Ville habitée, ville fantasmée
183 pages
Français

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Ville habitée, ville fantasmée , livre ebook

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Description

Le colloque "La ville dans et hors les murs" trouva sa voie dans l'exploration d'une typologie des représentations de la ville, dont émergèrent deux grandes notions : une ville habitée qu'il convenait de repenser, de transformer, de maîtriser au nom de l'imaginaire et une ville fantasmée, lieu de mélancolie et de projection de soi. Chaque intervenant a mis en avant une sorte d'archétype de ville rêvée autour d'un engagement passionnel ou d'un projet social qui en déformait les contours et en remodelait les perspectives...

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2007
Nombre de lectures 54
EAN13 9782336254128
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2006
9782296022737
EAN : 978-2-296-02273-7 9782296022737
Ville habitée, ville fantasmée

Georges-Frédéric Manche
Toutes les villes, tous les Etats, tous les royaumes sont mortels ; toute chose, ou par nature ou par accident, trouve sa fin et en termine tôt ou tard ; c’est pourquoi un citoyen qui assiste à la mort de sa patrie ne peut tant se désoler des malheurs de celle-ci et accuser la fatalité, que se lamenter sur son propre destin, car il n’arrive jamais à sa patrie que ce qui devait de toute façon lui arriver ; le vrai malheur est pour lui, qui a trouvé moyen de naître en un temps où devait advenir pareille calamité.
Francesco Guicciardini Souvenirs (CLXXXIX)
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Avant-propos Quelques réflexions lexicographiques sur le concept de ville en Grèce et à Rome La Ville et les villes d’Italie dans les Satires de Juvénal : approche sociologique et morale Écrire la ville en Italie et en France, à la fin du Moyen Âge La fresque des Effets du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti dans le Palazzo Pubblico de Sienne : une mise en image de la dialectique ville-campagne à la fin du Moyen Âge Vision idéale de deux urbanistes avant la lettre, Leon Battista Alberti et Leonardo da Vinci L’étrange séduction de Venise : 400 ans d’un mal anglais, de Volpone à The comfort of strangers L’administration communale durant le Premier Empire : essai de modélisation entre la France et la Toscane, 1801-1814 Attirances et rejets : la ville italienne vue par Gœthe La ville comme symbole du monde et le fort comme couvent dans Le Désert des Tartares de Dino Buzzati ANNEXE
Avant-propos
Georges Frédéric Manche
Le colloque était censé porter sur une définition et une exploitation du thème des limites intérieures de la ville, dans un contexte italien. A première vue la problématique envisagée était donc d’ordre social, se fondant sur des chroniqueurs, Compagni, Villani, ou sur des auteurs comme Boccace, l’Artin, Goldoni, Calvino, Moravia : quelles relations la ville italienne du passé entretenait-elle avec ses marges ? Les citoyens s’étant acquittés de leur droit de cité, résidant dans les murs et agissant dans la mouvance du pouvoir — d’un pouvoir — pouvaient-ils s’identifier à la ville en tant que seuls occupants légitimes, les autres, résidant hors les murs, artisans des faubourgs, tenanciers, cabaretiers plus ou moins louches, médiateurs, transporteurs, changeurs, usuriers, logeuses, prostituées occasionnelles ou professionnelles, évoluant tous dans une situation floue, en délicatesse avec la loi, dans un statut ambigu, ayant assurément leur fonction propre (où manger, où coucher quand on arrive trop tard et que les portes de la ville sont fermées ?) mais ne méritant certes pas le titre de « citoyens » ? Au surplus, la présence de la campagne venait compliquer cette relation incommode, sinon conflictuelle ; souvenons-nous du chant du « Paradis » où s’exprime Cacciaguida, l’ancêtre du poète :

