L imaginaire du jeu d échecs et la poétique de l ordre et du chaos
484 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

L'imaginaire du jeu d'échecs et la poétique de l'ordre et du chaos , livre ebook

-

484 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Cette histoire de la métaphore du jeu d'échecs n'a aucune vocation à l'éloge. Il n'y a donc ni « roi des jeux » ni « jeu des rois » dans cette histoire sinon pour discuter les formulations laudatives et jeter le doute sur le fantasme de maîtrise qui caractérise l'emploi de l'image du jeu d'échecs. Nous partons d'une curiosité : cette métaphore, tombée en désuétude après la Renaissance, trouve un regain de vitalité à la fin des Lumières, grâce à l'apparition de la figure du joueur d'échecs, variation particulière du mythe du génie. Comment comprendre cette disparition momentanée puis la recrudescence et la prolifération de la métaphore du jeu d'échecs ces cinquante dernières années ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 417
EAN13 9782296478619
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,2000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’imaginaire du jeu d’échecs et la poétique de l’ordre et du chaos
PALINURE
Etudes de littérature générale et comparée
Collection dirigée par Daniel-Henri Pageaux
« Et l’endroit aura éternellement
le nom de Palinure. (…)
Il se réjouit qu’une terre porte son nom »
Virgile, l’Enéide , VI, 381-383
La collection accueille des études de littérature générale et comparée, avec une attention particulière portée aux relations interculturelles, aux questions de poétique, aux rapports entre les lettres et les arts, aux littératures en situation émergente ou dans un contexte postcolonial. Dans sa volonté de s’ouvrir largement sur les lettres et les espaces culturels les plus divers, elle invoque le patronage d’un navigateur illustre, immortalisé par Virgile.
Déjà parus
Che Lin, La Rhétorique de la poésie symboliste française et ses rencontres avec la poésie chinoise , 2001.
Georges Bê Duc, Zhou Zuoren et l'essai chinois moderne , 2010.
Germain-Arsène Kadi, Le champ littéraire africain depuis 1960. Roman , écrivains et société ivoiriens , 2010.
Ivan Gros
L’imaginaire du jeu d’échecs et la poétique de l’ordre et du chaos
Histoire d’une représentation de la cérébralité
Préface de Jacques Berchtold
L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56639-2
EAN : 9782296566392
A Rafael Esteban Puertas Gros
Il en va de l’écriture comme de beaucoup d’autres occupations solitaires : rien ne se fait seul. C’est pourquoi, je veux témoigner ici de mon amitié et de ma gratitude.
A Julie Puertas, les corrections de pointe et le compagnonnage de cœur ; Hamda El Khiary, la relecture engagée et le goût pour la chicane , Brice Tabeling, les compétences chagrines et les spéculations touchantes ; Sébastien Hoog, la curiosité pour l’exercice scolaire et le sens de la scolastique ; Karim Sacré, le compagnonnage d’esprit et la zénitude distinguée ; Hélène Merlin-Kajmann, la bienveillance intellectuelle et l’inquiétude réflexive ; Anne Duprat, la participation opiniâtre et la grogne créative ; Isabelle Louvel, l’enthousiasme discret et le dire juste , Malika Rahal, l’expérience savante et l’engagement historien ; Daniel-Henri Pageaux, la patience méthodique et la présence théorique ; Jacques Berchtold, la confiance répétée et la mansuétude critique , 國科會, l’encouragement financier et l’espoir dans la recherche .
Pour être juste, je devrais remercier aussi géniteurs, compagnons de jeux et petits génies, vieux djinns et petits magiciens… Merci à tous.
PREFACE
Ivan Gros donne un livre remarquable, qui, à côté de ses riches analyses, présente aussi des traits de somme encyclopédique. Il considère l’ensemble de la littérature romanesque qui accorde une place significative au jeu d’échecs. Un nombre considérable d’ouvrages du patrimoine livresque mondial, de toutes les époques (du moyen âge au 21 e siècle) sont ici commentés (plus de quatre-vingts pour le seul 20 e siècle). Le jeu y est étroitement associé au problème de la complexité croissante des connaissances, propre à notre modernité – et au problème parallèle de la tentative de maîtrise de cette complexité. Présent sur le plan de l’intrigue romanesque, le jeu s’accompagne d’une dimension métaphorique et d’une fonction emblématique : celles-ci sont étudiées dans leur richesse et leur diversité. Parmi les associations variées que suggèrent les textes : l’arène et ses gladiateurs, le champ de bataille et ses armées, la