Du fondement de l induction
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Du fondement de l'induction , livre ebook

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Extrait : "L'induction est l'opération par laquelle nous passons de la connaissance des faits à celle des lois qui les régissent. La possibilité de cette opération n'a été mise en doute par personne ; et, d'un autre côté, il semble étrange que quelques faits, observés dans un temps et dans un lieu déterminés nous suffisent pour établir une loi applicable à tous les lieux et à tous les temps."

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Nombre de lectures 35
EAN13 9782335038538
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335038538

 
©Ligaran 2015

Du fondement de l’induction

I
L’induction est l’opération par laquelle nous passons de la connaissance des faits à celle des lois qui les régissent. La possibilité de cette opération n’a été mise en doute par personne ; et, d’un autre côté, il semble étrange que quelques faits, observés dans un temps et dans un lieu déterminés, nous suffisent pour établir une loi applicable à tous les lieux et à tous les temps. L’expérience la mieux faite ne sert qu’à nous apprendre au juste comment les phénomènes se lient sous nos yeux : mais, qu’ils doivent se lier toujours et partout de la même manière, c’est ce qu’elle ne nous apprend point, et c’est cependant ce que nous n’hésitons pas à affirmer. Comment donc une telle affirmation est-elle possible et sur quel principe est-elle fondée ? Telle est la question, aussi difficile qu’importante, que nous allons essayer de résoudre.
La solution la plus naturelle en apparence consiste à prétendre que notre esprit passe des faits aux lois par un procédé logique, qui ne se confond pas avec la déduction, mais qui repose comme elle sur le principe d’identité. Sans doute, une loi n’est pas logiquement contenue dans une portion, petite ou grande, des faits qu’elle régit : mais il semble qu’elle soit au moins contenue dans l’ensemble de ces faits, et l’on peut même prétendre qu’elle ne diffère pas, en réalité, de cet ensemble, dont elle n’est que l’expression abrégée. S’il en était ainsi, l’induction pourrait être sujette à quelques difficultés pratiques, mais elle serait en théorie la chose la plus simple du monde : il suffirait, en effet, de former, à force de temps et de patience, la collection complète des faits de chaque espèce : ces collections une fois formées, chaque loi s’établirait d’elle-même par la substitution d’un seul terme à plusieurs et serait dès lors à l’abri de toute contestation.
Cette opinion paraît avoir été celle d’Aristote, si l’on en juge par le passage célèbre des Analytiques où il représente l’induction sous la forme d’un syllogisme. Le syllogisme ordinaire, ou du moins celui de la première figure, consiste, comme on sait, dans l’application d’une règle générale à un cas particulier : mais comment démontrer cette règle, lorsqu’elle n’est pas elle-même contenue dans une règle plus générale ? C’est ici qu’intervient, suivant Aristote, le syllogisme inductif, dont il explique le mécanisme par un exemple. On se propose de démontrer que les animaux sans fiel vivent longtemps : on sait, ou l’on est censé savoir, que l’homme, le cheval et le mulet sont les seuls animaux sans fiel, et l’on sait en même temps que ces trois sortes d’animaux ont une longue vie. On peut dès lors raisonner de la manière suivante :
  L’homme, le cheval et le mulet vivent longtemps ;
  Or tous les animaux sans fiel sont l’homme, le cheval et le mulet :
  Donc tous les animaux sans fiel vivent longtemps.
Ce syllogisme est irréprochable et ne diffère pas quant à la forme des syllogismes ordinaires de la première figure : mais il en diffère quant à la matière, en ce que le moyen, au lieu d’être un terme général, est une collection de termes particuliers. Or c’est précisément cette différence qui exprime le caractère essentiel de la conclusion inductive : car cette conclusion consiste, à l’inverse de la conclusion déductive, à tirer de la collection complète des cas particuliers une règle générale qui n’en est que le résumé.
