Figures du mensonge littéraire
421 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Figures du mensonge littéraire , livre ebook

-

421 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

"Mensonge !", ce qualificatif retentit comme un jugement manifestement négatif, dénonçant un comportement de ruse ou de calcul qui demeure condamnable par comparaison avec son contraire, la vérité. Cependant, au cours du XXe siècle, nombreux sont les écrivains qui ont rencontré une défaillance radicale située au coeur du langage, un point d'opacité qui ôte aux représentations leur crédibilité. Ce livre propose une approche du thème du mensonge chez certains écrivains parmi les plus innovants de notre temps: Giono, Genet, Aragon, Duras, Jabès, Sarraute.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2005
Nombre de lectures 112
EAN13 9782336271606
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Critiques Littéraires
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
D. DENES, Marguerite Duras : Ecriture et politique, 2005.
BOUSTA Rachida Saïgh, Romancières marocaines, 2005.
VALLIN Marjolaine, Louis Aragon, la théâtralité dans l’œuvre dernière , 2005.
LAROQUE-TEXIER S., Lecture de Mandiargues, 2005.
HARDI F., Le roman algérien de langue française de l’entre-deux-guerres, 2005.
CORNILLE J.L., Bataille conservateur. Emprunts intimes d’un bibliothécaire, 2004.
ROCCA A., Assia Djebar, le corps invisible. Voir sans être vue, 2004.
BERTOLINO N., Rimbaud ou la poésie objective, 2004.
RIGAL Florence, Butor : la pensée-musique, 2004.
CHERNI Amor, Le Moi assiégé, 2004.
EL-KHOURY Barbara, L’image de la femme chez les romancières francophones libanaises, 2004.
MARCAURELLE Roger, René Daumal. Vers l’éveil définitif, 2004.
EMONT Bernard, Les muses de la Nouvelle-France de Marc LESCARBOT , 2004.
KADIVAR Pedro, Marcel Proust ou esthétique de l’entre-deux, 2004.
LAMBERT-CHARBONNIER Martine, Walter Pater et les « portraits imaginaires », 2004.
B. CASSIRAME, La représentation de l’espace par Marguerite Duras dans le cycle romanesque asiatique : les lieux du ravissement, 2004.
MOUNIC Anne, Psyché et le secret de Perséphone. Prose en métamorphose, mémoire et création (Katherine Mansfield, Catherine Pozzi, Anna Kavan, Djuna Barnes), 2004.
DULA-MANOURY Manoury, Queneau, Perec, Blanchot, Eminences du rêve en fiction, 2004.
ANOUN Abdelhaq, Abdelfattah Kilito : les origines culturelles d’un roman maghrébin, 2004.
© L’Harmattan, 2005
9782747582414
EAN : 9782747582414
Figures du mensonge littéraire
études sur l'écriture au XXe siècle

