Les voix de l éveil
274 pages
Français

Les voix de l'éveil , livre ebook

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274 pages
Français

Description

Il est possible que la plupart des grandes oeuvres littéraires soient animées par une préoccupation spirituelle, qui leur insuffle leur énergie et leur donne une profondeur perceptible. Le colloque tenu à Pau les 27 et 28 janvier 2006 a rassemblé des lectures d'oeuvres très variées, de l'Antiquité jusqu'à Henri Bauchau, qui ont en commun de se poser la question d'une aventure spirituelle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 39
EAN13 9782296231023
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préambule

« Ce livre essentiel, le seul livre vrai, un grand écrivain n'a pas, dans le sens
courant, à l'inventer puisqu'il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le
devoir et la tâche d'un écrivain sont ceux d'un traducteur.» Ces lignes souvent
citées sont écrites par Marcel Proust dans le dernier tome de son immense
construction,Le temps retrouvé. Elles ne sont pas exactement faciles à interpréter,
et l'on a souvent été tenté d'y voir l'expression d'une croyance plus ou moins
mystique dans la permanence d'un au-delà de la mort qui viendrait hanter les
vivants, ou d'une adhésion à ce qu'on a appelé des tentations spiritualistes voire
carrément spirites, ou encore d'une philosophie idéaliste. On peut aussi y lire une
véritable «religion de l'art», et de la littérature en particulier, en accord avec
cette autre phrase, elle aussi souvent évoquée: «La vraie vie, la vie enfin
découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la
littérature; cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes
aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas, parce qu'ils ne cherchent pas
à l'éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d'innombrables clichés qui restent
inutiles parce que l'intelligence ne les a pas « développés ».Notrevie, etaussi la
vie desautres;carlestylepourl'écrivain, aussi bienque la couleur pourlepeintre,
est unequestion non detechnique maisdevision.Il estlarévélation,quiserait
impossiblepardesmoyensdirectsetconscients, de la différencequalitativequ'ily
a dansla façon dontnousapparaîtle monde, différencequi,s'il n'yavait pasl'art,
resteraitlesecretéternel de chacun.Parl'art seulementnous pouvons sortirhors
de nous,savoircequevoit un autre de cet univers qui n'est pasle mêmeque le
nôtre, etdontles paysagesnous seraient restésaussi inconnus que ceux qu'ilpeut y
avoirdansla lune.Grâce à l'art, aulieudevoir unseul monde, le nôtre, nousle
voyons se multiplier, et, autant qu'ilya d'artistesoriginaux, autantnousavonsde
mondesà notre disposition,plusdifférentsles unsdesautres que ceux quiroulent
dansl'infini et, bien des sièclesaprès qu'estéteintle foyerdontil émanait,qu'il
s'appelâtRembrandtouVerMeer, nousenvoientencore leur«rayonspécial ».
Peut-être l'expression «religion de l'art»peut-elleprêterà confusion et
engendrerdesmalentendus.Essayonsde leslimiter.
Il nes'agit pas, je crois, dansla démarche de Proustd'espérerdécouvrir un
moyen d'accéderàun monde devéritésintemporelles, àun domaine ineffablequi

