Thomas Mann et le mythe de Faust
148 pages
Français

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Thomas Mann et le mythe de Faust , livre ebook

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Description

Thomas Mann est l'un de ceux qui, avec Nietzsche, ont oeuvré à la restauration du mythe. Sa tétralogie biblique est là pour l'attester. Latentes ou manifestes (Hermès, Perceval...), elles sont prégnantes dans La Mort à Venise ou La Montagne magique. L'auteur, spécialiste de Goethe, oppose au Prince des Ténèbres l'Enfant Echo dont le visage est si lumineux qu'il éclaire l'ensemble de l'oeuvre.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2011
Nombre de lectures 56
EAN13 9782296804289
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

THOMAS MANN

ET

LE MYTHE DE FAUST
Claude Herzfeld


THOMAS MANN

ET

LE MYTHE DE FAUST


L’H ARMATTAN
© L’H ARMATTAN , 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54480-2
EAN : 9782296544802

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
FAUST AVANT LE DOCTEUR FAUSTUS
SATAN AU PIRE
Par Satan, il faut entendre le mal. Sans doute est-il "particularisé" par différents contextes religieux. Il faut cependant aborder l’étude du personnage littéraire dans l’esprit d’un manichéisme qui est de nature à inspirer le romancier et à créer le malaise chez le lecteur.
"MANICHÉISME" : SATAN "PROXO"
En employant le mot "manichéisme", nous ne désignons pas, comme nous l’avons fait ailleurs {1} , la doctrine dualiste de Mani {2} : nous prenons le mot dans son acception habituelle, au sens d’une opposition entre deux principes, le Bien et le Mal. Le problème de l’existence du Mal, voulue ? acceptée ? tolérée ? par le "bon" Dieu ne laisse pas de troubler la conscience humaine. Il s’agit d’un mythologème, d’une interrogation à laquelle le mythe répond en exprimant les secrets désirs que les hommes n’osent pas se formuler clairement à eux-mêmes. Ou plutôt, il s’agissait. En effet, en ces temps d’acceptation de faits qui, hier, faisaient scandale, et où des actes répréhensibles sont banalisés, le proxénétisme ne tardera pas à être considéré comme l’un des beaux-arts, et le Satan "maquereau" qui sévit chez Thomas Mann {3} et Pierre Mac Orlan a toute chance de passer pour un gars "sympa" {4} . Pauvre Satan, obligé de jouer au "marlou" pour séduire une humanité à laquelle on "ne la fait pas".
ADRIAN-IAGO
Adrian ou Orgon sont plus dangereux que Tartuffe. Iago est plus à craindre qu’Othello. De même, plus que le Diable lui-même, ce sont ses suppôts, ses "collabos" qui doivent être redoutés comme la peste.
Le mythe de Faust traduit fondamentalement l’aventure de la liberté humaine confrontée avec le mal. Dans les deux œuvres de Th. Mann et de P. Mac Orlan {5} , il s’agit d’exemplifier la perdition que prépare le pacte avec Satan. Dans Le docteur Faustus , le régime nazi ayant personnalisé le Pouvoir, le lecteur comprend que, par le truchement de la biographie d’un compositeur, Adrian, et le biais de l’image d’une Allemagne "début de siècle", Th. Mann stigmatise celui qui accepte de pactiser avec le Diable et lui oppose la belle figure mythique de l’enfant Écho, ange descendu du Ciel et qui apporte avec lui son mythe positif.
Adrian représente la société allemande qui trouva en Hitler, peintre raté, bohème, orateur de brasserie, quelque chose de spécial, un "charisme". Max Weber (1864-1920) entend par là, non pas, comme on l’a dit, à tort ou à raison, très longtemps des "grands hommes qui font l’histoire" et dont les qualités sont indéniables, mais de la perception d’un Führer aux qualités supposées que lui prête le peuple – la propagande confère à un individu médiocre des attributs extraordinaires – : le pouvoir détenu par le Führer émane, en fait, des frustrations dont Weimar est rendue responsable et des attentes placées en la personne du dictateur. Les concessions et les complaisances qui profitèrent à Hitler n’excusent nullement ceux qui s’en sont rendus coupables.
C’est dire que, si le problème de la créature aux prises avec le démon – et conditionnée par les déterminismes qui limitent sa liberté – est posé, Th. Mann n’a pas dissimulé l’engagement humain chez son héros et, à travers lui, dans l’âme du peuple allemand qui vit, lui aussi, son destin tragique. Pour avoir boudé la démocratie incarnée (pas si mal, malgré Noske et la sanglante répression de l’insurrection spartakiste) par la République de Weimar (à laquelle Th. Mann, ci-devant pangermaniste, s’était rallié), le peuple allemand a connu le totalitarisme couronné par l’effondrement, la défaite et l’humiliation.
