Rire et émancipation féminine
197 pages
Français

Rire et émancipation féminine , livre ebook

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197 pages
Français

Description

Rassemblant des sujets aussi résolument variés que la comédie gréco-latine, le vaudeville, ou le journal de Bridget Jones, ce volume considère la manière dont la littérature peut dire l'émancipation féminine du point de vue décalé qu'est le rire. Le rire permet une mobilité des identifications, une reconfiguration des groupes et une recomposition de cet "autre", et devient dès lors une arme subversive : on peut rire de soi, des stéréotypes du féminin, rire contre les hommes ou contre les autres femmes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 5
EAN13 9782296532045
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

RIRE ET ÉMANCIPATION FÉMININE
Sous la direction de ARIANE BAYLE et FLORENCE FIX
Rire et émancipation féminine
Collection « Identités, Genres, Sexualités » dirigée par Anne Tomiche et Pierre ZobermanMasculin, féminin, transgenre, sexualités normées, sexualités dissidentes, décalées, dérangeantes : la collection « Identités, Genres, Sexualités » accueille des volumes consacrés à l’exploration de la construction, de la représentation et de l’analyse des identités sexuelles et de genre dans les discours sociaux et la culture, et en particulier la littérature et les arts. Si ce type de réflexions, qui s’inscrivent dans un contexte informé par les questionnements féministes ou postcoloniaux, entre autres forces de reformulation, permet de remettre en cause le statut évident d’objets trop facilement et trop immédiatement tenus pour acquis (la littérature d’une époque, le statut auctorial, etc.), il permet aussi d’évaluer et d’affiner les études du genre et de la sexualité et les théories qui, du féminisme aux approches queer, ont pris leur essor ces dernières années des deux côtés de l’Atlantique. De Beauvoir et Foucault à Sedgwick et Butler, ce champ théorique s’est construit dans un dialogue entre l’ancien et le nouveau mondes, et la collection reflète ce dialogue. Ouverte aux ouvrages collectifs qui traduisent l’actualité de la recherche et de la réflexion comme aux volumes d’auteurs individuels, la collection « Identités, Genres, Sexualités » peut aussi publier des traductions de textes fondateurs. Déjà parus Pierre Zoberman (sous la dir. de), QUEER : Écritures de la différence ?Tome 1 :Autres temps, autres lieux; Tome 2 :Représentations: artistes et créations, 2008.
Collection « Identités, Genres, Sexualités »
Rire et émancipation féminine Sous la direction d’Ariane Bayle et Florence Fix
Avec le concours et le soutien du Centre d’études et de recherches sur les Liératures Anciennes et Modernes (Université Sorbonne-Paris-Cité-Denis Diderot), du Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures de l’Université de Bourgogne et du CEDFL (Université de Lyon 3), équipes MARGE et GADGES
Éditions L’Harmaan
En couverture : © Sunset Boulevard/Corbis Couverture et mise en page : Hélène Cohen © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00870-7 EAN : 9782336008707
Introduction
Les articles réunis dans ce volume se demandent quelle place et quelle fonction accordent au rire les textes liéraires représentant un processus d’émancipation féminine, que ces textes visent un eet comique ou qu’ils rééchissent explicitement aux fonctions du rire. Sans ignorer les réso-nances sociales et politiques que ces textes peuvent rencontrer, les contri-buteurs et contributrices du volume restent dans les limites d’un ques-tionnement disciplinaire portant sur la représentation esthétique : aussi invariant que puisse apparaître le phénomène du rire sur le plan anthro-pologique, il n’est pas nécessairement construit ni n’opère de la même manière dans des genres aussi variés que la comédie, la nouvelle, le roman ou le cinéma. Il n’est pas non plus partagé de la même manière à toutes les périodes de l’histoire et sur toutes les régions de la planète. De ce point de vue notre démarche est plus historienne que géographe. Le hasard des rencontres et des spécialités a fait que seules les liératures européennes et nord-américaines sont représentées dans cet ouvrage : d’autres travaux ont ménagé une place de choix à des orientations diérentes, auxquels 1 nous nous permeons de renvoyer le lecteur. En revanche, c’est une chro-nologie longue qui nous occupe. On trouvera ici des réexions portant sur des périodes de la liérature marquées par une idéologie patriarcale (Antiquité, Moyen Âge, Âge Classique), comme sur l’époque contempo-raine marquée par les premières lues féministes et leurs acquis. Dissipons toutefois quelques malentendus possibles. Cee chronolo-gie longue ne saurait occulter qu’il n’y a pas de continuité véritable entre la plus grande partie de l’histoire humaine dans laquelle les femmes ne
1. Voir par exemple l’article de Dalida Morsly, « Humour d’Algériennes » dans le n° 11 de la revueHumoresquesp. 187-208. Pour une approche anthropologique du rire(janvier 2000), dans les cultures de tradition orale, voir entre autres Mehadev Apte,Humor and Laughter: an Anthropological Approach, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1985 ; Christie Davies, Ethnic Humor around the World: a Comparative Analysis, Bloomington, Indiana University Press, 1990.
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introduction
