Fawzia Zouari
191 pages
Français

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Fawzia Zouari , livre ebook

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Description

Dans cet ouvrage, l'auteur se penche sur les différents aspects sous lesquels se présente la notion d'exil dans les oeuvres de Fawzia Zouari. Mettant l'accent sur la nature métisse d'un monde qui subit de plus en plus le phénomène de la créolisation (Glissant), l'auteur nous rend sensibles aux divers aspects de l'expérience de l'exil dans son rapport à l'espace-temps. Sans échanges authentiques ni regards croisés, sans contacts chaleureux ni dialogue cordial avec l'Autre, la vie de l'exilé maghrébin s'étiole.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 152
EAN13 9782296266193
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fawzia Zouari
L’écriture de l’exil
Critiques Littéraires Collection dirigée par Maguy Albet Dernières parutions Maha BADR,Georges Schehadé ou la poésie du réel, 2010. Robert SMADJA,De la littérature à la philosophie du sujet, 2010. AnnaMarie NAHLOVSKY,La femme au livre. Itinéraire d'une reconstruction de soi dans les relais d'écriture romanesque (Les écrivaines algériennes de la langue française), 2010. MarieRose ABOMOMAURIN,Tchicaya ou l'éternelle quête de l'humanité de l'homme, 2010. Emmanuelle ROUSSELOT, Ostinato, LouisRené des Forêts. L'écriture comme lutte, 2010. ConstantinFROSIN,L'autre Cioran, 2010. Jacques VOISINE,Au tournant des Lumières (17601820) et autres études, 2010. Karine BENACGIROUX,L’Inconstance dans la comédie du XVIIIe siècle, 2010. Christophe Désiré Atangana Kouna,La symbolique de l’immigré dans le roman francophone contemporain, 2010. Agata SYLWESTRZAKWSZELAKI,: l’identitéAndreï Makine problématique, 2010. Denis C. MEYER,Monde flottant. La médiation culturelle du Japon de Kikou Yamata, 2009. Patrick MATHIEU,Proust, une question de vision, 2009. Arlette CHEMAIN (Textes réunis par),« LittératureMonde » francophone en mutation, 2009. Piotr SNIEDZIEWSKI,Mallarmé et Norwid : le silence et la modernité poétique en France et en Pologne, 2009. Raymond PERRIN,unRimbaud : pierrot dansl’embêtement blanc. Lecture deLa Lettre de Gênesde 1878, 2009. Claude MAILLARDCHARY,Paul Eluard et le thème de l’oiseau, 2009. Idrissa CISSÉ,Césaire et le message d’Osiris, 2009. Christine RAMAT,Valère Novarina. La comédie du verbe, 2009. David N’GORAN,Le champ littéraire africain, 2009.
Amel FennicheFakhfakh Fawzia Zouari
L’écriture de l’exil L’HARMATTAN
© L’Harmattan, 2010 57, rue de l’EcolePolytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 9782296129320 EAN : 9782296129320
Introduction Référant à la fois à l'espace représenté et à l'espace évoqué, les 1 textes de Zouari se déploient sur un double topos : le Maghreb et la France. Ne pouvant faire partie qu'alternativement de l'un ou de l'autre et taraudés par la nostalgie de leur terre natale, les personnages sont dotés d'un vécu qui fait coexister réalité et travail de la mémoire. Pris dans son sens étymologique, le terme "exil" – qui dérive d'ex solum– réfère à l'arrachement au sol d'origine et accorde toute son importance à la rupture géographique. Toutefois, la rupture du lien avec le pays d'origine et l'immersion brutale de l'individu dans un autre milieu ont à la fois le goût amer de la fin et la saveur exquise des préambules : c'est cette antithèse qui structure la notion même d'exil chez Zouari. Le volet édifiant et enrichissant de l'émigration a été rarement mis en exergue par les écrivains maghrébins dont les textes renvoient plutôt une image sombre de l'exil. Veillant à souligner l'antinomie inhérente à cette notion, Zouari rappelle qu' "au point de départ des grandes civilisations, à l’aube des gestes fondateurs et des folies créatrices, il y eut souvent l’exil"et"qu’il soit historique ou 2 mythique, il est un moment inaugural."Davantage encore que le déracinement spatial, c'est l'évulsion de ce qui constitue l'essentiel de soimême qui, si l'on se réfère à l'essai de ZouariPour en finir avec Shahrazad,donne son plein sens à la notion d'exil.
1  Fawzia Zouari est une romancière tunisienne contemporaine qui est actuellement journaliste àJeune Afrique.Elle est l'auteur de cinq romans : La caravane des chimères (Olivier Orban, 1989),Ce pays dont je meurs (Ramsey, 1999),La Retournée (Ramsey, 2002),La deuxième épouse(Ramsey, 2006) – et de trois essais :Pour en finir avec Shahrazad(Cérès éditions, 1996),Le voile islamique (Favre, 2002) etvoile qui déchire Ce la France(Ramsey, 2004).2 Pour en finir avec Shahrazad,op.cit.,p.53
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Faisant allusion à l'exil féminin et semblant avoir l'intention de théoriser, par le procédé de l'extrapolation, une expérience vécue, l'auteur considère que l'exil constitue non seulement une épreuve qui met à mal l'intégrité physique de l’individu mais également un défi que la femme se lance à ellemême dès qu’elle décide de quitter son lieu d'origine : "L’exil féminin se trouve être souvent l’expérience suprême d’une vie, la mise à l’épreuve d’une exigence de sincérité, l’arrachementà soi, la recherche d’un juste 3 positionnement visàvis de l’autre." La disjonction qui survient avec l’exil est appréhendée comme l’acte par lequel l’individu se quitte luimême, se sépare de la matrice nourricière, accède à l'autonomie physique et morale et signe son entrée dans la scène de la vie. A cet égard, la naissance peut être considérée comme le premier exil que l’individu connaisse. Le nouveauné accueille le jour avec des cris de détresse, illustrant ainsi l'idée que toute rupture d'un lien implique un sentiment de perte, mais qu'elle est aussi l'annonce d'une aube nouvelle. La douleur lancinante générée par la disjonction s'accompagne d'un ébranlement des marqueurs identitaires et génère un déficit psychique dont les répercussions se font sentir au niveau de l'équilibre physique. Il s'agit en somme pour l'émigré maghrébin de détecter le "juste positionnement", d'être capable de se tenir debout, sans faillir, devant l'Autre et de tenter de se mouvoir avec précaution, à la manière d'un funambule, sur la petite portion de territoire concédée par le Français. Loin de livrer une lecture monolithique du phénomène migratoire, les romans de Zouari paraissent osciller entre les deux conceptions antagonistes de l'exil : celle qui assimile cette notion à une renaissance et celle qui, au contraire, met l'accent sur la déliquescence morale à laquelle l'exilé est en proie. DansLa Retournée etLa deuxième épouse, les héroïnes font l'expérience de l'exil heureux. Tout se passe comme si elles étaient 3 Pour en finir avec Shahrazad, p.46
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portées par un optimisme atavique qui les amène à ne percevoir dans leur situation d'exilées que les aspects positifs. DansPour en finir avec Shahrazad, Zouari oppose le monde occidental chrétien qui est obscurci par toutes sortes de péchés et dont l'abnégation est le maîtremot, au monde oriental, davantage tourné vers les plaisirs : "L’imaginaire musulman est riche d'images de paradis, rarement de purgatoires. Les banquets et les fêtes peuplent bruyamment son histoire." Exclue de cet éden qui semble avoir été conçu sur mesure pour l'homme, la femme maghrébine tente de conquérir sa part de bonheur ailleurs que dans sa patrie d'origine : "Il fait bon vivre en France, il fait bon mourir en Tunisie"se plaît à dire la narratrice de Ladeuxième épouse. Peuton dès lors considérer ces femmes épanouies  et quasiment amnésiques  comme de véritables exilées ? L'exilé n'estil pas plutôt celui qui, à l'instar d'Orphée, est obnubilé par la tentation de se retourner derrière lui ? DansFemmes d'Alger dans leur appartement, Assia Djebar établit une distinction très nette entre les deux situations dans lesquelles se trouvent les émigrés : "Il y a ceux qui oublient ou simplement qui dorment. Et ceux qui se heurtent toujours contre le mur du passé… Ce sont les véritables 4 exilés." DansCe pays dont je meurs, l'exil est présenté comme une fêlure qui affecte l'individu dans les zones les plus intimes de son être : il est vécu comme une distorsion entre un ici avilissant et un ailleurs que la nostalgie du passé couvre d'un revêtement mirifique. Le mal du pays taraude l'esprit des protagonistes, se transmue en maladie incurable et finit par décimer les personnages qui peuplent le roman. Voulant nommer le mal auquel sa mère a succombé, la narratrice homodiégétique dira simplement que c'est"son amour pour l'Algérie[qui]l'a tuée."C’est essentiellement dans ses articles journalistiques et dans son essai que l’auteur nous livre sa propre définition de l’exil. Zouari est persuadée que la notion d'exil est étrangère à toute considération d'ordre géographique. Servant de cadre aux vestiges 4 Éd. Albin Michel (nouvelles), 2002
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du passé, le lieu originel campe dans la mémoire de l'exilé : "En vérité, ce n’est pas la distance qui définit l’exil. Un lieu (…) est ce qu’il y a de plus facile à emporter. (…) L’histoire des migrations le démontre : partout où ils sont arrivés, les migrants ont su recréer leur territoire premier jusqu'à baptiser les lieux conquis des noms qu’ils avaient laissés derrière eux. A ces lieux, ils ont octroyé les 5 sons, les odeurs et les couleurs de la mémoire." L'auteur insiste sur le fait que l'espace n'est pas fixe, qu'il est modulable et transportable : "L’homme ne part jamais sans son espace originel. Celui qui va l’accompagner dans tous ses déplacements, s'inscrire partout où il installe sa demeure définitive 6 ou provisoire." Ainsi, la déterritorialisation ne semble poser aucun problème pour Rim et Farida, les narratrices intradiégétiques deLa Retournée et deCe pays dont je meurs, qui n'ont pas de mal à reconstituer leur chez soi en France, en l'investissant d'objets divers. Si ces derniers ont pour elles une fonction mnémotechnique, ils sont appréciés par leurs partenaires français en raison de critères esthétiques qui valorisent l'exotisme. Selon Zouari, l'exil aurait moins partie liée avec le déplacement physique du corps qu'avec la réclusion de l'âme ; il concerne moins l'espace que le temps : c'est sur cette vérité que le décès de sa propre mère lui dessille les yeux. Dans un article paru dansJeune Afriqueet intitulé "Elégie pour la mère morte", l'auteur écrit : "Et qu’est l'exil, si ce n'est le temps soustrait à la proximité d'une mère ? On essaiera de vous persuader du contraire, prétendant que l’exil est une question d'espace, alors que c’est si aisé de recréer les espaces et de reconstituer les décors ! L’exil est une question de temps, d’absence au temps des vôtres, plus précisément, ce temps qui finit un jour par emporter celle que vous croyiez éternelle, 7 votre mère." 5 Pour en finir avec Shahrazad, p.51 6 Pour en finir avec Shahrazad,p.52 7 Juin 2008
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