L Esthétique romanesque de Sony Labou Tansi
250 pages
Français

L'Esthétique romanesque de Sony Labou Tansi , livre ebook

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250 pages
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Description

"Il faut faire éclater cette langue frigide qu'est le français, lui prêter la luxuriance et le pétillement de notre tempérament tropical, les respirations haletantes de nos langues et la chaleur folle de notre moi vital » écrivait Sony Labou Tansi. Ses romans ont en effet marqué une rupture dans les champs linguistiques et littéraires, le contexte incitant à plus de liberté face à la figure du dictateur démystifié. Il peut désormais être considéré comme le modèle de l'esthétique romanesque africaine des années 80.

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Publié par
Date de parution 15 septembre 2015
Nombre de lectures 93
EAN13 9782336390857
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

« I
343-
ClémenceKASINGA
L’ESTHÉTIQUE ROMANESQUE DE SONY LABOU TANSI
L’esthétique romanesque de Sony Labou Tansi
Clémence KASINGAL’ESTHETIQUE ROMANESQUEDESONYLABOUTANSIL’Harmattan
© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-06890-9 EAN : 9782343068909
INTRODUCTION GENERALE Au colloque d’Abidjan consacré au thèmeLittérature et Esthétique Négro-Africaines, Lilyan Kesteloot a fait un constat désagréable sur les études de Littérature négro-africaine. Dans sa communication intitulée « Esthétique Africaine et Critique Littéraire », elle déclare en effet :« Dans un premier temps, nous fûmes si captivés par les idées et les sentiments des auteurs que l’on a négligé l’analyse esthétique de leurs œuvres. On a souvent l’impression lorsqu’on lit les mémoires et les thèses que l’essentiel est l’idée – le fond comme on disait jadis – tandis que le style ne serait 1 qu’accessoire. Or sans art, point d’œuvre littéraire ». Peu d’ouvrages en Littérature africaine d’expression française relèvent de la stylistique, perspective pourtant intéressante pour les chercheurs de ce domaine. Notre étude s’inscrit dans la perspective souhaitée et suggérée par Lilyan Kesteloot. La plupart des critiques qui se sont intéressés à la littérature africaine des années 80 considèrent Sony Labou Tansi comme le plus grand de sa génération. C’est sans doute pour cette raison que son compatriote Henri Lopes écrivait en 1979, au début de la carrière littéraire de Sony Labou Tansi :« Voici que s’élève un prophète, un poète. Il n’a plus besoin d’un 2 parrain. Seulement d’être introduit » . Sony finira par se confirmer en produisant des œuvres de valeur littéraire incontestable.En effet, de 1979, année de la parution de sa première pièce de théâtre,Conscience de tracteur, et de son premier roman,La vie et demie, jusqu’à sa mort en 1995, il est resté fécond, produisant une œuvre en moyenne par an. Sony est donc un véritable météore des Lettres africaines postcoloniales dont l’œuvre mérite consécration par des travaux de grande envergure. C’est ce qui a poussé Nyunda ya Rubango, dans son article intitulé « Le Phénomène Sony Labou Tansi, vers une rencontre du météore », à écrire, en reprenant Georges Ngal :« Et pourtant je n’ai pas trouvé de meilleure expression pour caractériser un écrivain de la veine de Sony Labou Tansi et disparu comme prématurément : un génie à la fois célèbre et controversé, le lieu de nombreux conflits, paradoxes, contradictions, ambiguïtés et énigmes ; une silhouette qui par son itinéraire humain et littéraire exceptionnel, suscite des méditations et des interrogations continues ; une figure pour le moins emblématique qui, de l’avis d’un des
1  L. KESTELOOT, « Esthétique Négro-Africaine et Critique Littéraire », in Colloque sur Littérature et Esthétique Négro-Africaines, N.E.A., Abidjan/Dakar, 1979, pp.307-308. 2 H. LOPES,Envoi à "Conscience de tracteur", Clé, Yaoundé, 1979, p.13.
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critiques africains et africanistes le plus patenté, « a traversé le ciel de la 3 francophonie comme un météore » .Si, dans la production abondante de l’auteur, nous avons opté pour le roman, c’est parce qu’il est le genre de prédilection sur lequel portent nos recherches. Les romans de Sony se démarquent de l’ensemble des romans classiques français, en général, et des romans négro-africains, en particulier, aussi bien par leur structure que par leurs singularités linguistiques, bien qu’ils abordent généralement les mêmes thèmes :« snobisme, inconscience professionnelle, tribalisme, dépravation morale, corruption, médiocrité 4 intellectuelle et morale, matérialisme, mégalomanie, etc.»institutionnalisés par les nouveaux dirigeants de l’Afrique indépendante. L’intérêt d’une étude consacrée au style d’un auteur considéré comme le plus grand de sa génération en Afrique noire paraît évident. C’est