jouissaient pas d’une parole libre et une période relativement récente, où les combats politiques et les évolutions sociales qui les accompagnent ont permis, dans le monde occidental au moins, que la parole et l’écri-ture féminines soient libres en droit, à l’abri de la censure et des menaces physiques ou morales. Car c’est bien dans le champ politique, où le faire rire est une tactiqueparmi d’autres, que se jouent les avancées dans l’accès à l’égalité. La question de l’émancipation féminine est avant tout poli-tique et n’est certes pas directement ni premièrement corrélée au rire, en tant que manifestation physique et intellectuelle ou pratique sociale. Personne, ni homme, ni femme, n’a jamais acquis dénitivement une liberté politique parce qu’il riait ou faisait rire. Le rire n’est d’ailleurs pas automatiquement l’instrument d’une libération : il peut au contraire être la manifestation d’une soumission à l’ordre établi et en particulier à 2 l’autorité de celui qui possède la force coercitive . Les liens entre le co-mique et la position d’autorité sont avérés depuis longtemps. D’Aristote 3 à Bergson et Freud , chacun le rappelle : manifestant un esprit de supé-riorité sur ce qui est contraire à une norme, esthétique, sociale ou mo-rale, le rire est toujours liéralement ou fantasmatiquement une sanction 4 et l’expression d’un triomphe sur l’angoisse . Une fois ces précautions posées, on doit constater que, depuis quelques années déjà, le combat pour l’égalité politique emprunte volontiers les voies d’un militantisme 5 joyeux. Ainsi en est-il des interventions du collectif « La Barbe »ou des 6 performances comiques de certains mouvements lesbiens : troubler les représentations de genre et déclencher ainsi le rire, le sien comme celui
2. Sur ce point, voir l’article d’Hélène Merlin, « Peur, rire et outrage : la face sombre de la e “culture carnavalesque” », dansPeur et liérature du Moyen Âge auX V I Isiècle, sous la dir. de Pascal Debailly et Florence Dumora,Textueln° 51, 2007, qui critique l’interprétation bakhti-nienne du rire carnavalesque comme rire strictement élaboré « contre la peur » dans la société moderne et classique. 3. Aristote,Poétique, 1448 a et 1449 b ; Henri Bergson,Le Rire. Essai sur la signiïcation du co-ère ème miqueéd.) ; sur les tendanceséd.], « Quadrige », 2002 (11 [1900], Paris, PUF [1940 pour la 1 du mot d’esprit, « hostile », « obscène » et « cynique » selon Freud, voirLe Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient[1905], Gallimard, « Folio essais », 1988, p. 188-220. 4. Voir Charles Mauron,Psychocritique du genre comique. Aristophane, Plaute, Térence, Molière, Paris, José Corti, 1985, p. 19-23. 5. Voir hp://www.labarbelabarbe.org6. Les ateliers Drag Kings, par exemple, objet d’étude du linguiste Luca Greco :« Un soi plu-riel. La présentation de soi dans un atelier Drag King : enjeux catégoriels et politiques », Colloque« Le genre à l’épreuve des dispositifs de pouvoir, de langage et de catégorisation sociale », Paris III, novembre 2009. Plus largement, sur l’utilisation du rire par les mouvements fémi-nistes lesbiens, voir le n° 6 deEspace lesbien. Rencontres et revue d’études lesbiennes : l’arme du rire, Bagdam édition, 2009.
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des passants constitués en spectateurs, y obligeant aussi les adversaires qui ne veulent pas se retrouver dans le camp des mauvais rieurs, est une tactique paradoxale qui entend donner une visibilité au militantisme dans l’espace public. Ces formes récentes de l’interventionnisme fémi-niste puisent dans un arsenal ancien : le vacillement du genre par le tra-vestissement vient signier le désir d’inverser le rapport de force entre les sexes. On a tendance à penser que le fait que les femmes, aujourd’hui,font rireles autres et peuvent rire de leur propre condition, voire s’emparer du « faire rire » comme d’une arme politique, alors qu’elles étaient autrefois, pour la plupart, réduites au silence ou cantonnées dans des rôles comiques stéréotypés, correspond à un progrès. En s’appuyant sur ce qui est une évolution dans les faits – les femmes qui font rire occupent désormais largement l’espace scénique et liéraire, elles ont investi « des territoires 7 discursifs réservés aux hommes » –, on accorde au rire une fonction égali-satrice. Avant de se féliciter de ce supposé progrès, encore faut-il entendre ce que les femmes qui font rire – on songe ici au phénomène relativement récent du « one woman show » – ont à dire : elles font rire du couple, de la condition féminine ou des malheurs auxquels n’échappent pas les femmes malgré les progrès sociaux. Ainsi, comme le rappelle Olivier Mongin, les époques où il vaut mieux prendre « le parti d’en rire » ne sont pas for-cément celles où la société va bien : « les périodes rieuses ne sont pas le 8 propre des périodes heureuses […]». De ce fait, du point de vue des représentations liéraires, sans doute y a-t-il quelque chose de forcé à décrire une évolution téléologique linéaire qui verrait les femmes mener d’abord des combats pour obtenir le droit de s’exprimer, résister au pouvoir de la parole masculine dominante, pour investir nalement des lieux et des discours réservés jusque-là aux hommes. Du moins, la description de telles étapes, qui correspondent au sens d’une histoire conçue comme progrès social, est-elle moins nee dès qu’on essaye de l’appliquer aux représentations liéraires. Notre travail s’aache à montrer des discontinuités plus qu’une progression constante vers une parole libérée. Le pouvoir de contestation du rire s’exerce de manière éclatante dans des périodes marquées par des cadres de pensée et une réalité sociale misogynes, tandis que la liérature produite dans un contexte où l’égalité des sexes est acquise en droit peut très bien reconduire
7. Voir la présentation d’Elisabeth Pillet au n° 11 de la revueHumoresques,op. cit., p. 7-8. 8. Olivier Mongin, cité par Hélène Merlin dans « Peur, rire et outrage : la face sombre de la “culture carnavalesque” », art. cit., p. 169.
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