Le Je-ne-sais-quoi
196 pages
Français

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Le Je-ne-sais-quoi , livre ebook

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Description

Qu'il s'agisse du charme de la personne aimée, de quelque chose qui nous retient et nous émeut dans une œuvre d'art, le pouvoir du "je-ne-sais-quoi" tient dans cette attraction magnétique. Et si l'on se trouvait réellement aimanté par ces objets du désir ? Le présent ouvrage explore cette possibilité. Il s'agit de comprendre comment se met en place un discours propre à décrire l'effet que produisent sur nous les œuvres d'art, et plus largement de mettre au jour la croyance qui s'exprime au travers de cette impossibilité de dire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 46
EAN13 9782296480469
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L E J E-NE-SAIS-QUOI
Ouverture philosophique
Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau,
Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot

Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques.
Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu’elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.


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L E J E-NE-SAIS-QUOI

Aux sources d’une théorie esthétique
au XVII e siècle


L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56650-7
EAN : 9782296566507

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Introduction
Ha ! ha ! vous n’y êtes pas encore, mes braves compagnons, il vous faudra user bien des crayons, couvrir bien des toiles avant d’arriver. […] Vous avez l’apparence de la vie, mais vous n’exprimez pas son trop-plein qui déborde, ce je ne sais quoi qui est l’âme peut-être et qui flotte nuageusement sur l’enveloppe ; enfin cette fleur de vie que Titien et Raphaël ont surprise {1} .

Il n’est pas rare de rencontrer au XIX e siècle l’expression « je-ne-sais-quoi » dans la littérature française. Ingrédient d’abord essentiel de l’évocation de la grâce féminine, notamment sous la plume d’Honoré de Balzac, le terme sert la captation d’un mystère dont il appartient à l’artiste comme au peintre de communiquer le charme. Selon l’écrivain, Raphaël entre autres y serait parvenu. Il relaie donc dans ce passage du Chef-d’œuvre inconnu une réussite picturale déjà attestée au XVI e siècle par le théoricien de l’art Ludovico Dolce, pour qui le « non so che » n’est plus tant en définitive dans le sujet de l’œuvre que dans la manière des peintres, comme dans celle des poètes {2} . Un rien désuet cependant, le je-ne-sais-quoi apparaît au temps de Balzac de manière plus pondérée en prose à mesure qu’il se banalise dans le langage.
Souvent associé à l’extraordinaire, et parfois même au merveilleux, il est une tournure de phrase qui dans les romans transperce la diégèse pour signaler son créateur par la première personne. Ce phénomène est ce que le romantique allemand Friedrich Schlegel appelle l’ironie, dont l’usage ne sert pas exclusivement des fins rhétoriques. Il peut introduire un niveau de lecture renvoyant à l’expérience irréductible de l’auteur face à son travail d’écrivain {3} . Victor Hugo, dans son roman L’Homme qui rit, évoque de la sorte la pureté que dégage le personnage de Déa, jeune orpheline aveugle : « Elle avait ce je ne sais quoi de suprême de la vierge prêtresse, qui ignore l’homme et connaît Dieu {4} . » On a ainsi l’impression qu’une qualité de la personne de Déa tend à dépasser son humaine condition aux yeux de qui la voit. Déa a donc quelque chose qui la relie obscurément à son créateur. Mais duquel est-il question ici : du dieu des hommes, omnipotent et omniscient, ou bien du démiurge Hugo, qui a inventé Déa ? Ce rapport de proximité – et presque de contiguïté – entre l’écrivain et sa créature n’a-il pas à voir avec la cecité du personnage ? La privation de la vue qui influence son expérience au sein de la diégèse ne refléchit-elle en effet pas l’impossibilité pour l’écrivain d’accéder au monde qu’il a créé par l’expérience phénoménale ? Ce monde qu’il a façonné, Hugo ne peut qu’en avoir le contrôle {5} , mais son expérience face à lui est toujours celle de l’écrivain, Deus supramundus, jamais de la créature. Il y a par conséquent quelque raison de penser que le dépassement de la condition humaine d’un personnage de roman peut renvoyer à l’écrivain.
Mais l’expérience que l’on pense faire du je-ne-sais-quoi en dehors du fait littéraire, nous renvoie nous-même à notre sort de créature. Non pas que le je-ne-sais-quoi ait toujours une charge transcendante ou qu’il suppose toujours un dieu, mais l’incapacité momentanée de dire fait signe vers le sentiment vague d’une intelligence du tout.
Cette expérience de la limitation humaine compte parmi les choses les plus difficiles à décrire dans le discours philosophique, précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une chose, d’un objet positivement observable. Pour cette raison, l’expérience, tout comme l’émotion, constituent un grand défi de la philosophie occidentale, notamment contemporaine, car elles mettent à l’épreuve la clé de voûte de son édifice, sa rationalité. Cependant cette difficulté épistémologique liée à l’expression d’une expérience toujours particulière est apparue bien avant le XIX e siècle, comme en témoigne avec force l’usage très en vogue chez les Classiques de la lexicalisation {6} je-ne-sais-quoi. Loin d’être anecdotique, l’histoire de ce terme peu banal cristallise toutes les difficultés du XVII e siècle à produire un énoncé scientifique rationnel se rapportant de manière adéquate à l’expérience vécue, c’est-à-dire un composé de sensations et d’émotions. Mais plus qu’un symptôme du conflit animant raison et expérience – derrière lequel se profile la question de la dualité entre l’âme et le corps – le je-ne-sais-quoi pose une question philosophique : celle de savoir comment une expérience indicible peut aboutir à une logique de l’expression, c’est-à-dire garder du sens malgré l’imperfection – voire la défection – de la langue censée le lui attribuer. Quel est en somme le problème spécifique posé par le je-ne-sais-quoi ? Celui-ci est double, voire triple.
Tout d’abord l’expérience ressentie par le sujet et exprimée par ce terme ambigu est très complexe dans la mesure où elle se situe empiriquement au croisement de plusieurs domaines plus ou moins bien délimités : l’expérience amoureuse, l’expérience mystique et l’expérience esthétique. Par conséquent, la question se pose de savoir si cette expérience a une unité du point de vue qualitatif ou si, au contraire, c’est la manière de l’exprimer qui est univoque. Tout le monde au cours de sa vie a rencontré le je-ne-sais-quoi, sous une forme ou une autre. Il arrive que l’on ressente pour une personne que l’on ne connaît pas une attirance soudaine et vive sans que celle-ci trouve une explication immédiate. Certains parlent alors de charme, comme si l’être attirant était responsable de l’effet qu’il suscite. D’autres parlent familièrement de « flash », et le phénomène ainsi nommé est plus difficile à qualifier : est-ce que l’on flashe sur quelqu’un à la manière d’un appareil photographique rencontrant enfin un sujet valant la peine d’en c

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