ACCUSÉ FAUSTUS, COUPABLE !
Au final, Th. Mann nous convainc qu’Adrian est coupable parce qu’il a choisi librement le Führer et s’est engagé dans la voie du Mal qui ne mène pas au bonheur suprême, mais entraîne tout un peuple dans l’Apocalypse.
DES SIGNES AVANT-COUREURS
Très tôt, l’auteur du Docteur Faustus avait relevé dans l’histoire du peuple allemand {6} des symptômes morbides {7} et des signes d’hystérie collective {8} : "La peste à Cologne, les comètes et les grands signes, les nonnes stigmatisées, les croix timbrant les vêtements des hommes, et pour bannière une chemise virginale bizarrement marquée d’une croix" (D.F., p. 247). Nulle œuvre ne magnifie plus "l’homme faustien" que le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler (1880-1936), homme que caractérise un sentiment d’angoisse cosmique né de la fuite héraklitéenne du temps, contrainte suprême, lié à la vie biologique et conduisant à la mort. Ce sentiment d’angoisse s’accompagne du désir insatiable de pénétrer, dans un élan mystique que symbolise si bien la cathédrale gothique, le mystère du devenir. L’alchimiste faustien cherche à brûler les étapes, accélère le processus de transformation, tente de percer les lois de la nature pour leur faire violence et crée des machines – des objets techniques – destinés à dominer le monde {9} . Le faustien se définit comme un homme d’action, mais son entreprise de domination universelle, son impérialisme, conduit au totalitarisme dont le détournement des thèmes nietzschéens à son profit en dit long sur ses procédés de domination : loin d’en appeler au travail sur soi, la phraséologie de "l’homme faustien" vise à instaurer une "morale", celle des maîtres.
DE L’HOMME FAUSTIEN AU NAZI
Aussi les nazis ne se sont-ils pas privés d’accommoder à leur sauce l’homme faustien proposé comme idéal, par Spengler, à l’Occident tout entier : ils firent de la figure mythique de Faust un personnage essentiellement germanique symbolisant l’Action conquérante.
L’AMOUR DU PEUPLE ALLEMAND
Et l’on sait comment s’acheva la "conquête" {10} , Hitler {11} prouvant son amour à l’égard du peuple allemand en refusant d’arrêter le carnage quand il était encore temps, profitant de l’incertitude concernant le commencement de la fin : « L’incertitude de l’instant où il sera temps de songer à la fin" et la faculté de le choisir, l’incertitude de la prévision, brouillent malicieusement la vision de la fin assignée » (p. 245).
De cela, Le docteur Faustus porte témoignage :
Pour d’innombrables êtres, cet anéantissement [du régime hitlérien] viendra trop tard. […] [J]e dois moi-même me contenter de la piètre consolation de penser que, dans la mesure de mes faibles forces, je m’emploie de mon mieux pour inciter le monde à exterminer les infâmes criminels détenteurs du pouvoir, qui ont infligé aux peuples et à l’humanité une aussi inexpiable souffrance {12} .
REFOULEMENT
Les nazis savaient que l’énergie des archétypes peut être concentrée par les rites et d’autres appels aux émotions fortes de façon à pousser les masses à l’action collective : ils ont utilisé diverses versions des mythes teutoniques pour rallier le peuple allemand à leur cause {13} .
CHASSEZ LE MYTHE…
En effet, lorsqu’un mythe bénéfique, aspiration et appel, est refoulé {14} , un mythe maléfique explose, libérant les pulsions réprimées et traduisant l’inavouable. Th. Mann a le courage de balayer devant sa porte, ce qui n’est pas mince, quand on sait la répugnance des peuples à faire leur examen de conscience. Et l’on peut toujours attendre leur mea culpa . En fait, ceux que Sartre appelle les "salauds" sont de tous les pays.
TRANSPOSITION
Th. Mann nous donne à lire une transposition saisissante de l’antique aventure de Faust en abordant de front le grand problème de ce Mal que l’homme suscite pour en être la première victime.
JOHANNES CONDUIT LE BAL
Au départ du mythe de Faust, un personnage historique ou presque : un certain (ou incertain

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