Depuis quand faites vous cela ?
64 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Depuis quand faites vous cela ? , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
64 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Des histoires plus ou moins courtes où des hommes tels que le Prestidigitateur, une femme surnommée madame Paradoxa, et des objets ainsi que le Phallus d'ivoire ont le goût des mots et racontent leurs péripéties. Erotisme subtil et humour noir se mêlent à la fascination des fétiches et du tarot. Chaque histoire ici ou ailleurs vous fera voyager, la durée d'un trajet en train, d'une attente chez votre médecin ou le temps d'une petite insomnie !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 septembre 2014
Nombre de lectures 17
EAN13 9782312023793
Langue Français

Extrait

Depuis quand faites-vous cela ?
Dominique de Gasquet
Depuis quand faites-vous cela ?
Récits







LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014 ISBN : 978-2-312-02379-3
Avant-Propos
Quand les hommes ne se décident pas à dire leur désir, quand les femmes tirent le diable par la queue, quand les fils veulent voler de leurs propres ailes, quand les objets ont le goût des mots, et quand les filles lisent l’avenir…
Ces récits révèlent les rapports désordonnés entre les êtres et relèvent les relations confiden-tielles avec les fétiches.
Le Manteau
C’est la fin de l’été, bientôt la rentrée. Je suis dans l’unique rue « chicos » de Marseille où s’égarent quelques boutiques de marques. Je me sens un peu seul comme on peut se sentir esseulé dans ce genre de rue.
Ce n’est pas tout à fait exact, il y en a d’autres comme moi, dans la même pièce, mais on ne se parle pas, on est trop semblables alors, on n’a rien à se dire, à s’apprendre.
Il fait encore un peu chaud. Ce n’est pas tout-à-fait la demi-saison, c’est juste la fin de l’été, à peine la rentrée scolaire. Elle tombe d’ailleurs de plus en plus tôt, la rentrée, arrêtant dans leur élan de griserie, de séduction, de jeux et de paris, la jeunesse désœuvrée. Cette jeunesse, à peine délivrée des contraintes scolaires, avec la perspective assez inquiétante d’une liberté infinie accordée par la majorité et les études supérieures, devine à l’horizon un avenir de crise et de chômage.
Il entre dans le magasin, il est jeune, beau, timide et désinvolte, à la fois sûr de lui et plein de doutes. Il est imberbe, un bon mètre quatre-vingt-huit, un corps d’homme déjà et un visage d’ange. Il n’a pas vingt ans, entre dix-huit et dix-neuf ans.
Il me voit, me trouve beau et séduisant. Il me regarde à la dérobée, il ne voit plus que moi, il me dévisage avec insistance. D’autres personnes s’interposent entre nous deux, lui demandent s’il a besoin d’aide. Il leur dit n’avoir besoin de rien et continue de me couver du regard.
Je lui tends les bras, il s’approche de moi, me serre contre son cœur et m’emporte dans une cabine d’essayage, à la fois résolu et gêné. Je suis un peu inquiet, il est si jeune encore : s’il a les moyens de me séduire, il n’a pas encore ceux de me posséder. Je suis vierge, personne jusqu’ici ne m’a touché, je me laisse caresser, parcourir, ouvrir. Il m’enfile dans la cabine d’essayage. Il faut qu’il fasse vite, il n’a pas les moyens de me payer, je le savais. Je veux m’enfuir avec lui, je suis aussi grand que lui, confortable, je ne peux être escamoté.
Il le sait, il me regarde longuement. Il ne réfléchit pas, il a hâte que je lui appartienne. Je sens son souffle court, je sens ses mains moites. Je le laisse faire, je n’ai pas le choix.
Il sort un cutter et essaye d’enlever ce qui me retient à ici pour partir avec lui, l’accompagner dans ses errances, son besoin de se faire remarquer, de plaire et surtout d’être aimé.
Une alarme retentit, il n’avait pas vu les caméras. Il n’a rien vu sauf moi, et encore maintenant il ne voit toujours que moi. Deux hommes entrent et nous séparent lui et moi. Cela va très vite. Le jeune homme n’oppose aucune résistance, il s’excuse d’une voix douce, je lui plaisais beaucoup, il n’a pas réfléchi, tout est allé trop vite. Le désir de m’avoir, de sortir avec moi, de m’avoir à son bras, sur son dos.
Il n’a pas pensé une minute aux conséquences, il se laisse faire. Les hommes vêtus de noir, les employés appellent leur patron, le directeur.
Compte tenu de l’acte, le directeur emmène le jeune homme au commissariat pour porter plainte.
Gros plan sur le jeune homme : visage pâle, yeux noirs, cheveux châtain foncé. On lui demande son nom, son âge. On lui demande s’il veut qu’on appelle quelqu’un…
Il dit qu’il est majeur, qu’il ne faut déranger personne et suit, docile, le directeur du magasin.
Moi, on me laisse sur une chaise.
