Au-delà des oeuvres
210 pages
Français

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Au-delà des oeuvres , livre ebook

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Description

L'analyse du discours littéraire s'est développée depuis les années 1990, à la confluence des sciences du langage et des sciences sociales, en particulier la sociologie de la littérature. Envisageant la littérature comme une activité, et pas seulement comme un thésaurus de grandes oeuvres à commenter, cette approche décentre l'objet d'étude d'un noyau d'oeuvres privilégiées vers le réseau diversifié de pratiques qui constituent le fait littéraire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 245
EAN13 9782296934801
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au-delà des œuvres
Sous la direction de
Dominique Maingueneau
et
Inger Ø stenstad


Au-delà des œuvres

Les voies de l’analyse du discours littéraire
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-11994-9
EAN: 9782296119949

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Dominique Maingueneau
Inger Ø stenstad
PRÉSENTATION
Quand on écrit une préface à un ouvrage universitaire, on se contente le plus souvent de commenter son contenu. Si l’on peut ainsi se focaliser sur la seule thématique, c’est parce que l’ouvrage s’inscrit dans un espace déjà bien balisé. Il n’en va pas de même quand l’espace dans lequel le livre est censé s’inscrire n’est pas stabilisé ou clairement identifié. C’est ce qui se passe avec le présent livre, qui participe d’une démarche d’analyse du discours littéraire, domaine qui est loin d’être familier à l’ensemble des spécialistes de littérature.
Cela se comprend, car il s’agit d’un type d’approche relativement récent. En tant que courant distinct d’une simple pragmatique littéraire, il s’est développé dans les années 1990, mais n’est apparu comme courant bien identifié qu’à partir du colloque de Cerisy, qui a débouché sur un livre paru aux PUM : ‘l’Analyse du discours dans les études littéraires’ (2002), édité par R. Amossy et D. Maingueneau. Ce volume collectif a peu après été prolongé par le livre de D. Maingueneau Le discours littéraire (2004).
Mais l’émergence d’un tel courant se heurte à des résistances qui viennent aussi bien de l’analyse du discours que des spécialistes de littérature. Les premiers se sont habitués à travailler sur certains types de corpus (conversationnels, médiatiques, politiques…), et l’intégration de corpus littéraires les oblige à réviser une part de leur épistémologie ; quant aux seconds, on sait qu’ils sont traditionnellement réticents à l’égard des approches de la littérature issues des sciences humaines et sociales, approches qu’ils considèrent en général comme « réductionnistes ». En outre, l’étude de la littérature reste informée en profondeur par un partage tacite entre spécialistes du texte et spécialistes des contextes (biographiques, sociologiques, idéologiques…), un partage qu’il est de la nature de l’analyse du discours de contester. Mais, pour commode qu’elle soit pour les chercheurs, cette coupure entre deux modes d’appréhension de la littérature est peu à peu devenue obsolète, tant sont nombreux et divers les travaux qui la mettent à mal depuis une bonne trentaine d’années. Après la relative stagnation qui a suivi la décomposition des présupposés structuralistes, s’est ainsi ouverte une phase de renouvellement, autour de la sociologie de la littérature, de la pragmatique et de l’analyse du discours.
Le présent ouvrage en témoigne. Il résulte des initiatives d’un groupe d’universitaires littéraires norvégiens de l’université d’Oslo qui, travaillant sur des objets peu familiers aux approches traditionnelles, ont pensé que les problématiques d’analyse du discours littéraire pouvaient les aider à structurer et à stimuler leurs propres recherches. A partir de là, un séminaire a été organisé avec des chercheurs francophones également préoccupés d’analyse du discours littéraire. Il s’est tenu au Centre de coopération franco-norvégienne en sciences sociales et humaines à la Maison des Sciences de l’Homme en novembre 2007, et ce livre a retenu quelques-uns des exposés qui ont été faits dans ce cadre.
