Masculinféminin ou le rêve littéraire de Garcia Lorca
191 pages
Français

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Masculinféminin ou le rêve littéraire de Garcia Lorca , livre ebook

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Description

Construites avec des mots et des rythmes, les oeuvres sont faites de rêve et de chair, elles créent par cet alliage un être nouveau qui a souvent peu de rapport avec l'auteur. C'est ainsi qu'un fil rouge se déroule entre les lignes, ardent comme le sang et la vie, insistant comme les rêves, dans l'oeuvre de federico garcia Lorca, tissant peu à peu l'illusion d'une personne singulière. Une expérience inoubiable: celle d'un éprouvé féminin lancinant et impérieux qui hante la substance masculine mythique des textes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 85
EAN13 9782296711266
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Masculinféminin
ou le rêve littéraire de García Lorca
1 ère édition : Edisud, 2004


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13301-3
EAN : 9782296133013

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Michèle Ramond


Masculinféminin
ou le rêve littéraire de García Lorca


L’Harmattan
CRÉATIONS AU FÉMININ
dirigée par Michèle Ramond

Nous souhaitons avec cette nouvelle collection encourager des essais valeureux sur ce « féminin » que les créations des femmes mais aussi des hommes construisent dans le secret de leur fabrique imaginaire. Notre projet implique une réflexion libre et libérée qui dépasse les stéréotypes, y compris la catégorie de sexe biologique ; nous ne nous limiterons pas, même si nous les favorisons, aux écrivains et aux créateurs « femmes », et nous serons attentifs, dans tous les domaines de la création, à l’émergence d’une pensée du féminin hors cadre institutionnel et biologique, dégagée de l’assignation sexuelle, de ses limitations et de ses tabous.
Penser le féminin, le supposer productif et actif, le repérer, l’imaginer, le théoriser est une entreprise sans doute risquée, vaguement suspecte d’essentialisme ; nous savons bien cependant que l’universel est une catégorie trompeuse et partiale, incomplète, et qu’il nous faut constamment exorciser la peur, le mépris ou l’indifférence qu’inspirent les femmes et leurs créations. Le féminin fait partie de l’humain, cela semble une évidence, mais il souffre d’une exclusion qui correspond à l’invisibilité des femmes dans bien des secteurs de la vie sociale, artistique et politique. La crainte de voir leurs œuvres reléguées dans un genre mineur a favorisé chez les femmes elles-mêmes une prévention contre la pensée du féminin. Il est temps de dépasser ces réserves. Malgré les déformations simplistes ou les préjugés qui le minent, le féminin insiste dans le tréfonds de l’expression littéraire et artistique. Notre collection en proposera les lectures les plus variées sans esquiver ni les objections ni les polémiques.
Au lecteur
Federico García Lorca est né le 5 juin 1898 à minuit à Fuente Vaqueros (province de Grenade). Il est mort assassiné par les forces phalangistes et nationalistes le 19 août 1936 sur la route de Viznar (Grenade). À trente huit ans il avait écrit une œuvre considérable et connaissait une renommée internationale. Le crime commis à Grenade interrompait une création en pleine expansion. Au cours de cette médita Lion sur le masculin et le féminin dans l’écriture, sur l’interchangeabilité des rôles, des voix, des substances et des corps sexuels, leurs alliages, leurs alliances et leurs métamorphoses, il n’était pas possible de tenir compte de tout l’ opus lorquien dans le détail de chaque livre poétique et de chaque pièce. Nous avons préféré porter à quelques œuvres très représentatives une attention analytique soutenue. Les œuvres dont nous offrirons ici une lecture sont les suivantes :

Poésie
Livre de poèmes (1921)
Romancero gitan (1928)
Poète à New York (1929-36)
Divan du Tamarit (1932-36)
« Sonnets de l’amour obscur » (1935-36)

Théâtre
Le Maléfice de la phalène (1920)
Les Amours de don Perlimplin avec Bélise en son jardin (1929)
Le Public (1930)
Lorsque cinq ans seront passés (1931)
Noces de sang (1932)
Yerma (1934)
Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs (1935)
La Maison de Bernarda Alba (1936)
Première partie
Masculin/Féminin
Le berger et le laboureur
Le problème : « qu’est-ce qu’un homme ? » et surtout « qu’est-ce qu’un homme viril ? » est un problème fondamental du théâtre lorquien. Ce théâtre peuplé de femmes s’interroge sur l’essence du masculin, comme si la mécanique théâtrale, mieux qu’une réflexion proprement philosophique, pouvait, à partir d’un conflit initial, produire les conditions d’une réponse à cette question. À première vue, il semblerait qu’on ne puisse apporter que des réponses d’ordre hiologique. Les personnages, dans leurs conversations, ne se font pas faute d’évoquer ce genre de réponses qui accréditent le préjugé d’un théâtre lorquien réaliste. Le père de Yerma, Enrique le berger, est le prototype de l’homme viril. La Vieille païenne qui d’instinct sait ce que nous ne savons pas, ce qu’est un vrai homme, c’est-à-dire un homme viril, le confirme ; « Buena gente », dit-elle, à propos des hommes de la famille du père, elle aurait pu, du temps de sa jeunesse, épouser l’un d’eux, mais elle était une femme légère et quand cela aurait pu se faire, elle n’avait en tête que de courir les fêtes. Mais elle confirme, le père de Yerma était un homme de sang, ainsi que tous les hommes de sa famille. Il n’y a qu’à voir : Yerma a des frères et des cousins à cent lieues à la ronde. Yerma elle-même maudit son père qui lui a laissé son sang d’homme prolifique ; un sang de père de cent fils. C’est ce sang qui la torture, le sang viril et séminal qui exige en elle des fils et qui ne les obtient pas. Dans la bouche de la Vieille païenne, il est clair qu’il y a deux classes d’hommes et elle ne s’épuise pas à trouver des arguments philosophiques pour les définir : les hommes de sang et de caste sèment à tous vents, les autres sont faits de salive, ce sont des hommes à semence pourrie qui polluent l’allégresse des champs. La réponse biologique de la Vieille païenne à la question métaphysique de Yerma qui souffre d’une douleur dont la résidence n’est plus la chair, comporte aussi de la matière spéculative, elle possède une puissance intuitive par laquelle elle s’affranchit fies conditions de temps et de lieu dont elle semblait dépendre. Le malheur de Yerma tient à une raison simple et profonde : elle n’a pas pu épouser son père ni un homme qui fût à l’image du père. Cet impératif exogamique indique une vérité d’ordre philosophique, la réponse à la question sur la virilité ; l’homme viril c’est le père, la figure du père condense l’essence du masculin, à la façon d’ailleurs d’une définition tautologique ; l’homme viril c’est le père, soit : l’homme viril est celui qui a la faculté d’être père. Cette occupation du champ de l’homme viril par le père et par la fonction paternelle est à l’origine de la situation tragique. Yerma se conforme à la loi du père en acceptant de bon gré le mari que son père lui donne. Ce mari que le père donne (impose) porte à l’absurde l’obligation qui est faite à la fille de ne pas épouser le père. L’interdit de l’inceste interdit au mari d’être père. Ce souci de non-identification du mari au père qui règle le ballet social des personnages repose sur une maldonne, la distribution des cartes (des rôles) est truquée puisque ce mari non identique est donné par le père. Viciée par le désir du père, la loi du père qui s’impose à Yerma est une loi maudite. Yerma la dénonce à hauts cris : « Maudit soit mon père qui m’a laissé son sang de père de cent fils ! maudit soit mon sang qui les cherche en cognant contre les murs ! »
Avec Yerma c’est toute la mécanique théâtrale qui dénonce cette escroquerie : l’escroquerie du père abuseur qui fait de la vie de Yerma une impasse car le pouvoir génital du père au centre de l’œuvre interdit tout autre géniteur. Vérité implacable et paradoxale car elle se heurte à l’autre imparable vérité : que le berger géniteur de Yerma ne peut être pour Yerma un géniteur. L’ascendant imaginaire du père géniteur impose donc le modèle insurpassable de l’homme-homme (de l’homme viril), du mâle confirmé. C’est ce père qu’elle a dans le sang (dans la peau) qui empêche Yerma de trouver un autre géniteur. Elle ne peut vouloir d’un autre géniteur car son géniteur la possède. Mais cette possession physique ne peut contrevenir à une loi confirmée qui fait du père aussi le grand législateur. Yerma ne peut donc renverser la légalité de la loi, celle du père qui la possède. Elle ne peut enfanter du père (ou de l’identique au père) parce que l’honneur le lui interdit ; mais elle né peut non plus enfanter du non-père (du non identique au père) parce que cet autre est désexualisé. L’Éros paternel empêche les autres hommes de devenir des mâles. Le rêve de Yerma sur lequel s’ouvre le « poème tragique » c’est que le berger, son

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