Llewellyn Brown
Couverture :
Endre ROZSDA: dessin à l’encre de Chine sur papier, 24 mm x 32 mm. Collection de l’auteur.
Peintre et dessinateur français d’origine hongroise, Endre Rozsda (1913-1999), réalisa la majeure partie de son œuvre dans les ateliers du Bateau-lavoir à Paris.
Ses peintures se singularisent par la complexité, la rigueur et le dynamisme rythmé de leur composition. Ce que Rozsda nommait des « machines à remonter le temps » réalisent un tissage où le peintre renoue avec un passé qu’il rend intensément présent et crée un monde aux innombrables visages. Les formes qui y surgissent, se cachent ou se devinent s’ordonnent selon une recherche subjective riche de perceptions constamment renouvelées.
De l’entrelacement des multiples motifs à l’orfèvrerie du détail, se livre un trait d’exception, une invention pure, corrélés à la minutie d’un travail déployé sur de nombreuses années.
Sommaire
Critiques Littéraires Page de Copyright Page de titre Dedicace PROLOGUE I — LE MENSONGE DE LA FICTION II — JEAN GIONO - De l’imposture poétique au mensonge fictionnel III — LE MENSONGE CHEZ JEAN GENET - De la vérité assassine au témoignage du vide IV — MENSONGE ET SAVOIR CHEZ PROUST V — LOUIS ARAGON - De l’absence de nom au mensonge vrai VI — MARGUERITE DURAS - Le mensonge: une modalité du féminin VII — EDMOND JABÈS - Les semblants et la lettre dans Le Livre des questions VIII — NATHALIE SARRAUTE - Soupçon du mensonge, certitude de la fêlure CONCLUSION REMERCIEMENTS
À Marie-Hélène à son sens juste et précis de l’écriture dans les moindres détails de la vie
PROLOGUE
Le regard passe sur la surface d’un mur, certainement de pierre, blanchi à la chaux, que n’interrompt aucune aspérité ou rugosité. Se tournant légèrement et reculant, pour s’affranchir de cette uniformité captivante, l’on s’aperçoit d’un trait noir au milieu du mur, une fente; de plus près: une fenêtre. Par cette ouverture, s’étale, un paysage: un village, sa rue principale, une place, une rivière se profile entre les arbres et, vers l’horizon, une rangée de montagnes. L’observateur domine, depuis une certaine hauteur, cet espace large, composé. Il assiste aux allées et venues des habitants du village, participe en quelque sorte à leur vie. Les voix montent claires dans l’air frais. L’observateur, comment est-il? Grand, petit, bien bâti, difforme? Invisible pour les autres et pour soi.
Dans une pièces avoisinante, un autre observateur, une femme, mettons. Sa fenêtre domine le même village, légèrement en décalage: ainsi, leurs vues se chevauchent, plus ou moins.
Tout n’est pas visible, loin s’en faut: l’intérieur des maisons, les ruelles, le pays qui s’étend sur les côtés; les chuchotements restent difficiles à déchiffrer; des regards, qui sait ? Un jour donné, comment savoir ce qui s’est vu ? L’un a remarqué un incident, une rupture dans l’uniformité de la vie provinciale, l’autre n’a rien vu d’inhabituel. L’un voit une scène de séduction, l’autre un éclat de brutalité; l’un un événement ponctuel, sans importance, l’autre le produit d’un développement longuement mûri. Où est le vrai, où le faux? Outre le paysage, un point aveugle reste commun aux deux fenêtres, là où leurs cadres respectifs ne se touchent pas. Qu’est-ce qui a fait le choix — peut-être imposé — des fenêtres? Qu’est-ce qui a poussé chacun à relever un incident, l’isoler parmi les multiples faits de la journée? À quel souvenirs — ou quel oubli — cette scène fit-elle écho ? En croyant établir un fait advenu dans le champ collectif, aurait-il été plutôt saisi par une scène autre, située en son intime? Où la chose s’est-elle produite: dehors ou exclusivement à l’intérieur? ou les deux à la fois, diversement ?
Pour déterminer le vrai, conférer: confronter les points de vue. À défaut d’un accord immédiat, détailler, confronter les remarques, établir une aire commune dans la parole. Mais encore, qu’est-ce qui incite l’un à relater de telle ou telle façon; que cherche-t-il à cacher ou à révéler sur lui-même? Veut-il marquer des points, porter des coups, séduire, son interlocuteur?
Encore: l’observateur, absorbé par le paysage qui happe son attention, est-il entièrement à l’abri dans sa carapace de pierre? Médusé par la scène qui s’offre à lui, mais qu’il ne peut réellement rejoindre au-delà de sa fenêtre, n’a-t-il pas remarqué cet homme qui est parti sur le côté, qui a disparu de son champ de vision? Où va-t-il? Au lieu de s’en aller, peut-être, au contraire, vient-il subrepticement exiger des comptes qui jamais ne se règlent, de celui qui lui tourne encore le dos, absorbé par une vue qui lui restreint l’ouïe?
Ainsi peut se disposer un ordre de la représentation. Le roman comme tableau, comme paysage et composition, fenêtre ouverte sur un monde partagé, sur un univers particulier. La fenêtre comme cadre qui isole, prélève, définit. Le sujet — observateur qui tour à tour domine et se montre éminemment exposé — enraciné dans un réel que la capture de son regard empêche d’appréhender 1 .
Encore lui reste-t-il, peut-être, un instant de sursis. Une sorte de rupture fait signe, alerte son attention: un bruit, un changement d’intensité atmosphérique. Perception? coïncidence? Il le saura après... ou pas, réflexion faite. Il se retourne juste à temps pour voir son visiteur intempestif Sait-il ou ne sait-il pas ce qu’il vient chercher? Le voyeur est soudain exposé, dénudé. Que lui reste-t-il à faire? Restituer une forme, une protection. Lé-halbich et panav bé-sippour — « habiller ses faces d’une histoire 2 », restaurer les apparences au moyen d’un récit. Recourir à la fable pour se donner une contenance, pour restaurer un ordre habitable. Le tableau comme parole, comme récit. Celui-ci est-il vrai, est-il faux ? Certainement va-t-il tromper son destinataire, lui jeter en pâture quelques vérités savamment arrangées qui serviront de leurre; peut-être pour temporiser, ou encore — y réussira-t-il? — pour précipiter le visiteur malvenu définitivement là d’où il est venu. En tout cas, un récit pour détourner son attention de sa proie anticipée. La parole sera nécessairement fausse; son vrai sera la part indispensable pour accrocher quelque croyance, quelque foi en cette nouvelle réalité; son réel restera mis à l’écart. L’inscription d’une représentation à la fois vraie et fausse sera un acte — telle est son efficace — qui retarde la mort.

La représentation romanesque participe de cette structuration: une composition cernée par des marges qui révèlent l’inscription de celle-ci en creux comme des traces noires sur un fond blanc, comme parole tranchant sur le silence. Son cadre est également dessiné par la disposition des phrases, la fréquence des motifs, la courbe du récit.
Surtout, elle suscite la même critique à l’égard de sa véracité: en tant que ta

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents