Décentrement et travail de la culture
185 pages
Français

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Décentrement et travail de la culture , livre ebook

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Français

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Description

La notion de décentrement, qui organise la logique de ce recueil, permet, à travers la multiplicité des champs disciplinaires, de repenser les grandes questions littéraires, philosophiques, anthropologiques, en s'efforçant chaque fois d'effectuer un léger déplacement, particulièrement fécond en ce qu'il oblige à poser, penser autrement le regard sur les cultures contemporaines.

Ont contribué à la rédaction de cet ouvrage : Sihem Arfaoui, Catherine Bitoun, Thibaut Chaix-Bryan, Alya Chelly-Zemni, Julien Defraeye, Chantal Dhennin-Lalart, Béchir Ghachem, Anne-Lucile Gérardot, Jonathan Highfield, Christiane Legris-Desportes, Luisa Messina, Diana Mistreanu, Naïma Rachdi, Jacopo Rasmi, Olivier Tonneau, Souad Yacoub-Khlif, Jérémy Zucchi.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 janvier 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782806121257
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Collection
« Dynamiques contemporaines »
La collection « Dynamiques Contemporaines », dirigée par Christiane Legris-Desportes, a pour objectif de développer les connaissances autour des tendances sociétales (émergentes, conjoncturelles ou structurelles) et des imaginaires sociaux à partir d’une approche essentiellement sémiologique, socio-sémiotique et sociolinguistique. Elle regroupe des essais et des études s’inscrivant dans une dynamique d’observatoire de l’air du temps. Construits autour de collectifs ou de l’expertise d’un chercheur, les ouvrages proposés permettent au lecteur de décrypter le monde contemporain à travers ses pratiques socio-culturelles, et tout particulièrement langagières. Les travaux que la collection rassemble portent également sur le monde de l’entreprise, traitant de problématiques de transformation, de positionnement et abordant différents types de processus.
Titre







Sylvie Camet (dir.)





Décentrement et travail de la culture
Copyright
































D/2016/4910/63
EAN Epub : 978-2-8061-2125-7


© Academia – L’Harmattan s.a.
Grand’Place, 29
B-1348 Louvain-la-Neuve


Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procede que ce soit, reserves pour tous pays sans l’autorisation de l’editeur ou de ses ayants droit.
www.editions-academia.be
Avant-propos
Les hommes, comme le dit l’ Introduction à la psychanalyse , ont subi au cours de leur histoire trois grandes humiliations : avec Copernic, la terre n’est plus le centre du monde, il leur faut renoncer à l’idée de lieu ; avec Darwin, l’homme n’est plus fils de l’homme, c’est-à-dire descendant d’Adam, mais le produit d’une simple évolution, il leur faut renoncer à la généalogie, à l’histoire ; avec Freud, la raison n’est plus maîtresse, le psychisme échappe, il leur faut renoncer à la toute-puissance. Si l’on en croit cette récapitulation incisive, l’histoire des hommes est celle de leurs décentrements successifs. Si le terme d’humiliation marque ces grandes étapes comme autant de revers endurés, les conséquences de ces changements d’optique ont été d’une importance décisive et les connaissances en ont chaque fois grandement bénéficié.
Se mettre à la place de l’autre, voir avec ses yeux, c’est bouleverser les perspectives, découvrir d’autres modes d’approche, s’ouvrir à autrui et du coup avancer. Penser, c’est encore ôter le moi du centre, dissiper son image toujours envahissante et présomptueuse : humilier l’amour-propre, modifier la perspective qui nous place complaisamment au mitan de notre propre monde, celui où nous prenons nos habitudes.
Nous avons donc retenu la notion de décentrement comme enjeu analytique, ses champs d’application étant innombrables.
L’objet que se donnent la Psychanalyse, l’Ethnologie, l’Anthropologie, se fondant sur « un perpétuel principe d’inquiétude, de mise en question » (Michel Foucault, Les mots et les choses , 1966), produit un décentrement du sujet par rapport à ses propres références – le confrontant à l’étrangeté de la diversité culturelle –, par rapport à l’illusoire omniprésence et toute-puissance de sa conscience – lui faisant découvrir les profondeurs de la psyché.
Dans le domaine des Arts et de la Littérature, toutes les réflexions portées sur le sujet comme moteur ou non de la création ont ici leur validité. En outre, le décentrement en littérature consiste dans les approches comparées, permettant de relativiser la perception que l’on peut avoir d’une littérature nationale. Donner une voix à ceux qui n’en ont pas, permettre l’accès à la parole aux femmes, aux hommes de toutes les origines sociales ou ethniques, revient donc à penser un pluralisme littéraire qui s’efforce d’arracher à sa position confortable une production régie par des intellectuels assumant en quelque sorte de droit la fonction de communication. La notion de décentrement a été largement utilisée par les études post-coloniales, en montrant comment certaines puissances impérialistes ont considéré les pays annexés comme des satellites, dont les productions ne pouvaient constituer que la forme mineure de leur propre production. La séparation absurde entre littérature francophone et littérature française en conserve la trace manifeste.
Nous pouvons proposer qu’en Histoire, en Géographie, on s’interroge sur ce qui fonde les territoires et engendre l’exclusion. Les sociétés, les règnes se définissent toujours comme des centres, affichant mérite, voire excellence, jouissant toujours de la supériorité d’une appartenance et méprisant ou ostracisant ce qui n’en est pas. Des oppositions naissent, qui se doublent d’un jugement de valeur, Nord/Sud, Capitale/Province, Premier Monde/Tiers Monde… La liste infinie des différences sous-entend toujours le couple domination/subordination.
Toute enquête rigoureuse conduit l’enquêteur à quitter la situation confortable qui est la sienne pour accepter temporairement d’adopter un autre regard, cette approche latérale, biaisée, détournée, oblique, met à mal les certitudes. Cependant, Claude Lévi-Strauss écrivait que « la meilleure étude ethnographique ne transformera jamais le lecteur en indigène », tout ce que l’on peut demander c’est « d’élargir une expérience particulière aux dimensions d’une expérience générale ou plus générale, et qui devienne, par cela même, accessible comme expérience , à des hommes d’un autre pays ou d’un autre temps. Et c’est aux mêmes conditions qu’ils y parviennent : exercice, rigueur, sympathie, objectivité 1 ».
En effet, tout commence toujours par une compréhension du monde fondée sur le soi et ses équivalents : la première tentative d’excéder l’être et sa conception subjective de l’environnement, donne lieu au passage d’une vision en quelque sorte mythique à une vision scientifique objective. Il s’agit de passer des limitations spatio-temporelles, intervenant dans l’expérience intime de la réalité, aux liaisons extra-temporelles ou logico-mathématiques, caractérisant le sujet libéré des limitations inhérentes à la référence personnelle. Ce processus fondamental de décentration progressive permet de rendre compte simultanément de nouvelles structures de connaissance (mouvement d’intériorisation) et de nouvelles approches de l’objectivité (mouvement d’extériorisation).
Le phénomène est également décrit par Jürgen Habermas à travers ce qu’il appelle la « décentration d’une compréhension égocentrée du monde » 2 : cette dernière n’implique pas un principe de neutralité, mais se définit par le déplacement de point de vue qu’effectue le sujet. Les individus abandonnent insensiblement l’étroitesse de leurs représentations et s’ouvrent au monde extérieur : la progression de la rationalité dans une société contribue à l’affaiblissement de l’emprise du Lebenswelt , c’est-à-dire ce qui fait partie de l’ordre des choses, ce qui va de soi, ce qui est naturalisé dans la vie quotidienne, ce qui constitue la tradition.
Par cette attitude on peut atteindre à une éthique de la discussion garantissant une authentique compréhension mutuelle. Pour que l’écoute et l’attention, la question et la réponse, soient fondamentalement possibles, le discours ne doit exprimer ni intimidation, ni menace, la parole doit approcher de ce qu’il conviendrait d’appeler la raison communicationnelle . Habermas estime que la représentation du monde n’évolue dans le sens de la rationalité qu’à la condition d’un double processus, l’un qui intègre le point de vue des autres, et l’autre qui différencie les aspects de la réalité afin de saisir leurs relations.
Les articles qui suivent ont pour intention manifeste d’utiliser cette notion de décentrement comme moyen d’aborder des problématiques comme celles de « l’identité nationale », la « diversité » – qu’elle soit ethnique ou culturelle –, ou encore le concept d’« étranger ». C’est pourquoi il y est toujours

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