doubleraitde façon invisible le monde actuel danslequel nous vivonsdes
existences prosaïques, cellesde notrevie detouslesjours ;maisd'indiquer que ici
etmaintenantnous passonsnotrevieséparésde nous-mêmes parletissudeplus
enplusopaque de noshabitudesaffectivesetmentales, et que,peut-être, letravail
de l'écriture(de l'expression artistique en général)nousoffreunepossibilitépour
revenir plus prèsde notrevérité existentielle, etd'abord celle de notreperception.
L'effortdunarrateur semble bien detoutfairepour revenirau plus prèsde
luimêmepour se défaire des représentationsconvenues que nousavons tendance à
substitueraucontact premier que nousavonsavec leréel, ceque Proustnomme
l'impressionpremière, etévoque dans une formule à la foismystérieuse et
parlant« lee :petit sillonque lavue d'une aubépine oud'une église a creusé en
nous, nous trouvons tropdifficile detâcherde l'apercevoir».Ils'agitbien de ce
«réel »devantlequel nousne cessonsd'êtreplacés sanslepercevoir vraiment
parcequesanscesse nousconstruisonsmentalementetaffectivementdesimages
pleinesdeprojets, desouvenirs, de lieuxcommuns, d'inattentions, et que ces
imagesnousles prenons pourle monde «réel »parcequ'elles sont plus
commodesà manier,toujoursdéjà englobéesdans unereprésentationplus
conforme à notre idée deschoses.Le difficile apparemmentestdereveniren-deçà
de ces représentationsconventionnelles pour retrouverlepointde notre
sensibilitéparoù, àun momentinattendu, leschosesontfaiteffractionpournous
toucher.Ils'agiten faitd'unevéritconable «version »,nonpasau sens
habituellement religieuxdu terme, maisau sensd'unerévolution intérieure;etlà
encore lesformulesde Proust peuvent prêteràune interprétationspiritualiste, ce
quiseraità monsens une erreur.m« Je'étais renducomptequeseule la
perception grossière eterronéeplacetoutdansl'objet,quandtoutestdansl'esprit ;
j'avais perduma grand-mère enréalité bien desmoisaprèsl'avoir perdue en fait»,
écrit-il ainsi.Jepeux resterdesheuresdevant une haie d'aubépinesdontjesens
qu'elle metouchesansdécouvriren elle le mystère deson attrait,parceque c'esten
revenantà moique jepourrai,peut-être,trouveren moi lapartobscure et
inconnuequi a été émue.Letravail de l'écriture consiste désormaisnon à élaborer
un double esthétique de la beauté extérieure, maisàtenterderejoindre lavérité
inaperçuequi atressailli en moi.C'est uneradicale mutationqui désormais
oriente différemment toute l'entreprise d'écrire.
Il est possible, il estmêmeprobable,que beaucoupdes« grandesœuvres
littéraires»soientanimées par une découvertesemblable, etorientées par une
attente analogue.Etjusqu'à des personnalitésdont tout pourraitdonneràpenser
que detelles préoccupationsleur sont radicalementétrangères, et que leur
tempéramentironique ouexpressément sceptique les rende fermement réservées
face à detelles perspectives.AinsiFlaubert,qu'onrangerait volontiersdansla
catégorie des« mauvaisesprits»,sarcastiqueset rétifsàtoutenvolée lyrique

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suspecte deridicule, écrit-il à Louise Collet: « J'ai entrevu quelquefois (dansmes
grandsjoursdesoleil), à la lueurd'un enthousiasmequi faisaitfrissonnermapeau
du talon à laracine descheveux,un étatde l'âme ainsisupérieurà lavie,pour qui
la gloire neserait rien, etle bonheurmême inutile »(24 avril 1852).Et, onpeut
en êtresurpris voire déconcerté, desécrivainsau tempéramentdéfiantcomme
Borges, Ionesco ouQueneauontmanifestement quoique discrètementinscrit
dansleurexpériencepersonnelle d'analoguesdécouvertes, mêmesi,pardes
procéduresobstinéesderéticences, de moqueries, de dissimulations, ilsontévité
autant quepossible d'en faire état, commesiunepudeurinsurmontable lesavait
détournésd'un aveu qui leseûtexposés.Ilsuffit pourtantde lire « Sentirse en la
muerte »(dansHistoire de l'éternité),tel ou telrécitdansPassé présent présent
passéouLe solitaire,seulromanpublié de Ionesco, oude déchiffrerlesallusions
quitruffentles récitsgouailleurs (enparticulierdansLe dimanche de la vie, mais
aussi ailleurs),pour s'apercevoir que lesouci d'uneréalité à la fois présente et
difficile d'accèshante l'expérience d'écriturequi lesanime.
C'estàpartird'untel constat que nousavons proposé d'organiserles
journées quisesont tenuesà Pau (Châteaude PauetUPPA, les 27et 28 janvier
2006).Ceprojet s'inscritdanslasuite du travail entrepriset poursuivi
obstinémentdepuisdesannéesauCentre « Poétiquesethistoire littéraire » avec
Christine Van RoggerAndreucciqui nousasi longtemps soutenus parla
lumineuse énergie desaprésence, etnous souhaitonslesdédieràsa mémoire.
Nousavonsessayé de faireplace à des sensibilitésdifférentesles unesdes
autres, les unes résolumentengagéesdans unequêtespirituellequi joueunrôle
majeurdansl'approche des textes, lesautres plus réservéesen apparence entous
cas.Lescontributionsicirassemblées viennentd'horizons trèsdifférents, aussi
bien dansletemps (depuislesgymnosophistesinterrogés parAlexandre jusqu'à
e
Henri Bauchau) que dansl'espace(de l'Extrême-Orientjusqu'à l'Europe duXX
siècle).Ellesont pour pointcommun, au-delà desdiversitésdesujets, de
tempéramentsoud'approches, des'essayerà lire des textes, desœuvres, de la façon
laplusouverte etdisponiblepossible.
Dispo

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