La lecture à portée de main
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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 mars 2014 |
Nombre de lectures | 4 |
EAN13 | 9782336690506 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Couverture
4e de couverture
Titre
Du même auteur
DU MÊME AUTEUR
1936-1939 :
Les écrivains espagnols
au crépuscule de la République
A LAS CINCO DE LA TARDE
Editions L’Harmattan
1933-1945 :
Les écrivains de langue allemande
sous le nazisme
UNE ÉCRITURE QUI RÉSISTE
Editions L’Harmattan
1922-1945 :
Les écrivains italiens sous
le fascisme L’IMBROGLIO
Editions L’Harmattan
1940-1944 :
Les écrivains français
sous l’Occupation
LES PAGES ARRACHÉES ET
LES BRÛLOTS MORTELS
En cours d’édition
Copyright
Illustrations de couvertures
Photographies de gauche à droite :
Vladimir Maïakovski, Boris Pasternak,
Anna Akhmatova, Maxime Gorki
Agence photos Rue des Archives sous le n° 44989
© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-343-02597-1
Une écriture clandestine
Une écriture clandestine
Là où l’eau ne passe pas… Le livre passe.
proverbe russe
Le livre vivant , ainsi nommé en Union Soviétique, était un poème ou un texte interdit de publication, conservé dans les mémoires et transmis oralement.
Tandis que, circulant par écrit sous le manteau, devenu écriture clandestine , on le disait transmis en samizdat.
INTRODUCTION
Seule demeure l’écriture… après trente années de dictature stalinienne, 1924-1953, fléau pour tout un peuple victime de l’imposture politique, mutilé par les millions d’arrestations, amputé de ses élites intellectuelles.
Quand la révolution russe portait en elle l’espoir, le rêve le plus insensé, l’utopie la plus accessible, elle donnait au monde à voir, à croire aux images répétées du bonheur de vivre dans un pays communiste, à travers les clichés de la propagande : la terre donnée aux paysans, la steppe couverte de blés dorés, la vaillante tractoriste, l’ouvrier heureux dans l’usine, l’équipe surpassant les records de production, le soldat défenseur de la famille et de la nation, l’homme politique infaillible.
Autres clichés qui suscitent toujours l’émotion, les mouvements de foule à la conquête de l’Idéal, les milliers de voix populaires, solidaires, chantant l’ Internationale du fond du cœur, qui assurent que c’est la dernière lutte – la finale – pour saisir un bonheur à portée de la main. Partie à la recherche d’un monde meilleur, acceptant son sacrifice pour l’avenir, dans l’édification d’une nouvelle société, cette génération d’amertume, finalement trahie, décimée, aura vu les rêves endeuillés, les lendemains qui chantent tournés au cauchemar.
Dans ce désastre intellectuel, il convient de mettre en lumière certains destins de poètes et d’écrivains bâillonnés, dont les cris n’ont pu être entièrement étouffés. Les assassinats d’Isaac Babel, d’Ossip Mandelstam, n’ont pas entrainé la disparition de tous leurs écrits. Les tentatives d’anéantissement de Maïakovski, de Vassili Grossman, n’ont eu, pour effet, que de prouver la vitalité de la littérature russe, alors même que l’Académie Suédoise couronnait Bounine, et plus tardivement, Pasternak, Cholokhov, Soljenistyne, Brodski, cinq Prix Nobel de littérature. De plus, trois femmes remarquables dont la poésie (Akhmatova, Tsvétaeva) et la prose (Berberova) sont sans égales.
Contre les directives des commissaires politiques du Parti, ces écrivains n’ont pas cessé de garder la faveur du public.
Nombreux sont leurs écrits, confisqués et retrouvés, disparus et détruits au pilon par la police. Quelques manuscrits, échappés clandestinement, sont parvenus chez des éditeurs suisses, français, américains. Aussitôt traduits, leur valeur reconnue, ils ont été publiés, ce qui à infligé à ces écrivains restés dans leur pays, en prison, ou au goulag, des représailles plus sévères, mais les a peut-être consolés dans leur misère.