Toujours le mélange des populations Fut à la racine des maux de la ville 1

DANTE ALIGHIERI, Divina Commedia, Paradis chant XVI, v. 67-68 : « Sempre la confusion de le persone principio fu del mal de la cittade. »
Et c’est un fait, le voyageur perdu, le paysan apportant ses produits et toutes les puanteurs de la ferme, le bourgeois venant s’encanailler, se rejoignaient dans les faubourgs pour acheter, vendre, se divertir.
En arrière-plan se dessinait déjà un raisonnement analogique, sinon allégorique. Dans la ville d’aujourd’hui,
existe-t-il une véritable communauté de vie entre la population socialisée, celle qui occupe des fonctions institutionnelles, et la population des marges, celle des quartiers dits « sensibles » où, pour garantir la survie, les trafics louches le disputent aux petits boulots et à l’assistance sociale ? Notre monde est-il si différent ? RMI ? RMA ? On se prend à repenser aux bourgeois de Florence ouvrant largement leurs coffres en cas d’épidémie, afin que l’émeute ne vienne point mettre la sécurité en question, ajoutant à la détresse ambiante.
Tel était le projet initial, mais le colloque a tracé sa voie dans une autre logique, a trouvé ailleurs sa cohérence.
Rappelons que 13 intervenants étaient réunis, appartenant aux horizons les plus divers : quatre italianistes, un angliciste, un germaniste, un littéraire (moderniste), un musicologue, deux antiquisantes, deux historiens (une médiéviste et un moderniste) ainsi qu’un Inspecteur général des finances.
Pouvait-on mettre en concomitance des approches censées être aussi radicalement différentes sur une même question et en tirer des principes généraux ? La collaboration interdisciplinaire n’étant pas une fin en soi, il s’agissait moins de juxtaposer des points de vue que de les intégrer les uns aux autres, l’objectif final étant d’inventer une ligne directrice qui permette de donner une légitimité commune à toutes ces perspectives.
En vérité la première leçon tirée de cette recherche interdisciplinaire est étonnante. Dans ce colloque, le réalisme ou, pour être plus précis, la mise en évidence et l’analyse d’une réalité objective chez les auteurs ou dans les corpus traités ne constituèrent jamais une priorité. Le colloque fut d’abord un lieu de rencontres et de recoupements autour d’une typologie des représentations de la ville, dont deux types émergèrent : une ville fantasmée, lieu de mélancolie, de projection de soi, avec des attentes qui, en général, sont déçues une ville prétendument réelle, mais qui n’apparut jamais que comme un lieu de vie à aménager, à penser, à repenser, à transformer, ou dont il fallait comprendre le fonctionnement afin de le maîtriser.
D’une façon ou d’une autre, tout se passa donc au niveau d’une représentation de la ville telle qu’elle aurait dû être, telle qu’on l’aurait voulue, telle qu’on ne la voulait plus.
Marie-Laure Freyburger a ainsi exploré les différentes dénominations de la ville chez les Grecs et les Latins : astu, polis, urbs, villaticus, oppidum , explorant les associations, les acquisitions : burg, arx, heim , les dérivés : fors burg, vicus , avec ce que ces appellations ont ou n’ont pas donné dans les langues d’aujourd’hui.
Toutes montrent que le concept de ville relevait d’une appartenance identitaire étroitement liée à un phénomène de représentation : il y avait des mots pour nommer la ville en tant qu’agglomération, d’autres pour désigner l’ensemble des citoyens dans une perspective sociale : civitas, politeia  ; il y avait la ville où l’on résidait par rapport à celle des autres, et il y avait Athènes ou Rome, par rapport à toutes les autres villes.
Dans le prolongement de ce partage entre le géographique et le social, Aude Lehmann montra comment Juvénal, loin de répondre aux critères d’objectivité dont les latinistes l’honorent parfois, décrivait la capitale de l’empire dans une intention satirique relevant d’une logique politique, sinon politicienne. Il s’agissait, non de brosser un tableau réaliste, mais bien de dévaluer une métropole incommode, polluée, corrompue, centre de pouvoir mais lieu de débauche et repaire de brigands, pleine d’insécurité. Juvénal rejette la Rome de son temps. Il déplore l’influence des parvenus, des affranchis, des populations orientales et valorise les aires pas encore contaminées, réservant son enthousiasme aux petites villes de l’Italie centrale où il fait bon vivre, à la campagne sérieuse et laborieuse.
L’expression littéraire ou artistique n’a d’ailleurs pas manqué de témoigner un intérêt toujours renouvelé pour la ville en tant que lieu de vie, et plus particulièrement lieu de vie d’une famille. Myriam Chopin recense ainsi en Italie, pour les XIV e et XV e siècles, plus de 500 marchands qui présentent - ou représentent à leur manière- la vie urbaine dans des écrits à vocation familiale. Pas d’objectivité à attendre, autre que relative ; elle ne semble d’ailleurs pas recherchée en tant que telle : il s’agit bien d’initiatives individuelles. L’écrivain donne autant de renseignements sur les membres de sa famille que sur sa ville, travaillant ainsi à la constitution d’une historiographie qui, tout en se voulant « miroir

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