Quelle que soit la portée de ce passage, il est aisé de montrer que les lois ne sont pas pour nous le résultat logique de la simple énumération des faits. Non seulement, en effet, nous n’hésitons pas à étendre à l’avenir des lois qui représenteraient au plus, dans cette hypothèse, la totalité des faits passés : mais un seul fait bien observe nous paraît une base suffisante pour rétablissement d’une loi qui embrasse à la fois le passé et l’avenir. Il n’y a donc pas de conclusion proprement dite des faits aux lois, puisque l’étendue de la conclusion excéderait et, dans la plupart des cas, excéderait infiniment celle des prémisses. D’ailleurs, chaque fait, considéré en lui-même, est contingent, et une somme de faits, quelque grande qu’elle soit, présente toujours le même caractère : une loi est, au contraire, l’expression d’une nécessité, au moins présumée, c’est-à-dire qu’elle porte que tel phénomène doit absolument suivre ou accompagner tel autre, si toutefois nous n’avons pas pris une simple coïncidence pour une loi de la nature. Conclure des faits aux lois serait donc conclure, non seulement du particulier à l’universel, mais encore du contingent au nécessaire : il est donc impossible de considérer l’induction comme une opération logique.
Quant à l’autorité d’Aristote, elle est beaucoup moins décisive sur ce point qu’elle ne semble au premier abord. Il est évident, en effet, qu’Aristote n’a pas admis sérieusement que l’homme, le cheval et le mulet fussent les seuls animaux sans fiel, ni qu’il fût possible, en général, de dresser la liste complète des faits ou des individus d’une espèce déterminée : le syllogisme qu’il décrit suppose donc, dans sa pensée, une opération préparatoire, par laquelle nous décidons tacitement qu’un certain nombre de faits ou d’individus peuvent être considérés comme les représentants de l’espèce entière. Or il est visible, d’une part, que cette opération est l’induction elle-même et, de l’autre, qu’elle n’est point fondée sur le principe d’identité, puisqu’il est absolument contraire à ce principe de regarder quelques individus comme l’équivalent de tous . Dans le passage cité, Aristote garde le silence sur cette opération : mais il l’a décrite, dans la dernière page des Analytiques , avec une précision qui ne laisse rien à désirer. « Nous percevons, » dit-il, « les êtres individuels : mais l’objet propre de la perception est l’universel, l’être humain, et non l’homme qui s’appelle Callias. » Ainsi, de l’aveu même d’Aristote, nous ne concluons pas des individus à l’espèce, mais nous voyons l’espèce dans chaque individu ; la loi n’est pas pour nous le contenu logique du fait, mais le fait lui-même, saisi dans son essence et sous la forme de l’universalité. L’opinion d’Aristote sur le passage du fait à la loi, c’est-à-dire sur l’essence même de l’induction, est donc directement opposée à celle que l’on est tenté de lui attribuer.
Nous sommes ainsi obligés d’abandonner la solution proposée et de reconnaître que l’induction n’est point fondée sur le principe d’identité. Ce principe est, en effet, purement formel, c’est-à-dire qu’il nous autorise bien à énoncer sous une forme ce que nous avons déjà énoncé sous une autre, mais qu’il n’ajoute rien au contenu de notre connaissance : nous avons besoin, au contraire, d’un principe, en quelque sorte, matériel, qui ajoute à la perception des faits le double élément d’universalité et de nécessité qui nous a paru caractériser la conception des lois. Déterminer ce principe, tel doit être maintenant le but de nos recherches.
L’existence d’un principe spécial de l’induction n’a pas échappé à l’école écossaise : mais cette école ne paraît pas en avoir bien saisi le caractère et la valeur. « Dans l’ordre de la nature, » dit Reid, « ce qui arrivera ressemblera probablement à ce qui est arrivé dans des circonstances semblables. » Cet énoncé est inexact et probablement est de trop : car il est parfaitement certain qu’un phénomène qui s’est produit dans certaines conditions se produira encore lorsque toutes ces conditions seront réunies de nouveau. Il est vrai que le vulgaire se trompe presque toujours sur ces conditions et que la science elle-même a beaucoup de peine à les assigner exactement : de là vient que notre attente est si souvent déçue et que nous ne connaissons peut-être aucune loi dans la nature qui

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