Son organisation reflète ce souci d’équilibre entre la mise en place de cadres épistémologiques et l’étude de données significatives ; c’est ainsi que les trois premiers chapitres se distinguent de ceux qui les suivent par leur caractère nettement théorique. Tous trois s’efforcent en effet, à travers des points de vue complémentaires, de situer l’analyse du discours dans le vaste champ des études sur la littérature.
Dans sa contribution, D. Maingueneau réfléchit sur les relations entre l’analyse du discours littéraire et les approches dominantes en matière d’étude de la littérature. Il souligne la spécificité des approches en termes d’analyse du discours mais se refuse à les considérer comme l’unique voie d’accès à la littérature : une tension irréductible est à l’œuvre entre un « paradigme herméneutique » et un « paradigme discursif ». R. Amossy, quant à elle, définit le cadre d’une approche argumentative à l’intérieur de l’analyse du discours littéraire, démarche qu’elle exemplifie en considérant Les Bienveillantes , roman sur la Shoah paru en 2006, qui a suscité de vives polémiques lors de sa parution. La contribution de J. Meizoz a un double objectif : d’une part, confronter une démarche d’analyse du discours à la sociologie des champs de P. Bourdieu, d’autre part montrer les possibilités qu’ouvre le concept de « posture », dans lequel il voit un instrument privilégié pour articuler sociologie du champ et étude des textes.
Les cinq chapitres qui suivent abordent des unités de divers types : deux sont centrés sur un auteur : D. Solstad (I. Østenstad), P. Jourde (P. Delormas) ; deux sur un genre : la biographie d’écrivain (I. Iversen), la robinsonnade (A. B. Rønning) ; un sur un mouvement littéraire : le symbolisme (J. Schuh). Ces trois approches permettent de mettre en évidence différents aspects du discours littéraire.
Pour étudier le mouvement symboliste, et plus précisément les modalités très singulières de la communication qu’il implique, J. Schuh opère un déplacement important par rapport aux études habituelles, qui privilégient les auteurs ou les doctrines esthétiques. Il accorde en effet un rôle central à la communauté discursive qu’implique le symbolisme – communauté de créateurs et d’interprètes – sans dissocier les fonctionnements « sociaux » et le fonctionnement des textes. Dans cette perspective le caractère paradoxal de la « communication » symboliste s’enracine dans les rituels d’une sorte de contre-société.
A la différence de celle de J. Schuh, les contributions d’I. Iversen et de A. B. Rønning s’intéressent à des corpus traditionnellement considérés comme périphériques.
La biographie d’écrivain est en effet un genre qui est victime d’un double ostracisme : de la part des tenants de la réduction du discours littéraire à quelques œuvres de « grands auteurs » ; mais aussi de la part des tenants de l’œuvre pour l’œuvre, qui, dans le prolongement du Contre Sainte-Beuve de Proust, voient dans la biographie un obstacle à l’intelligence de la seule chose qui selon eux vaille la peine : l’œuvre. Quant aux corpus abordé par A. B. Rønning, les robinsonnades féminines, il souffre du discrédit attaché aux productions « mineures », surtout celles à destination de la jeunesse. De manière générale, les œuvres qui ont une finalité (ici former la jeunesse en la distrayant) sont a priori suspectes. A cela s’ajoute une circonstance aggravante : il s’agit d’œuvres écrites par des femmes, un paramètre que la majorité des analystes préfèrent ignorer.
Il ne s’agit pas pour autant d’accorder à ces genres le même statut qu’aux « grandes œuvres » du patrimoine, mais de comprendre que l’étude du discours littéraire comme secteur de la production sémiotique d’une société ne se réduit pas à l’étude d’un Thésaurus, d’ailleurs historiquement variable. Ce qu’il faut, c’est comprendre comment à un moment donné se dessine une géographie complexe de l’énonciation littéraire ; en d’autres termes, il n’y aurait pas eu l’opacité de l’énonciation symboliste s’il n’y avait pas eu aussi une littérature de masse à destination de la jeunesse et une mise en intrigue de la vie des écrivains dans des biographies : pas de littérature si on ne peut pas raconter la vie des écrivains

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