leur était parvenue ; et, la trouvantextrêmement jolie, ils se ravisèrent et allèrentranger la pioche.
Ils réveillèrent la dormeuse avec une infiniedouceur, lui firent sa toilette (la course à travers bois l’avait pas mal salie), lui passèrent deshabits propres et l’installèrent dans la plus belleet la plus claire de leurs chambres, et la gardèrent désormais avec eux. C’est ainsi queBlanche-Neige devint le chef des brigands dela forêt.

Hélas ! un beau jour, la Présidente, informéepar ses services d’espionnage, sut que Blanche-Neige n’était pas morte mais au contraire bien vivante, et même en grande forme (effet de lavie en plein air) et qu’elle se cachait dans laforêt où elle avait pris la tête de ce rassemblement de messieurs lassés de la dictature desfemmes et désireux de la combattre. La situation était préoccupante.
Ayant premièrement fait passer par lesarmes le malheureux M. Lecœur, convaincu defélonie, la Présidente se déguisa deuxièmement en pauvre bûcheronne et s’en vint rôderautour de la chaumière dans la forêt, faisantsemblant de mettre du menu bois en fagots.Elle avisa Blanche-Neige qui était toute seuleen train de prendre un bain de soleil allongéesur une serviette au milieu de la pelouse.Et, tirant de dessous ses haillons une grossepomme astiquée comme un sou neuf :
– Tiens, voici un fruit bien juteux que j’aiapporté pour toi, mon enfant, dit la Présidented’un ton de bonne grand-mère. Tu dois avoirsoif, sous ce soleil !
Blanche-Neige, que son gentil caractère privait de toute méfiance, accepta en remerciant.La pomme était empoisonnée ! Sitôt qu’elley eut planté les dents, elle s’endormit d’unterrible sommeil d’où ses compagnons, à leurretour de la chasse, ne purent la tirer malgrédes aspersion

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