« Laissez-le là, a dit le directeur. On verra plus tard. »
J’aimerais dire mon mot, moi le manteau de luxe, mais je n’ai pas droit à la parole. Si l’on m’avait demandé mon avis, j’aurais dit que j’aurais tant aimé partir avec lui, le rendre encore plus beau qu’il ne l’est, si c’est encore possible, car le jeune homme est très beau. Je lui aurais bien convenu, je suis tout à fait son style, et je le préfère à tant d’autres qui ont les moyens de m’emporter avec eux, mais avec qui je m’ennuierais profondément, tout simplement parce qu’ils ne sont pas mon genre.
Au commissariat, le jeune homme ne dit rien. Il écoute et répond aux questions, comme à l’école où il est passé plusieurs fois en conseil de discipline, c’est presque pareil.
Il venait de réussir son baccalauréat, du premier coup, il y a un mois de cela.
Il pensait que sa mère continuerait à avoir une belle situation, que son père l’aiderait enfin pour son éducation, il avait cessé de le faire, depuis dix ans déjà, mais le père ne veut rien entendre.
Il aurait pu expliquer les circonstances de son acte gratuit, la colère, mais on ne lui demande rien, au jeune homme. Il est là, en chemise et en jeans, c’est un voleur, c’est tout ce que le directeur et le commissaire voient à ce moment-là, et alors ils ne veulent rien savoir d’autre. Le commissaire enregistre la plainte déposée par le directeur du magasin, il appelle le parquet, la plainte sera poursuivie, le magistrat le dit au téléphone.
Alors, le jeune homme se tait. Il ne dira rien. Demain, il part en vacances avec sa mère, il ne le lui avouera qu’une fois la frontière atteinte pour ne pas gâcher les vacances, parce qu’il n’y a plus rien d’autre à faire. Le jeune homme a découvert le même été qu’il était majeur, bachelier, et que son père était irresponsable. Mais il ne dit rien au commissariat. Dans la boutique de luxe moi, tout manteau que je suis, je l’avais deviné que malgré sa haute taille, sa mèche sur le front et sa démarche fauve presque royale, c’était une bête blessée, un pauvre gosse. C’est pour cela que j’avais voulu me donner à lui pour rien, pour l’accompagner, lui tenir chaud, lui redonner le sourire et faire surtout qu’il se sente moins seul, moins triste. Oui, j’aurais voulu lui appartenir pour qu’il se sente moins vide et qu’il reprenne confiance en lui.
Mais on ne m’a rien demandé. On m’a abandonné sur une chaise. Je suis la victime séduite et abandonnée. Moi je suis triste comme un orphelin que l’on mettra au service des rebuts car on ne retouche pas un manteau de luxe.
Dans toutes les fibres de ma matière moelleuse, je frémis car je sais que je suis l’acte manqué, je suis quelque part le manteau neuf que rêve d’avoir tout jeune homme fils unique qui n’a pas de frère aîné !
La Petite Possédée
Il était une fois une fillette possédée par des papillons.
A sa puberté, elle voit s’écouler d’elle régulièrement et mensuellement un cortège de petits papes, qui comme les petits moines joliment dénommés moinillons sont alors appelés les papillons.
Ses parents, informés de la curieuse infirmité affligeant leur petite d’une nuée de papillons mal placés, vont consulter, avec elle, de nombreux médecins et psychologues, qui ne savent diagnostiquer qu’une crise aiguë de mysticisme. Ils conseillent de l’emmener tout près, à la Bonne Mère qui préside la ville de Marseille de son aura aurifère, mais le court pèlerinage ne donne rien, et le mois suivant, de l’embouchure du sexe de la fillette pubère, s’envole une autre fois, une nouvelle nuée de papillons. Le prêtre du diocèse recommande alors une visite au Saint-Siège à Rome. La famille prend le train de Marseille à Gênes, en passant par le marché de Vintimille, et s’en va à Rome, où une audience, avec le pape lui-même, leur a été accordée en raison du mystère profond de ce phénomène…
En effet, chaque mois, on peut voir s’envoler, de dessous les jupes de la petite, une nuée de petits papes miniaturisés, et l’on peut aisément identifier Jean XXIII, Pie XII, Paul VI, revêtus de leur tenue pontificale, et la mitre à la main, s’envoler vers Dieu sait quels cieux !
Au Saint-Siège, le pape consulté veut voir de ses yeux le miracle pour croire, comme saint Thomas, avec la preuve à l’appui. La petite, sans pudeur, soulève ses jupes, et une nuée de petits papes parfaitement identifiables apparaît au pape en personne qui doit bien témoigner de l’étrange occurrence. Il confirme la thèse de la crise mystique puisque la petite semble avoir hérité de l’instinct religieux avéré d’une tante religieuse et tuberculeuse, morte de manière fort précoce, peu après la prononciation de ses vœux.
Le Saint-Père dit aux parents que la fillette, suivant l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents