Mémoires d un collégien
138 pages
Français

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Mémoires d'un collégien , livre ebook

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Description

Scènes de la vie de collège dans tous les pays : un collège de département.

Informations

Publié par
Date de parution 30 août 2011
Nombre de lectures 155
EAN13 9782820609465
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

M moires d'un coll gien
Andr Laurie
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0946-5
André Laurie (Paschal Grousset 1844 – 1909)
MÉMOIRES D’UN COLLÉGIEN
SCÈNES DE LA VIE DE COLLÈGE DANS TOUS LES PAYS : UN COLLÈGE DE DÉPARTEMENT
(1882)
CHAPITRE I – Premiers pas autour du monde.
Le 4 octobre de cette année-là fut un grand jour pour moi. Quand je vivrais aussi vieux que le patriarche Mathusalem, cette date resterait à mes yeux plus mémorable que celle d’aucun fait historique.
N’avez-vous pas ainsi dans vos souvenirs, ami lecteur, des points de repère personnels auprès desquels pâliraient pour vous Austerlitz et Waterloo ?
C’est ce jour-là que je fis mon entrée solennelle dans la société française en qualité d’élève interne au lycée de Châtillon !
À la vérité, j’allais partager les honneurs de cette dignité avec deux cent trente de mes jeunes concitoyens. Environ trois cents externes avaient bien aussi quelques droits à se considérer comme appartenant à cet illustre établissement. Mais telle est la part léonine que tout être humain, petit ou grand, fait généreusement à son individu, qu’il me semblait, – et, ma foi, il me semble presque encore, – que le rôle principal était mon lot dans ce drame émouvant.
Quand je parle d’entrée solennelle, je me laisse d’ailleurs entraîner quelque peu par mon imagination, et je traduis plus exactement mon impression d’alors que celle des témoins de cet événement. En réalité, notre équipage, j’en ai bien peur, était plus ridicule qu’imposant.
Dès six heures du matin, et le jour à peine levé, la Grise avait été attelée à la « capote ».
La Grise était une bonne vieille jument qui, depuis cinq à six mois, s’était habituée à voir gambader autour d’elle un joli poulain alezan, et la perspective de laisser, pour la première fois, son rejeton à l’écurie paraissait lui être des plus pénibles. En dépit de son excellent caractère, elle parvenait à peine à dissimuler sa mauvaise humeur.
Quant à la « capote », c’était une sorte de large cabriolet couvert, muni d’un tablier à l’avant et d’un coffre à l’arrière, monté sur des ressorts en cou de cygne, et qui pouvait n’avoir pas été dépourvu d’élégance vers 1808, quand mon grand-oncle, le chirurgien-major, s’en servait pour faire campagne. Mais quelle décadence à cette heure !
Toute balafrée, écorchée, couturée à l’extérieur, rapetassée à l’intérieur, avec son cuir terni, son vieux drap bleu fané et ses articulations gémissantes, la pauvre patache semblait demander grâce à chaque tour de roue. D’année en année, on avait reculé le moment fatal d’une retraite nécessaire. Mon père, en propriétaire campagnard aisé qu’il était, avait ses moments où il se sentait un peu honteux de la « capote », – par exemple, dans les rares occasions où ma mère y prenait place auprès de lui. Au fond, pourtant, il était plus attaché qu’il ne voulait l’avouer à cette vénérable ruine. Elle était si commode pour traîner dans les chemins de traverse, sans crainte des ornières ou des ronces ! Et puis, elle avait de si grandes poches, des dessous si spacieux, un tablier si monumental, et jusqu’à des marchepieds si complaisants ! Au besoin on pouvait y tenir cinq, en ayant soin de descendre aux montées. Et si bien rembourrée ! tout crin, voyez-vous ! de quoi remplir trois matelas. On ne travaille plus ainsi maintenant… Bref, la capote allait toujours…
C’est tante Aubert qui avait présidé aux préparatifs du départ. C’est elle qui avait, de ses propres mains, consolidé sur le coffre ma malle en peau de porc, avec mon adresse écrite par moi-même en majuscules :

ALBERT BESNARD
ÉLÈVE DE SIXIÈME AU LYCÉE

C’est elle encore qui nous avait servi, à mon père et à moi, notre café au lait. Puis j’étais allé embrasser maman, que sa santé délicate obligeait à garder la chambre, et grand-papa, qui avait profité de la circonstance pour me glisser dans la main deux gros écus de cinq francs. J’avais dit adieu à ma tante Aubert et à Jeanneton, qui pleuraient un peu toutes deux sur le pas de la porte, et « hue la Grise ! » – nous étions partis.
Quant à moi, il me serait difficile de préciser la nature exacte de mes sentiments, tant ils étaient confus et contradictoires ; mais, pour être franc, je crois bien que la joie en était la note dominante.
Depuis mon premier jour jusqu’à l’âge de onze ans que j’avais alors, j’étais toujours resté sous le toit paternel. Le bourg de Saint-Lager, que nous habitions, était situé au pied des monts Crampiens, dans un pays pittoresque et riant ; mon père en était, en sa qualité de maire, le personnage le plus important ; il était aussi le plus fin chasseur à cinq lieues à la ronde, et un peu de cette gloire n’avait pu manquer de rejaillir sur son fils unique.
Mais j’avais toujours nourri, depuis que je savais lire, une passion désordonnée pour les voyages, et l’expédition dans laquelle je m’engageais, pour ne s’étendre que jusqu’au chef-lieu, n’en était pas moins mon premier pas autour du monde. À ce titre elle m’enchantait.
D’autre part, je n’étais pas fâché de mesurer enfin mes forces avec des condisciples, car jusqu’à ce jour je n’en avais pas eu. Pour premier maître, on m’avait donné l’instituteur de Saint-Lager, qui m’avait appris à lire, mais n’avait jamais réussi à me donner une écriture passable ; – puis, le vicaire de la paroisse m’avait initié aux premiers mystères de Lhomond et de Burnouf, et un arpenteur-géomètre m’avait fait avancer en arithmétique jusqu’à la division des fractions. Je ne dois pas oublier le plus cher et le plus tendre de tous, ma mère, qui n’avait jamais manqué, quatre ou cinq ans durant, de me faire répéter mes leçons de grammaire, d’histoire et de géographie.
C’est elle qui avait décidé mon départ pour le lycée. Mon père m’aurait, je crois, fort bien laissé un an ou deux de plus vagabonder autour de la maison ; mais ma mère n’avait pas l’habitude de n’écouter que sa tendresse : elle savait que les parents trop faibles le sont aux dépens du bonheur à venir de leurs enfants, et, pour rien au monde, elle n’aurait voulu diminuer mes chances de succès dans la vie en me gardant trop longtemps auprès d’elle. Un incident fortuit précipita pourtant sa décision.
L’inspecteur d’académie du département, en tournée dans le canton, avait dîné chez nous et passé la soirée à la maison. Il eut l’obligeance de m’interroger sur mes études, et, me trouvant avancé pour mon âge, conseilla de me mettre au lycée sans retard.
« Il pourra entrer en sixième, dit-il, ce qui lui permettra d’être bachelier vers seize ans et d’avoir du temps devant lui pour choisir sa carrière. C’est un avantage à ne pas négliger. »
Ce jugement fut une loi pour mes parents, et c’est ainsi que, vers la fin de juillet, il fut entendu qu’à la rentrée des classes je partirais pour Châtillon.
Les trois mois d’attente se passèrent pour moi dans une impatience fébrile. S’il faut tout avouer, la perspective de revêtir une tunique à boutons dorés, un pantalon à ganse rouge et un képi bordé, comme un officier, n’était pas étrangère à ce sentiment. Je n’avais certes pas le fétichisme du costume, et je crois bien que, sans la surveillance rigoureuse à laquelle j’étais soumis à cet égard, il me serait arrivé souvent de pécher par l’excès contraire ; mais le prestige de l’uniforme n’en était pas moins puissant sur mon imagination, et, s’il n’avait tenu qu’à moi, je crois bien que j’aurais abordé la tunique avant même de figurer sur les registres du lycée.
Chose étrange : ce qui jouait le plus grand rôle dans mes préoccupations enfantines, avec cette fameuse tunique, c’était un autre article du trousseau réglementaire, qui avait beaucoup fait rire ma mère et ma tante Aubert.

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