Ce ne sont pas les oubliés de la littérature. Tirés de leur isolement par la presse française ou américaine, qui nous les ont fait connaître, dénonçant les exactions à leur encontre, soutenant les œuvres par des comptes rendus, des articles leur ont assuré les premières places dans la littérature universelle.
Aujourd’hui encore, la réédition d’une œuvre comme Vie et Destin de Vassili Grossman, s’impose à la « une » des pages littéraires des journaux, son adaptation théâtrale par Dodine, metteur en scène de Saint-Pétersbourg venu à Paris pour quatre représentations, jouées dans une salle comble, ont suscité l’enthousiasme du public, debout pour les ovations.
Que faire dans ce chapitre, de ces écrivains comblés d’éloges, qui croulent sous le poids des données de dictionnaires, éparpillés dans les encyclopédies, égarés, disséminés sur la toile, sinon les rapprocher, les assembler suivant la consonance slave de leur nom, les titres de leurs livres, ces chefs d’œuvres qui nous parlent de la Kolyma au Cercle Polaire, mais aussi du Don Paisible et de la Volga, de l’Oural et de la Taïga, des steppes immenses, des yeux noirs ; reliés déjà ils le sont par la notoriété, le talent, la douleur, reste à rassembler leur histoire.
1 : POÈTES ET ROMANCIERS FACE À LA TERREUR POLICIÈRE
– Descendants de l’aristocratie et de la bourgeoisie
– Issus de milieux populaires et paysans
– D’origine juive
« L’homme est le bien le plus précieux, il faut y veiller comme à la prunelle de ses yeux »
« L’écrivain, l’ingénieur de l’âme humaine »
Staline
Imprévisible, inconstant, cynique, le pouvoir met à rude épreuve les écrivains, jouant avec leurs nerfs, avec leur vie.
A la parution d’un livre, nul ne sait l’accueil qui lui sera réservé, ceci indépendamment de la valeur de l’ouvrage. En décide une directive venue d’en haut (Kremlin, KGB, siège du Parti ?) qui détermine les louanges ou les injures.
Dans le cas d’instructions confidentielles favorables, les critiques sont flatteuses, le livre encensé, couronné. Le pouvoir distribue les honneurs, l’argent, une datcha, encourage une nouvelle publication.
Un jour inattendu, un journaliste connu pour sa servilité au régime, critique l’ouvrage violemment. Aussitôt reprises par l’ensemble de la presse, les critiques sont suivies d’injures, puis d’une interdiction de publication. Les œuvres de l’écrivain sont retirées des comptoirs, la datcha confisquée. Il s’ensuit le silence autour de l’écrivain. Les visites se font rares. La disgrâce lui paraît incompréhensible. Peut-être, a-t-il tenu un propos malveillant rapporté par un membre de la police infiltré parmi les amis ? Rebelle dans sa jeunesse, devenu opposant silencieux, il y a longtemps que l’écrivain est attentif à éviter tout comportement ostentatoire révélateur de son insoumission. Peut-être, simplement, a-t-il manqué de docilité. Il a vu les arrestations de ses amis, sans doute, son tour est-il venu ?
Dans le meilleur des cas, il restera en résidence surveillée. Ou bien l’emprisonnement sera pour cette nuit. Sinon dans une semaine, ou quelques mois. Souvent, il lui faut attendre dans l’angoisse un an ou deux ans. Enfin l’instruction, les interrogatoires de nuit, les accusations, les tortures jusqu’aux « aveux ». Et la déportation suivant un verdict arbitraire, de quinze ans, vingt ans, ou trente ans.
Des milliers de personnes incarcérées dans la prison intérieure de la Loubianka disparaissent à tout jamais. Lorsque des amis (rares) demandent des nouvelles des détenus, à leurs proches, « il est parti » ou « il est malade » est la réponse. Lorsque le procureur informe les familles qu’un détenu est condamné à « 10 ans sans droit de correspondance » il faut comprendre qu’il est fusillé 1 . Ceux qui écrivent, depuis les camps, disent toujours « qu’ils se portent bien », « qu’ils vivent au chaud ». Personne ne parle jamais des heures passées durant l’instruction, des interrog