que la portée politique de l’œuvre de Sony n’affecte en rien les qualités hautement littéraires de celle-ci. Les aspects politiques et littéraires y sont intimement liés, comme l’a perçu Georges Ngal : « L’apparition de Sony Labou Tansi avec “La vie et demie” (1979) et d’autres écrivains comme Henri Lopes avec “Le Pleurer-rire” (1982) permet de parler de “rupture”, dans le champ linguistique et littéraire. Le contexte historique incite à la revendication et à plus de liberté face au dictateur, démystifié, rendu plus bouffon et ubuesque, dans un Etat, échec du placage de l’Etat d’origine européenne. D’où l’esthétique du grotesque : français créolisé, bouffonnerie d’écriture, irréalisme de certaines situations, énonciation indécise... ; autant de ruse pour communiquer au lecteur le 5 sentiment de l’inacceptable ». Pour Georges Ngal donc,« L’écrivain congolais [Sony Labou Tansi] peut être désormais considéré comme le modèle de l’esthétique romanesque africaine des années 80 caractérisée par les facéties, les bouffonneries, les 6 fantaisies, le grotesque, le burlesque et l’ubuesque» . Il ajoute :« L’écrivain n’entre pas dans un espace littéraire tout fait déjà constitué, mais dans un champ en genèse : l’écrivain construit un monde en constante invention verbale, obéissant à ses propres règles -métaphores, symbolique, codes, transposition (de l’oralité), traduction et 7 polysémie » .
3 NYUNDA ya RUBANGO, « Le Phénomène Sony Labou Tansi, vers une rencontre du météore », inFrancophonie littéraire en procès. Le destin unique de Sony Labou Tansi, Silex, Nouvelles du Sud, Yaoundé, 1999, p.19. 4  J. FAME NDONGO,Le Prince et le Scribe. Lecture Politique et Esthétique du roman négro-africain post-colonial, Berger-Levrault, Paris, 1988, p.144. 5 G. NGAL,Création et rupture en Littérature africaine, L’Harmattan, Paris, 1994, p.33. 6 Idem, p.99.7 Idem, p.99.
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Anatole Mbanga relève la particularité :« Des textes au niveau du langage, du style. Ils se composent d’emprunts, d’interférences, de calques, de particularismes de tous ordres et d’images aussi nombreuses que variées et fortes. Ce sont là des éléments qui apportent la preuve de la créativité « 8 débordante » et de la vitalité de la langue employée par l’écrivain » . Pierre Monsard observe :« Que l’on se situe du point de vue d’Ange Séverin Malanda, de Georges Ngal, de Séwanou Dabla ou de Valérie Layrand, un constat s’impose : la langue de Sony Labou Tansi intrigue, interpelle, suscite la curiosité. On peut dire qu’il y a un style Sony Labou 9 Tansi » . Paul Nzete abonde dans le même sens quand il écrit :« L’un des traits fondamentaux par lesquels les cinq romans de Sony Labou Tansi (publiés de son vivant) retiennent l’attention est, sans nul doute, la qualité 10 de sa langue ». Gilbert Lombale-Bare qualifie le style de Sony Labou Tansi d’irrégulier, dans la mesure où, précise-t-il :« Plusieurs voix s’accordent à relever le caractère anticonformiste de l’écriture de Sony 11 Labou Tansi ». Drocefla Mwisha Rwanika note pour sa part :« C’est cette notion d’écart qui définit mieux l’écriture sonyenne. Héritier d’un important bagage littéraire français, cet auteur n’hésite pas à tordre le cou à la langue 12 française pour créer la sienne propre qui puisse répondre à ses besoins » . Plusieurs autres opinions peuvent être avancées, qui témoignent de l’esthétique sonyenne. D’ailleurs, l’écrivain est à ce sujet explicite quand il déclare lui-même :« Il faut faire éclater cette langue frigide qu’est le français, lui prêter la luxuriance et le pétillement de notre tempérament tropical, les respirations haletantes de nos langues et la chaleur folle de 13 notre moi vital » . Comme l’indique le sujet de cet ouvrage, nous allons nous servir de la méthode stylistique. Pour en saisir les fondements et le fonctionnement, il est peut-être utile d’en rappeler l’évolution à travers un aperçu historique.
8 A. Mbanga,Les procédés de création dans l’œuvre de Sony Labou Tansi, Systèmes d’interactions dans l’écriture, L’Harmattan, Paris, 1996, p.6. 9  P. MONSARD, « Sony Labou Tansi : Esquisse d’une poétique du Comique», in Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens. Actes du Colloque de Brazzaville, tenu du 13 au 15juin 1996, L’Harmattan, Paris, 1997, p.47. 10 P. NZETE, « Les jeux de mots dans les romans de Sony Labou Tansi »,in Sony Labou Tansi ou la quête permanente du sens, inidem, p.61. 11  G. LOMBALE-BARE, «Une lecture deL’Etat honteux. Essai d’analyse syntaxique» in ibidem, p.107. 12  D. MWJSHA RWANIKA,L’inscription féminine. Le Roman de Sony Labou Tansi, Silex, Nouvelles du Sud, Yaoundé, 1998, p.16. 13  L.T. SONY, « Table ronde de Lomé », cité par CHEVRIER, J., inLittérature nègre, Armand colin, Paris, 1984, pp.236-237.
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