dentition humaine à double mâchoire d’ivoire, le miroir et ses reflets, la salle de bal et ses spectres dansants, les trajets sinueux de protubérances phalliques autonomisées, l’araignée et sa toile, le cimetière et ses tombes froides, le labyrinthe et ses détours… Des valeurs riantes et positives (rares : telle la conversion de la rivalité et de l’agressivité belliqueuses en un affrontement pacifié, amical et non sanglant) alternent avec des valeurs inquiétantes et négatives. La curiosité offerte par une intrigue ou une devinette mystérieuse rapproche la figure du joueur d’échecs de celle du déchiffreur et du solutionneur d’énigmes (sphynx) et du personnage du détective dans le polar. La recherche méritoire de Gros affronte, à côté d’une telle diversité, une complexité bien réelle. Dans le très large éventail de textes pris en compte, les chefs-d’œuvre (les belles analyses de Beckett, Nabokov, Zweig, Cortázar, Calvino, Perec, Gary) côtoient des textes de statut littéraire plus mineur. Le va-et-vient entre textes canoniques et textes plus modestes et inattendus, provenant parfois du tout-venant de l’inventivité romanesque, se révèle ici extrêmement fécond : ils s’éclairent et s’interprètent les uns les autres. Cette richesse expérimentale et ce renouvellement effervescent se trouvent comme mimés par la pensée souple et plastique d’Ivan Gros considérant sérieusement tour à tour le monde des amoureux mutiques, celui des espions sur le qui-vive, celui des jeunes exprimant de biais leur Œdipe face au père adversaire, ou celui des cerveaux des surdoués. L’échec et mat ne renvoie plus automatiquement ni systématiquement au simple « shah mat » (le monarque est mort) de l’étymologie !
Deux personnes sont en train de jouer : leur attention est concentrée par le jeu sur l’échiquier et paraît les condamner à l’isolement : Les joueurs d’échecs , le tableau de peinture de genre de l’Américain Thomas Eakins (1876 ; New York ; Metropolitan Museum), les joueurs d’échecs indifférents aux changements politiques catastrophiques qui les environnent de L’autre côté de l’Autrichien Alfred Kubin (1909) ou ceux, indiens, de 1856, de l’histoire filmée par Satyajit Ray (1977, film basé sur le roman hindi de Mumshi Premchand), ou encore les joueurs d'échecs photographiés à Bandar Anzali, en Iran 1 , montrent tous la même absorption : on s’interroge dès lors inévitablement sur la nature de la relation unissant l’une à l’autre la bulle de la partie d’échecs et la réalité extérieure à celle-ci. Où est le réel valide, lequel des deux, de l’échiquier ou du monde, est le référent vrai et pertinent ? On apprécie qu’une histoire des imaginaires soit pareillement éployée à partir d’un seul et même motif aussi richement polysémique. Se croisent, au fil des lectures et au gré des interprétations, histoire culturelle, histoire littéraire (l’évolution à l’intérieur des genres), histoire des sensibilités, histoire des imaginaires sociaux et politiques, histoire des guerres et des relations internationales 2 . Des éléments significatifs sont déjà solidement en place au moyen âge et à la Renaissance. Une succession de ruptures, de seuils épistémologiques et de bouleversements des usages caractérisent les horizons d’attente des lectorats successifs. Le 17 e siècle s’interroge sur les anicroches survenant dans les jardins parfaits à la Le Nôtre, dans une nature quadrillée au cordeau, tandis que le siècle des Lumières met en vedette la figure du joueur-musicien rationaliste d’exception. Le siècle romantique célèbre le génie singulier confinant à la folie ; le 20 e siècle entérine l’apparition du polar, de la science fiction, et l’exploration approfondie de la schizophrénie comme celle de la réalité concentrationnaire. Le domaine a donc ses hérauts et ses champions : Philidor au siècle des Lumières, l’Américain Paul Morphy au 19 e siècle… : transfert d’intérêt significatif, du jeu, vers la figure et la personnalité du joueur. Alors qu’il offrait dès le moyen âge une mise en abîme du roman, le jeu d’échecs livre aussi le paradigme d’une psychologie humaine exemplairement tourmentée.
De façon récurrente, les représentations du monde échiquéen sont associées à des noms emblématiques. Il appartient aux ressorts imaginaires fondamentaux de se référer à des duels fondateurs et paradigmatiques. Beaucoup de textes fictionnels du 20 e siècle confèrent ce rôle de seuil à Bobby Fischer contre Boris Spassky (Reykjavicz 1972). Mais, plus tôt dans le siècle, les

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents